A l'ombre de l'actualité
de la Net-économie, les sites dédiés aux communautés
gays et lesbiennes n'en demeurent pas moins très actifs sur
Internet. Un constat qui n'a pas échappé aux investisseurs,
qui portent du coup une attention toute particulière sur ce
marché. La plus grande opération dans le domaine des portails
gays vient d'ailleurs d'être finalisée : le réseau international
Gay.com (édité par Online Partners) et son homologue américain
PlanetOut Corporation viennent en effet de boucler leur phase
de rapprochement annoncée en novembre 2000. Mais dans un souci
d'atteindre la rentabilité à court terme, la nouvelle entité,
PlanetOut Partners, n'a toutefois pas échappé à une réduction
de ses effectifs. Un plan de licenciement a été annoncé début
mars, affectant une trentaine de personnes aux Etats-Unis.
Cette nouvelle concentration se caractérise également
par des prises de position dans différents pays via des déclinaisons
locales ou des partenariats. Ainsi, Gay.com a débarqué
en France en juin 2000 en absorbant le webzine Ooups.com (cf
article
JDNet du 23/06/00). Quant au canadien GayCrawler,
il a choisi un mixte en signant un accord avec le portail
français CiteGay.fr
fin 2000, édité par la société Action Multimédia SAS (AMM).
Les
trois principaux portails gays en France |
Nom |
Audience/mois
|
A
noter
|
CiteGay.fr
|
-
1,6 million de visites
- 35,7 millions de pages vues
(source cybermétrie) |
-
Service en ligne du groupe FTD
- Date de création : fin 97
- Mai 2000 : création d'Action Multimédia
SAS qui reprend le service en toute indépendance.
-Janvier 2001 : création d'une radio en ligne
CiteGay
- Effectifs : 15 personnes
|
Fosfoo.com |
-
Plus de 6.000 membres
- 1 million de pages vues |
-
10 Mai 2000 : création du portail gay lesbien Fosfoo.com
- juin 2000 distribution de 150.000 CD contenant un guide
des Entreprises gay en France dans l'ensemble de la presse
Gay : Têtu, Illico, et les journaux gratuits en province.
- Mars 2001 : signature avec la régie Hi Média. Effectifs
: 5 personnes et un réseaux de correspondants bénévoles
sur la Province. |
Gay.com
France
|
-
103.000 visiteurs uniques
- 353.000 visites
- 8,4 millions de pages vues
(source Dart DoubleClick) |
-
1996 : création de Gay.com
- Avril 99 : fusion de Gay.net, Gay.com et le service
onQ d'AOL
- Mars 2000 : levée de fonds de 23 millions de
dollars
- Novembre 2000 : annonce de la fusion avec PlanetOut
- Avril 2001 : Création officielle de PlanetOut
Partners
- 8 versions locales (USA, France, Royaume-Uni, Italie,
Espagne, Portugual, Argentine, Mexique)
- Effectifs Gay.com France :10 personnes
|
Source : éditeurs
des sites, tableau réactualisé le 25/04/01
Mais nous n'en sommes qu'aux
prémices, car ce marché comprend beaucoup d'acteurs de divers
horizons. Avec, au premier rang, le Minitel. Le
groupe
BD Multimédia, coté sur le Marché Libre et acteur historique
de la télématique, a
ainsi pris le contrôle en septembre 2000 de l'outil
de recherche GayPlanet.com,
en complément de son site GayFrance.fr.
BD Multimédia possède un réseau de services télématiques (3615
Mec, 3615 Male, etc.) qu'il a regroupé avec ses sites Internet
dans un pôle Gay et qui représente 30% de son chiffre d'affaires
(soit 1,35 millions d'euros). Face à la montée
en puissance de ces activités, les dirigeants de BD
Multimédia ne cachent pas leur ambition d'introduire en Bourse
ce pôle Gay, parallèlement à la maison-mère.
Les
poids-lourds du Net prennent aussi position
|
La cible gay intéresse également
les grands portails généralistes : Lycos.fr a ainsi conservé
le service de rencontres Yarps.fr,
élaboré à l'origine par le groupe Spray. D'autres groupes
de médias comme LVetCo (dans lequel on retrouve DI Group,
le producteur de télévision Gérard Louvin et Jean-Marc Morandini)
ont pris timidement position. Bien qu'il soit spécialisé dans
la radio (MFM, Voltage), le groupe détient le portail généraliste
ToutEstNet et un site gay, GenerationGay.fr.
Toutefois, l'e-krach du printemps dernier semble avoir calmé
les ardeurs de LVetCo dans l'ensemble de ses développements
Internet.
Cette effervescence autour des sites gays s'explique surtout
par des scores d'audience records. Dans ce domaine, les performances
sont en effet plus qu'honorables : ouvert en juin 2000, le
site de la filiale française de Gay.com recense actuellement
8,4 millions de pages vues par mois (source DoubleClick Dart).
De son côté, CiteGay.fr dispose également
d'une base non négligeable d'audience avec 35 millions de
pages vues par mois (source Cybermétrie). Un résultat que
l'on peut expliquer par ses activités pionnières, dévéloppées
dans un premier temps sous le giron du groupe FTD (devenu
Polaris) puis reprises de manière indépendante (cf article
JDNet du 19/09/00).
