Médias
Les portails gays attisent les convoitises
Dans un marché prometteur et encore peu structuré, Gay.com et CiteGay.fr tissent leur Toile sous l'oeil très attentif des financiers et des grands portails. --> (Mercredi 18 avril 2001)
         

A l'ombre de l'actualité de la Net-économie, les sites dédiés aux communautés gays et lesbiennes n'en demeurent pas moins très actifs sur Internet. Un constat qui n'a pas échappé aux investisseurs, qui portent du coup une attention toute particulière sur ce marché. La plus grande opération dans le domaine des portails gays vient d'ailleurs d'être finalisée : le réseau international Gay.com (édité par Online Partners) et son homologue américain PlanetOut Corporation viennent en effet de boucler leur phase de rapprochement annoncée en novembre 2000. Mais dans un souci d'atteindre la rentabilité à court terme, la nouvelle entité, PlanetOut Partners, n'a toutefois pas échappé à une réduction de ses effectifs. Un plan de licenciement a été annoncé début mars, affectant une trentaine de personnes aux Etats-Unis. Cette nouvelle concentration se caractérise également par des prises de position dans différents pays via des déclinaisons locales ou des partenariats. Ainsi, Gay.com a débarqué en France en juin 2000 en absorbant le webzine Ooups.com (cf article JDNet du 23/06/00). Quant au canadien GayCrawler, il a choisi un mixte en signant un accord avec le portail français CiteGay.fr fin 2000, édité par la société Action Multimédia SAS (AMM).

Les trois principaux portails gays en France
Nom
Audience/mois
A noter
CiteGay.fr
- 1,6 million de visites
- 35,7 millions de pages vues
(source cybermétrie)
- Service en ligne du groupe FTD
- Date de création : fin 97
- Mai 2000 : création d'Action Multimédia SAS qui reprend le service en toute indépendance.
-Janvier 2001 : création d'une radio en ligne CiteGay
- Effectifs : 15 personnes
Fosfoo.com - Plus de 6.000 membres
- 1 million de pages vues
- 10 Mai 2000 : création du portail gay lesbien Fosfoo.com
- juin 2000 distribution de 150.000 CD contenant un guide des Entreprises gay en France dans l'ensemble de la presse Gay : Têtu, Illico, et les journaux gratuits en province.
- Mars 2001 : signature avec la régie Hi Média. Effectifs : 5 personnes et un réseaux de correspondants bénévoles sur la Province.
Gay.com France
- 103.000 visiteurs uniques
- 353.000 visites
- 8,4 millions de pages vues
(source Dart DoubleClick)
- 1996 : création de Gay.com
- Avril 99 : fusion de Gay.net, Gay.com et le service onQ d'AOL
- Mars 2000 : levée de fonds de 23 millions de dollars
- Novembre 2000 : annonce de la fusion avec PlanetOut
- Avril 2001 : Création officielle de PlanetOut Partners
- 8 versions locales (USA, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Portugual, Argentine, Mexique)
- Effectifs Gay.com France :10 personnes
Source : éditeurs des sites, tableau réactualisé le 25/04/01

Mais nous n'en sommes qu'aux prémices, car ce marché comprend beaucoup d'acteurs de divers horizons. Avec, au premier rang, le Minitel. Le groupe BD Multimédia, coté sur le Marché Libre et acteur historique de la télématique, a ainsi pris le contrôle en septembre 2000 de l'outil de recherche GayPlanet.com, en complément de son site GayFrance.fr. BD Multimédia possède un réseau de services télématiques (3615 Mec, 3615 Male, etc.) qu'il a regroupé avec ses sites Internet dans un pôle Gay et qui représente 30% de son chiffre d'affaires (soit 1,35 millions d'euros). Face à la montée en puissance de ces activités, les dirigeants de BD Multimédia ne cachent pas leur ambition d'introduire en Bourse ce pôle Gay, parallèlement à la maison-mère.

Les poids-lourds du Net prennent aussi position

La cible gay intéresse également les grands portails généralistes : Lycos.fr a ainsi conservé le service de rencontres Yarps.fr, élaboré à l'origine par le groupe Spray. D'autres groupes de médias comme LVetCo (dans lequel on retrouve DI Group, le producteur de télévision Gérard Louvin et Jean-Marc Morandini) ont pris timidement position. Bien qu'il soit spécialisé dans la radio (MFM, Voltage), le groupe détient le portail généraliste ToutEstNet et un site gay, GenerationGay.fr. Toutefois, l'e-krach du printemps dernier semble avoir calmé les ardeurs de LVetCo dans l'ensemble de ses développements Internet.

Cette effervescence autour des sites gays s'explique surtout par des scores d'audience records. Dans ce domaine, les performances sont en effet plus qu'honorables : ouvert en juin 2000, le site de la filiale française de Gay.com recense actuellement 8,4 millions de pages vues par mois (source DoubleClick Dart). De son côté, CiteGay.fr dispose également d'une base non négligeable d'audience avec 35 millions de pages vues par mois (source Cybermétrie). Un résultat que l'on peut expliquer par ses activités pionnières, dévéloppées dans un premier temps sous le giron du groupe FTD (devenu Polaris) puis reprises de manière indépendante (cf article JDNet du 19/09/00).

