Difficile
pour un numéro un mondial d'être performant
sur tous les fronts. C'est en dressant ce constat que
le groupe Iliad, propriétaire de Free, a décidé
début 2002 de s'attaquer à Google. Une
attaque délimitée à un bastion :
les pages francophones. Là où Google revendique
3 milliards de pages indexées sur 35 langues,
l'équipe de R&D d'Iliad a choisi, elle, délibérément,
de se concentrer sur le Web français pour tenter
de mettre au point un moteur de recherche taillé
sur mesure. Initié sous le nom de code "Pompos",
révélé aux spécialistes
du secteur en décembre dernier par Abondance
(site d'information sur les outils de recherche), ce
projet serait aujourd'hui sur le point de passer à
la vitesse supérieure.
C'est
désormais sous l'étiquette "Dir com"
que ce moteur de recherche est accessible en version
béta depuis le Net. Une URL qu'Iliad affectionne
de longue date : en 1999, le site y héberge
un annuaire téléphonique mondial avant qu'elle ne devienne,
en 2000, une entrée parallèle d'Annu.com.
Selon nos informations, Dir.com devrait accueillir dès
cette semaine la version quasi-définitive du
moteur de recherche. Après moins d'un an de développement,
Dir.com devrait dépasser les 65 millions de pages
francophones indexées (contre 49 millions en
béta-test). Un niveau d'indexation qui en ferait
le premier moteur francophone, devant Google.fr (qui
ne communique pas sur le nombre de pages indexées)
et devant Voila (environ 60 millions de pages).
L'épaisseur
du catalogue ne fait pas tout. Dir.com, qui indexe les
sites persos, les sites en Flash et les MP3 francophones
(mais aussi les fichiers PDF, Word, Powerpoint...),
se démarque par des fonctions plutôt attrayantes.
A commencer par la recherche sur une URL délimitée,
l'internaute pouvant focaliser sa requête sur
un site précis. Equivalente à l'option
"domaines" de Google (en recherche avancée),
cette fonction s'avère, après quelques
essais, plus pointue que celle de son homologue américain :
le nombre de pages proposées par Dir.com est
souvent dix fois supérieur.
Un
moteur équipé d'un filtre parental
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Mais
la véritable innovation réside dans le
filtre parental, une fonction que Google, malgré
son niveau d'effervescence, ne propose pas. En créant
un compte, l'internaute peut activer cette option qui
bloque l'accès aux sites les plus problématiques.
Ce même compte permet également de personnaliser
l'interface du moteur en choisissant parmi un jeu de
trois couleurs. A ces différentes options, qui
comportent en outre une fonction "cache",
devrait s'ajouter d'ici un mois un service de "thématisation".
Les pages indexées par Dir.com se verront affublées,
selon leur contenu, d'un thème général
afin de permettre des recherches par sujet.
Ce
même développement pourrait déboucher,
à terme, sur une offre davantage stratégique :
les liens promotionnels. Selon nos informations, Iliad
travaillerait sur une solution permettant de regrouper
des mots-clés sous des thèmes ombrelles.
Au lieu d'acheter mot par mot les liens sponsorisés,
les annonceurs se verraient alors proposer des packs.
En mettant une option sur le mot-clé "Espagne",
un voyagiste pourrait, par exemple, bénéficier
d'un lien promotionnel pour les requêtes "Barcelone",
"Costa del Sol", "Corridas"...
Reste
désormais à savoir comment le nouveau
Dir.com va s'articuler dans la galaxie Iliad, le moteur
du portail Free étant toujours signé Google.
C'est sans nul doute là le point le plus fragile
de ce projet : contacté par le JDN il y
a trois semaines, au début de cette enquête,
Iliad nous a indiqué qu'il ne "souhaitait
pas communiquer sur ce projet". Est-ce à
dire que Dir.com est un chantier stratégique
et hautement sensible pour le groupe présidé
et fondé par Xavier Niel ?
Rien
n'est moins sûr : en janvier dernier, le
projet Dir.com aurait plutôt été
sur le point d'être abandonné manu militari.
Les causes ? Selon plusieurs sources, le succès
rencontré par l'offre ADSL de Free, lancée
en septembre dernier, aurait provoqué au sein
du groupe Iliad un délicat rééquilibrage
des pouvoirs. Les zones d'influence, jusqu'alors sous
la tutelle des activités historiques du groupe
(Annu.com, Société.com), se seraient décalées
vers le pôle accès Internet. Cette nouvelle
donne, associée aux moyens déployés
en urgence pour répondre au lancement de l'offre
ADSL, aurait été sur le point de faire
passer à la trappe le projet Dir.com.
Finalement,
le moteur de recherche a échappé de peu
à la casse sous l'impulsion directe de Xavier
Niel. Intrigué par quelques articles de presse
qui se faisaient l'écho des qualités de
recherche de Dir.com, le très discret "père
fondateur" d'Iliad aurait finalement décidé
de poursuivre le projet avec pour objectif de dépasser
Google en taille d'index. Un objectif qui est en passe
d'être atteint. A Free, désormais, de préférer
l'appui d'un moteur de recherche maison et de son système
de liens promotionnels.
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