Une
cible encore mal définie
|
Toutefois, l'audience est difficile
à monétiser actuellement. Car si théoriquement la publicité
en ligne est l'une des sources principales de revenus dans
les "business models" des portails gays, les recettes ont
tendance à s'effondrer, compte tenu de la morosité actuelle
du marché. De plus, les portails gays éprouvent des difficultés
à identifier réellement le profil de leurs visiteurs :
pour des raisons de confidentialité, la législation française
interdit en effet d'insérer toute demande de renseignements
sur l'orientation sexuelle dans les questionnaires. Mais en
s'appuyant sur ses utilisateurs réguliers, Gay.com mène en
France des études pour dégager des grandes lignes du comportement
des homosexuelles vis-à-vis d'Internet et du commerce électronique.
Ainsi, une étude d'octobre 2000 montre qu'à 85%, les visiteurs
de Gay.com sont masculins, qu'ils appartiennent à 55% à la
catégorie socio-professionnelle CSP +, disposent d'un revenu
supérieur net de 16% par rapport à la moyenne française et,
dans une très grande majorité, se connectent plus de cinq
fois par semaine à Internet. D'après cette étude, il ressort
que les homosexuelles sont également attirés par l'e-commerce :
63% d'entre eux indiquent avoir réalisé des achats en ligne
dont plus de la moitié dans les trois derniers mois. Une cible
donc de prédilection.
Autre difficulté pour
attirer les annonceurs : les portails gays doivent montrer
patte blanche en ce qui concerne les contenus à caractère
pornographique. Gay.com s'est ainsi positionné comme un site
d'information généraliste à destination des homosexuels. "C'est
notre ligne éditoriale qui rassure les annonceurs", commente
Pierre Jouanny, vice-président Europe de Gay.com. Et
elle convient parfaitement aux investisseurs d'Online Partners
et à ceux de son nouvel associé PlanetOut, soutenu
par des groupes comme AOL Investments ou Bertelsmann Entertainments.
Le site de Gay.com France propose ainsi neuf canaux thématiques
(actualité, Art de vivre, forme & santé,
etc.), deux systèmes de dialogues interactifs et sept "communautés
d'affinités transversales" (Associations, Familles &
Amis, Garçons, Jeunes, etc.). De son côté, Citegay.fr
se considère plutôt comme un "site de communauté gay". L'objectif
étant de "donner un ton à notre site", indique William Petex-Sorgue,
directeur de AMM. Une ambigüité qui permet de conjuguer
de nombreuses fils d'informations généralistes (avec l'ouverture
d'une radio en ligne en janvier 2001) avec des rubriques certes
plus discrètes mais plus orientées X.
Vers
la diversification des revenus
|
Parmi les sources de revenus
complémentaires des portails gays figurent également
l'e-commerce. Gay.com France dispose d'un espace shopping
où l'on retrouve des acteurs comme La Redoute (VPC) ou MisterGoodDeal.com
(déstockage en ligne). CiteGay présente de son côté
une galerie marchande avec une douzaine de catégories de produits
et des vendeurs en ligne comme Alapage.com (produits culturels)
ou Go Voyages (tourisme). En l'état actuel, l'e-commerce reste
malgré tout une activité marginale en terme de chiffre
d'affaires. Les portails portent donc leur efforts sur d'autres
sources de revenus plus spécifiques : Gay.com France démarre
par exemple une activité de conseil publicitaire à destination
des annonceurs traditionnels, qui ont du mal à concevoir des
plans de communication à destination des homosexuels (programme
eCommunity). L'équipe propose également de prendre en régie
d'autres sites gays. Son premier client est le site de communauté
gay Adventice.com,
qui abrite une librairie en ligne spécialisée. CiteGay.fr
développe pour sa part des activités de type Audiotel avec,
par exemple, le service GayMobile.com.
Les espaces publicitaires de la partie information a été confié
à 24/7 Média France tandis que AMM traite en interne la partie
communautaire (RégieGay).
Dès son premier exercice en indépendant
(mai 2000 - mai 2001), CiteGay.fr compte parvenir à l'auto-financement
avec un résultat d'exploitation de 11 millions de francs.
Quant à Gay.com France, le service est censé devenir rentable
d'ici la fin 2001. La filiale française tire 80% de son chiffre
d'affaires de la publicité, le reste étant des prestation
de conseils. Si l'avenir de ces deux sites "phares"
semblent bien amorcer, ils devront néanmoins apprendre
à conjuguer avec un paysage Internet hexagonal qui
risque de réserver certaines surprises. Car en France,
le marché pourrait se révéler plus compliqué
qu'ailleurs : de nombreux acteurs, largement issus du
Minitel (avec ses milliers de serveurs de rencontres), n'ont
pas encore dégainé sur Internet. Reste à savoir si
ces nouveaux entrants potentiels réussiront à
imposer sur le Net leur business model "historique" :
la facturation à la durée de connexion.
Pas facile, quand l'esprit du Web est né dans la gratuité...
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