Une cible encore mal définie

Toutefois, l'audience est difficile à monétiser actuellement. Car si théoriquement la publicité en ligne est l'une des sources principales de revenus dans les "business models" des portails gays, les recettes ont tendance à s'effondrer, compte tenu de la morosité actuelle du marché. De plus, les portails gays éprouvent des difficultés à identifier réellement le profil de leurs visiteurs : pour des raisons de confidentialité, la législation française interdit en effet d'insérer toute demande de renseignements sur l'orientation sexuelle dans les questionnaires. Mais en s'appuyant sur ses utilisateurs réguliers, Gay.com mène en France des études pour dégager des grandes lignes du comportement des homosexuelles vis-à-vis d'Internet et du commerce électronique. Ainsi, une étude d'octobre 2000 montre qu'à 85%, les visiteurs de Gay.com sont masculins, qu'ils appartiennent à 55% à la catégorie socio-professionnelle CSP +, disposent d'un revenu supérieur net de 16% par rapport à la moyenne française et, dans une très grande majorité, se connectent plus de cinq fois par semaine à Internet. D'après cette étude, il ressort que les homosexuelles sont également attirés par l'e-commerce : 63% d'entre eux indiquent avoir réalisé des achats en ligne dont plus de la moitié dans les trois derniers mois. Une cible donc de prédilection.

Autre difficulté pour attirer les annonceurs : les portails gays doivent montrer patte blanche en ce qui concerne les contenus à caractère pornographique. Gay.com s'est ainsi positionné comme un site d'information généraliste à destination des homosexuels. "C'est notre ligne éditoriale qui rassure les annonceurs", commente Pierre Jouanny, vice-président Europe de Gay.com. Et elle convient parfaitement aux investisseurs d'Online Partners et à ceux de son nouvel associé PlanetOut, soutenu par des groupes comme AOL Investments ou Bertelsmann Entertainments. Le site de Gay.com France propose ainsi neuf canaux thématiques (actualité, Art de vivre, forme & santé, etc.), deux systèmes de dialogues interactifs et sept "communautés d'affinités transversales" (Associations, Familles & Amis, Garçons, Jeunes, etc.). De son côté, Citegay.fr se considère plutôt comme un "site de communauté gay". L'objectif étant de "donner un ton à notre site", indique William Petex-Sorgue, directeur de AMM. Une ambigüité qui permet de conjuguer de nombreuses fils d'informations généralistes (avec l'ouverture d'une radio en ligne en janvier 2001) avec des rubriques certes plus discrètes mais plus orientées X.

Vers la diversification des revenus

Parmi les sources de revenus complémentaires des portails gays figurent également l'e-commerce. Gay.com France dispose d'un espace shopping où l'on retrouve des acteurs comme La Redoute (VPC) ou MisterGoodDeal.com (déstockage en ligne). CiteGay présente de son côté une galerie marchande avec une douzaine de catégories de produits et des vendeurs en ligne comme Alapage.com (produits culturels) ou Go Voyages (tourisme). En l'état actuel, l'e-commerce reste malgré tout une activité marginale en terme de chiffre d'affaires. Les portails portent donc leur efforts sur d'autres sources de revenus plus spécifiques : Gay.com France démarre par exemple une activité de conseil publicitaire à destination des annonceurs traditionnels, qui ont du mal à concevoir des plans de communication à destination des homosexuels (programme eCommunity). L'équipe propose également de prendre en régie d'autres sites gays. Son premier client est le site de communauté gay Adventice.com, qui abrite une librairie en ligne spécialisée. CiteGay.fr développe pour sa part des activités de type Audiotel avec, par exemple, le service GayMobile.com. Les espaces publicitaires de la partie information a été confié à 24/7 Média France tandis que AMM traite en interne la partie communautaire (RégieGay).

Dès son premier exercice en indépendant (mai 2000 - mai 2001), CiteGay.fr compte parvenir à l'auto-financement avec un résultat d'exploitation de 11 millions de francs. Quant à Gay.com France, le service est censé devenir rentable d'ici la fin 2001. La filiale française tire 80% de son chiffre d'affaires de la publicité, le reste étant des prestation de conseils. Si l'avenir de ces deux sites "phares" semblent bien amorcer, ils devront néanmoins apprendre à conjuguer avec un paysage Internet hexagonal qui risque de réserver certaines surprises. Car en France, le marché pourrait se révéler plus compliqué qu'ailleurs : de nombreux acteurs, largement issus du Minitel (avec ses milliers de serveurs de rencontres), n'ont pas encore dégainé sur Internet. Reste à savoir si ces nouveaux entrants potentiels réussiront à imposer sur le Net leur business model "historique" : la facturation à la durée de connexion. Pas facile, quand l'esprit du Web est né dans la gratuité...

[Philippe Guerrier, JDNet]
 
 
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