Cyrille Bataller (Accenture) "L'IA va multiplier par deux la croissance en France d'ici 2035"

Le directeur de l'intelligence artificielle chez Accenture monde analyse les retombées de l'IA pour l'économie mondiale et le groupe de consulting.

JDN. Comment Accenture gagne-t-il de l'argent grâce à l'intelligence artificielle ?

Cyrille Bataller, directeur de l'intelligence artificielle chez Accenture monde. © Accenture

Cyrille Bataller. Nous conseillons nos clients pour qu'ils choisissent des solutions IA adaptées à leur business. Nous leur proposons un panel d'offres chez différents éditeurs avec lesquels nous avons des relations, comme Microsoft, Amazon, IPsoft et son agent virtuel Amelia ou encore les déclinaisons de Watson que commercialise IBM. Nous constituons pour eux des solutions préconfigurées qu'ils peuvent implémenter en quelques semaines ou quelques mois maximum au lieu d'y passer au moins une année.

Le potentiel disruptif de ces technologies est énorme. Elles devraient permettre de multiplier par deux la croissance économique de douze pays dont la France d'ici 2035 et faire croitre de 20% la productivité, selon notre étude baptisée la croissance via l'intelligence artificielle, datée de décembre 2016. C'est un domaine stratégique pour nous.

Quels secteurs ont le plus d'appétence pour ces solutions aujourd'hui ?

Cette quatrième révolution industrielle aura le même type d'impact sur l'économie que l'électricité. Les entreprises de tous les domaines d'activités sont concernées. Mais certaines branches sont en avance : les banques, les assureurs, les telcos ou encore les centres d'appels sont particulièrement friands de ces nouvelles offres.

Adoptent-elles des solutions IA pour devenir plus compétitives dans leur core business ou sur leurs fonctions support ?

Les deux. Aujourd'hui, de nombreuses solutions permettent de rendre plus efficace la gestion de leur pôle finance, RH ou de leur back office. Les avancées dans le domaine de la compréhension du langage naturel ont également permis de faire des progrès considérables pour extraire de l'expertise de vastes bases de documents. C'est utile pour les entreprises qui font de la R&D par exemple. Mais ces recherches ont été réalisées majoritairement en anglais, elles ne bénéficient donc pour le moment en France qu'aux multinationales.

L'automatisation d'un nombre croissant de tâches ne risque-t-il pas d'avoir de très lourdes répercussions sur l'emploi ?

Ce n'est pas ce que nous avons constaté chez nos clients jusqu'à présent. Nous avons par exemple installé un logiciel de reconnaissance d'images pour aider le gouvernement de Singapour à analyser le flux vidéo des caméras de surveillance installées dans la ville. Lorsque l'IA repère une activité inhabituelle, elle envoie une alerte. Ce travail fastidieux était jusqu'à présent réalisé par un humain. Depuis que nous avons installé cette solution, le nombre d'alertes a fortement crû. La cité-Etat a dû recruter de nouveaux opérateurs pour les analyser et ses agents de police interviennent plus souvent sur le terrain.

C'est un cas un peu particulier, mais le résultat est-il le même avec l'automatisation des fonctions support ?

En interne, nous avons automatisé en 2014 les activités de 22 000 équivalents temps plein au sein de notre branche opération, qui emploie plus de 100 000 personnes, grâce à une solution de robot process automation. Ces robots logiciels traitent automatiquement des tâches répétitives réalisées auparavant par des humains sur leur ordinateur. Ils sont par exemple capables de regarder dans un logiciel de comptabilité si une facture a ou non été payée. Ces systèmes IA peuvent rendre plus efficace les RH, les comptables, ou encore les chargés de back office d'une entreprise.

Ils ont permis à Accenture de muscler sa compétitivité en ne perdant plus de temps sur des tâches à faible valeur ajoutée. Résultat, notre branche opération est en croissance constante depuis trois ans. Cette automatisation ne s'est pas traduite par des suppressions d'emploi, mais au contraire nous avons recruté de nouveaux collaborateurs.

L'intelligence artificielle est devenue un sujet central dans la stratégie de votre groupe. Quand a été créé le poste de directeur de l'IA chez Accenture monde que vous occupez ?

En 2012, Accenture a décidé que l'intelligence artificielle était un secteur de croissance majeur et a créé cette nouvelle fonction. J'ai été nommé dans la foulée. Je dirige une petite équipe d'une cinquantaine de personnes, mais les compétences IA sont présentes de façon diffuse dans toute l'entreprise. Sur plus de 400 000 collaborateurs, 5 000 ont une expertise sur le sujet et 2 000 font partie de notre community of practice, une plateforme à travers laquelle ils partagent leurs connaissances avec leurs collègues.

700 spécialistes du machine learning ou du natural language processing, entre autre, ont été engagés depuis le 1er septembre 2016. Nous ouvrirons nos portes à 1 200 personnes supplémentaires au cours de cette année fiscale. Cette politique de recrutement devrait encore être renforcée l'année prochaine.