Malgré une conjoncture
défavorable, les télécommunications
restent l'un des pans d'activités les plus dynamiques,
tous secteurs industriels confondus. En tant que coordinateur
du rapport DigiWorld 2003, l'atlas annuel du monde des
télécoms édité par l'Idate,
Philippe Coste bénéficie d'un poste d'observation
privilégié de l'évolution du secteur
téléphonie et Internet. Il apporte des éclaircissements
sur les enjeux actuels des fournisseurs d'accès
Internet mondiaux.
JDNet.
Comment évolue la dynamique du secteur des
télécommunications dans la conjoncture actuelle
?
Philippe Coste. Dans le cadre de la publication
du rapport DigiWorld 2003, nous avons arrêté
nos analyses et nos études fin février.
Nous avons intégré des perspectives conjoncturelles
de 2003, y compris les risques de guerre. En l'état
actuel du conflit, il est très difficile d'analyser
les répercussions macro-économiques. Nous
savions déjà que les perspectives globales
de croissance pour 2003, y compris dans les télécoms,
seraient moroses. En Europe, la croissance des services
télécoms n'est pas époustouflante
(+ 6%). C'est un ralentissement sensible par rapport aux
années précédentes mais d'autres
secteurs industriels seraient ravis d'afficher un pareil
taux.
Globalement, les principaux moteurs de croissance du secteur
des télécoms sont la téléphonie
mobile et l'Internet. En Europe, on observe un taux de
croissance de 11 % pour les activités mobiles.
En France, sur l'année 2002, le marché du
mobile a dépassé celui du fixe en valeur.
Le
secteur des télécoms, que l'on peut diviser
en deux grands marchés (entreprises et ménages)
a sa propre dynamique. Pour la partie professionnelle,
les opérateurs télécoms, qui sont
des clients directs de la filière équipementiers,
sont dans une phase de réduction très forte
de leurs investissements en raison de plusieurs facteurs
: surcapacité réseau existante, restructurations
profondes de leurs activités et rétablissement
de leurs équilibres financiers. Côté
entreprise, la demande de services télécom
est molle.
Quelles
sont les prochaines grandes étapes pour les principaux
groupes FAI européens ?
En 2002, les fondamentaux financiers se sont sensiblement
améliorés. Les trois grands Internet
Service Providers européens, Wanadoo, Tiscali
et T-Online, sont sur la voie de la profitabilité
en 2003. Le vrai défi stratégique est
le haut débit. Wanadoo et T-Online y sont d'ores
et déjà impliqués.
Le secteur a déjà connu une très
forte concentration. Le processus de consolidation devrait
continuer car il existe encore une myriade d'ISP de
petite ou moyenne taille dont les modèles économiques
restent fragiles. Les opérations de croissance
externe ont été quelque peu freinées
ces derniers temps car les grands acteurs ont donné
la priorité à la rentabilité.
Comment
évolue la problématiques haut débit
aux Etats-Unis ?
C'est également un sujet très chaud. Jusqu'ici,
l'accès Internet était dominé par
des spécialistes comme AOL, MSN ou Earthlink.
Les modèles économiques de ces FAI ne
prévoyaient pas d'être opérateurs
télécoms. Ils achètent de la capacité
télécom à des opérateurs.
Aujourd'hui, le haut débit se développe
via le câble ou via les offres DSL que les opérateurs
télécoms mettent eux-mêmes en place.
L'enjeu pour les grands acteurs ISP américains
est d'accompagner leurs clients bas débit vers
des offres haut débit. Mais l'exercice est plus
délicat lorsqu'on ne contrôle pas l'ensemble
de la chaîne d'accès.
Une réponse apparaît à travers une
politique structurante que nous avons baptisé
"buy your own access" : un utilisateur prend
un abonnement haut débit à un câblo-opérateur
ou à un baby-bell local. Mais la dimension contenu
est renforcée avec des services premiums offerts
sur le portail d'accès en guise de distinction
(par exemple la nouvelle offre "Yahoo Platinium").
MSN a testé ce concept fin 2002 aux Etats-Unis.
AOL et Yahoo semblent s'engager sur la même voie.
C'est un mouvement intéressant à suivre
qui pourrait constituer les premiers pas d'une véritable
offre de contenus payants sur Internet.
Cette stratégie de "buy your own access"
pourrait être transposée en Europe. Ce
sera peut-être le début d'un cercle vertueux
d'offres de contenus Internet attractifs et une carte
à jouer pour des acteurs portails comme Yahoo
Europe ou MSN Europe qui ne disposent pas d'accès
direct à des réseaux télécoms.
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