Le futur des GovTech et le retour de l'Etat stratège

Ces dernières années, la France est devenue un leader de la tech sur la scène européenne. Elle bénéficie d'un écosystème particulièrement riche, en essor constant.

Ces dernières années, la France est devenue un leader de la tech sur la scène européenne. Elle bénéficie d’un écosystème particulièrement riche, en essor constant. Cependant, l’apparition de cette start-up nation s’est parfois faite sans réflexion sur son utilité sociétale au regard des défis que notre pays doit relever : changement climatique, inégalités, fracture territoriale, etc. Nous devons écrire une nouvelle page : celle de la tech au service de l’intérêt général.

Ce nouveau modèle de start up nation est d’ailleurs en germe. Il s’est notamment illustré au cours de la crise du Covid. L’urgence de la situation a favorisé la collaboration entre le secteur public et les initiatives privées, en particulier dans le secteur des GovTech : CovidTracker, Vite ma Dose, Briser la Chaîne, ces succès sont riches de leçons afin de faire profiter des innovations au plus grand nombre.

Des obstacles demeurent sur la voie d’une coopération renforcée entre le secteur public et le secteur privé. Pour les lever, nous avons besoin que l’Etat stratège dépasse le stade du simple slogan et devienne une réalité concrète. Nous ne ferons pas l’économie d’une refondation de la doctrine de l’action publique.

La commande publique est un levier sous-estimé de diffusion de l’innovation et doit être à ce titre renforcée dans son utilisation stratégique. Cette refondation doctrinale doit se faire en articulation avec les raisons d’être des acteurs innovants. L’objectif des start-up de l’écosystème des GoVTech va nettement au-delà de la simple rentabilité financière et vise plus généralement la transformation en profondeur de l’action publique. Cette transformation permet d’ailleurs de générer de nombreux gains de productivité au niveau de l’ensemble de la société.

Dans un monde où les menaces géopolitiques s’accumulent, il est essentiel que la France garantisse sa souveraineté dans les secteurs les plus innovants. A cet égard, l’ancrage national des GovTech est un atout incontournable pour renforcer notre souveraineté. Elles viennent renforcer l’Etat dans ses attributions régaliennes comme dans les services publics essentiels. C’est aussi une meilleure garantie éthique, puisque les cadres de protection des données français et européen sont plus protecteurs qu’ailleurs. Faire émerger des champions numériques nationaux et européens est essentiel pour construire une voie alternative aux Gafam et géants chinois et ainsi préserver notre souveraineté sur des secteurs économiques porteurs.

Les GovTechs sont aussi essentielles pour prendre les devants de l’économie de demain, et de la transition écologique en particulier. IA bas carbone, systèmes intelligents d’économies d’eau et d’énergie, optimisation des flux, amélioration des données climatiques… Les usages ne manquent pas pour transformer l’intégralité de l’action publique de façon cohérente avec les défis climatiques. Cette impulsion est la condition d’un changement plus global de l’ensemble du secteur privé au profit des secteurs décarbonés.

Productif, ce secteur est aussi intense en emplois, puisqu’en moyenne ce sont 5,2 emplois indirects qui naissent de la création d’un emploi dans les GovTech. A comparer avec le secteur de l’industrie, qui ne génère en moyenne qu’1,4 emploi indirect par emploi créé. Ce marché de 16 milliards d’euros, en croissance rapide, est donc une ressource importante pour créer des emplois qualifiés, stables et utiles.

La volonté de collaboration existe pourtant, et se manifeste par de nombreuses initiatives : incubateur d’initiative citoyenne, plateforme Approch’ créée par la direction des achats de l’Etat… Le président de la République s’est lui-même prononcé pour une meilleure diffusion de l’innovation au sein du service public.

Des progrès ont été réalisés, puisque l’État a pérennisé un dispositif expérimental qui réduit les barrières à l’entrée pour les appels d'offres sur des sujets innovants. Enfin, depuis huit ans, le mois de novembre est destiné à l’innovation publique et au partage de méthodes, solutions et expérimentations qui transforment durablement l’action et les services publics.

Cependant, les changements en cours sont trop timides et se manifestent par des chiffres relativement décevants. En deux ans, seuls 231 marchés innovants ont été conclus dans le cadre de l’expérimentation.

Il appartient aux pouvoirs exécutifs et parlementaires de changer les règles du jeu.