Piloter
une aventure Internet en solo, en marge de ses activités
salariées et en contestant les logiques économiques
traditionnelles, c'est encore possible : Christophe Bovio,
webmaster et fondateur de photo-de-classe.com, édite
et développe son site en indépendant depuis
trois ans. A la clef, beaucoup de sacrifices personnels
mais aussi d'immenses satisfactions. Le tour de son aventure
en 15 questions.
Quelle
est la genèse du site Photo-de-classe ?
Christophe Bovio. Une discussion en famille un dimanche
nous a amené à la nostalgie de nos années d'école. Ingénieur
en informatique, j'ai toujours utilisé l'outil internet
depuis ses débuts en France. J'ai immédiatement pensé
qu'un site internet dédié à ce type de recherche serait
apprécié et utile. Le site photo-de-classe.com
était en ligne en 1999, et dans une version très peu
éloignée de celle d'aujourd'hui.
Quel
est le statut de la société éditrice, son chiffre d'affaires,
ses effectifs ?
Photo de Classe est une SAS au capital de 40 000
euros. Nous avons retenu ce statut pour sa souplesse
d'administration. Nous sommes trois associés à part
égale mais je suis la seule personne à travailler sur
le projet depuis le début. J'ai créé la structure en
2000. A l'inverse de tous, je n'ai pas cherché d'investisseurs.
J'ai donc décidé que la structure tournerait en régime
minimum pour ne jamais être mise en danger de dépôt
de bilan. Le premier exercice a été déficitaire de 4 000 euros
et le second va être équilibré. Je suis salarié en dehors
de photo de classe pour me permettre d'intervenir en
tant que président bénévole sur le site. Comme je fais
tout tout seul sans me salarier sur la structure, les
coûts sont dérisoires et les besoins de revenus en rapport.
Cela veut tout de même dire 3 ans de travail acharné
à raison de 18 heures par jour, sept jours sur sept.
Il est évident que mon rêve est que Photo de classe
génère un jour de l'emploi comme toute société saine.
Quelle
est l'audience du site ?
Pour des raisons de coûts, je n'ai pas de mesures
externes et officielles, toutes les statistiques sont
internes. Ma fréquentation est celle d'un site connu
médiatiquement dans son secteur. Mais la progression
est exponentielle et les accès directs, par le bouche
à oreille ou la presse, représentent 70% de mes visites...
Quelles
sont vos sources de revenus aujourd'hui... et dans 2
ans ?
Pour l'instant mon modèle économique est ultra simple
: me battre pour la gratuité de mon service sur internet,
me payer avec les remerciements des gens et développer
quelques sites (fort de la marque photo de classe et
de son enseigne P2C) pour rentabiliser ce qui n'est
pas rentable. Les deux seules choses payantes sur mon
site, ce sont le support technique et le service "la
bouteille à la mer". Le premier me permet de faire
barrage pour simplement dormir plus car en mode gratuit
je recevais plus de 500 mails par jour... Le second
est pour les plus motivés : passer une annonce qui reste
à vie sur le site. Ces deux services payants suffisent
à financer mon hébergement dédié. Demain, je suis persuadé
de trouver un sponsor officiel. Je n'ai toujours pas
trouvé depuis un an, mais je ne désespère pas. Avec
une couverture médiatique importante, en moyenne de
2 articles de presse tous les mois et quelques passages
télé, photo de classe trouvera son sponsor officiel.
L'appel est lancé !
Comment
commercialisez-vous l'espace publicitaire de photo-de-classe ?
Comme beaucoup j'ai démarré en régie publicitaire propre,
mais les revenus sont dérisoires. Mais cela suffit encore
à financer quelques coûts en interne. Il y a pourtant
10 fois plus d'avantages à annoncer sur un espace
Web qu'un espace presse. Il serait temps de retrouver
une logique économique dans la net-économie...
Comment
réglez-vous les problèmes juridiques de copyright des
images de photo-de-classe vis-à-vis des auteurs et de
droit à l'image des personnes représentées, a fortiori
quand il s'agit de mineurs ?
Pour respecter le
droit à l'image des mineurs, je ne mets pas en ligne
les photos avec des élèves encore mineurs aujourd'hui.
Photo de classe a fait l'objet d'un dépôt à la CNIL
et auprès d'un organisme qui gère les droits d'auteurs
de photographies. Dans le principe, une photo de classe
est mise en ligne avec un copyright internet du site
(pour identifier la source de fond documentaire et éviter
le vol de ces images par une tierce personne). Il y
a, avec cette photo, les liens nécessaires pour revendiquer
un copyright. Si un photographe est l'auteur de cette
photo et qu'il peut le prouver, ses coordonnées sont
affichées. Sachant que seuls les noms des personnes
inscrites apparaissent sur une photo, un visage n'est
clairement identifié que si la personne l'a souhaité.
