Les téléphones cellulaires
munis d'un objectif photo numérique menaceraient-ils,
pêle-mêle, les secrets industriels, la vie
privée de chacun et les règles du copyright
? C'est en tout cas ce que laisse penser la multiplication
des interdictions visant ces téléphones
à travers le monde.
Explications.
Naissance
du phénomène en Corée du Sud
C'est
en Corée du Sud qu'est apparu le phénomène.
La Corée est l'un des principaux producteurs
de camera-phones mais aussi le pays pionnier dans la
diffusion de cette technologie.
Plus de quatre millions de ces téléphones
sont d'ores et déjà en circulation dans
le pays. Samsung, quatrième producteur mondial
de téléphones mobiles, lesquels représentent
10 % de son chiffre d'affaires, a néanmoins
interdit l'utilisation de ces appareils dans ses usines
et bureaux de recherche depuis le 14 juillet dernier.
L'objectif de Samsung
est de se protéger contre les risques d'espionnage
industriel. L'amélioration constante de la définition
des clichés réalisés avec ces téléphones
permettrait, selon le constructeur, de photographier
rapidement et discrètement des détails
ou des documents stratégiques pour l'entreprise.
Quelques mois avec Samsung,
les constructeurs automobiles coréens ont été
les premiers à se lancer dans cette lutte. Hyundai
et Kia Motors ont interdit de séjour les mobiles
équipés d'un objectif photo dans les usines
et centres de recherche. Seul Samsung Motors, aujourd'hui
filiale de Renault, n'a pas encore pris lune telle mesure.
Depuis le début
de l'année, la Corée du Sud est ainsi
devenue une sorte de laboratoire expérimental
mondial des risques de dérives liés aux
camera-phones. Selon le quotidien Chosun Ilbo,
le très sérieux parti démocrate
Sud-Coréen doit d'ailleurs déposer prochainement
un projet de loi pour imposer aux constructeurs de ces
téléphones la présence d'un bruit
au moment de la prise de cliché afin de prévenir
l'entourage. Clic-clac.
Après
la Corée, l'Australie et l'Arabie Saoudite
La Corée n'est
pas le seul pays dans ce cas. Les parlements de plusieurs
provinces australiennes se prononceront au mois d'août
sur l'interdiction pure et simple des camera-phones
dans les lieux publics, les vestiaires, les piscines,
les saunas et les clubs de sport. Pour lutter contre
l'utilisation de l'appareil par les voyeurs, certaines
auberges de jeunesse du pays, gestionnaires de nombreuses
piscines et salles de sport, ont déjà
institué cette prohibition. La Suisse alémanique
et la Norvège ont, elles aussi, interdit l'utilisation
de ces mobiles dans les piscines publiques.
De façon plus anecdotique,
le quotidien écossais Edinburgh News rapporte
qu'une boîte de strip-tease de la ville a interdit
son établissement aux camera-phones afin de protéger
la discrétion de ses hôtesses... et de
ses clients. Plus radicale
encore, l'Arabie Saoudite a purement et simplement interdit
la présence de ces téléphones dans
le pays. Le téléphone mobile avec objectif
photo s'ajoute ainsi à la liste des équipements
de communication interdits ou très réglementés
dans le pays.
Un arsenal
répressif généralement suffisant
Pourtant, dans la
plupart des pays du monde, le détournement de
ces appareils pour des utilisations contestables peut
être réprimé sans l'adoption de
lois spécifiques. Au Japon, un instituteur d'école
primaire a ainsi été suspendu pour trois
mois après avoir été surpris photographiant
sous les jupes de l'une de ses élèves
à l'aide de son téléphone. Suite
au scandale, l'enseignant a finalement démissionné.
Sensible à ces nouveaux
risques, l'autorité judiciaire peut également
prendre les devants : la filiale Néo-Zélandaise
de Vodafone a ainsi mis en place un processus interne
d'interception des photos transmises sur son réseau
de téléphonie mobile à la demande
des services de police. Mais la garantie des libertés
individuelles des utilisateurs nécessite, au
préalable, l'autorisation de l'autorité
judiciaire.
Le problème
juridique du droit à l'image
La discrétion
des camera-phones pose également le risque d'une
explosion de la violation des règles de chaque
pays sur le droit à l'image.
Les fans sont aujourd'hui nombreux à brandir
leur cellulaire afin de garder le souvenir de tel ou
tel concert. Les services d'ordre chargés d'empêcher
l'introduction d'appareils photo n'empêchent pas
encore l'entrée des camera-phones dans les concerts.
Dernière usage susceptible
d'inquiéter la fine-fleur du show-biz mondial :
le camera-phone pourrait bien à terme faire de
chaque utilisateur un paparazzi en puissance. Toujours
dans la poche, l'appareil discret permet d'immortaliser
la rencontre inopinée d'une star au bras d'une
nouvelle conquête. Pour les cerbères chargés
de la sécurité des stars, une nouvelle
difficulté s'ajoute : impossible de récupérer
le cliché ou la pellicule. Aussitôt pris,
le fichier peut être transmis dans la nature par
le biais du réseau téléphonique.
Encore peu abordé aux
Etats-Unis et en France, le problème ne manquera
pas d'être posé avec la rapide propagation
de ce nouveau gadget. 1,9 million d'appareils auraient
été vendus depuis de début de l'année
sur le seul territoire américain. Le marché
français devrait rapidement lui emboîter
le pas avec la diffusion des mobiles de troisième
génération.
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