Sans nom mentionné, avec un visage qui ne ressemble
en rien à celui du présent et avec un droit de rectification,
je préserve le droit à l'image de chacun.
Combien
de photos de classe contient le site ?
Aux alentours de 20 000 photos publiées. 20 000
autres attendent de pouvoir l'être dans un ou
deux ans pour les raisons juridiques évoquées
ci-dessus de défense du droit à l'image
des mineurs.
Comment
assurez-vous votre promotion ?
Je n'ai aucun budget publicité. J'utilise essentiellement
les relations-presse et le bouche à oreille.
Faites-vous
de l'affiliation ?
Non. Je ne veux pas entrer dans ce système.
Avez-vous
essayé les liens promotionnels ? Que pensez-vous du
principe ?
Non, et je les condamne fermement ! Ils mettent en danger
la gratuité sur internet. Le service de base d'un moteur
est de diriger l'internaute vers le meilleur site qui
répond de manière pertinente à sa requête. Ici, il oriente
délibérément ses visiteurs vers un service payant alors
qu'ils peuvent trouver le même service gratuitement
deux réponses plus bas ! C'est à mon sens manquer de
respect aux utilisateurs et ce modèle ne durera pas.
Croyez-vous
au modèle payant ? Que peut-on faire payer sur Internet
selon vous ?
Faire payer un service comme photo-de-classe est
illusoire et sans avenir. C'est à un sponsor de payer
l'offre de service. Les internautes n'achèteront tout
au plus que quelques produits dérivés.
Quelle
est la plate-forme technologique de photo-de-classe
?
Je développe avec un simple éditeur de texte. Je
ne veux pas de solutions RAD qui vous produisent 1000
lignes de code pour afficher "Bonjour". Le site est
en pages HTML, générées dynamiquement en PHP et exploite
une base MySQL. Le tout sur un serveur sous Linux Slackware
et Apache. Là encore, je suis un fervent défenseur des
outils gratuits et contributifs. C'est un milieu d'entraide
fort : ajouter une nouvelle fonctionnalité prend quelques
heures; le temps de trouver qui l'a déjà développée
et comment l'adapter à vos besoins. Avec des solutions
intégrées, vous passez plus de temps à contourner les
bugs et à mettre à jour les trous de sécurités que de
travailler efficacement...
Quels
outils utilisez-vous pour vos statistiques d'audience
et le traitement des images ?
Ce sont des développements internes. Des modules
en PHP pour les statistiques en temps réel. Des modules
en Java et Servlet pour le traitement des images. Au
début, il me fallait 10 minutes pour mettre en ligne
une photo de classe avec le positionnement de chaque
zone sensible sur les visages. Aujourd'hui, il me faut
moins de 5 secondes !
Quel
prestataire utilisez-vous pour l'hébergement ?
L'hébergement est un serveur dédié que je migre
au gré des tarifs qui baissent à vue d'oeil. Le but
est d'avoir toujours la plus grande puissance au prix
le plus bas. Tant que le service assure une disponibilité
24/24 du réseau, j'administre le reste. Ce qui me donne
une grande liberté et une grande réactivité. Je suis
depuis quelques mois chez kilio.fr
qui fait les meilleures offres du moment. Si ça change
dans un an, je changerai de fournisseur.
Quel
est votre parcours personnel ? Quelle place tient P2C
dans votre vie aujourd'hui ?
L'ESTE (Ecole supérieure
de technologie électronique) du groupe ESIEE d'abord.
C'est une formation en informatique industrielle que
j'ai immédiatement déviée vers le monde multimédia.
J'ai ensuit été responsable Informatique
pendant 4 ans à Paris chez Andassa. Après quelques courtes
missions salariées, je me suis mis à mon compte en freelance.
Erreur de jeunesse quand on connaît la fiscalité de
notre pays ! J'ai depuis repris une activité salariée.
Songez-vous
à céder photo de classe, maintenant ou plus tard ?
Je ne veux pas que photo-de-classe devienne un service
payant. Qui d'autre pourrait investir dans photo-de-classe
qu'une société qui a en tête des modèles économiques
? Je ne serai vendeur qu'à une société qui souhaitera
utiliser photo de classe comme carte de visite pour
promouvoir ses produits. Et je négocierai des parts
dans le capital suffisantes pour pouvoir mettre mon
veto.
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