Suite aux déboires économiques
et judiciaires d'America Online, le groupe AOL Time
Warner planche sur le retrait pur et simple du sigle
"AOL" de son nom. Fait surprenant, cette possible suppression
n'est pas suggérée par l'exécutif
de Time Warner mais par Jonathan Miller, le directeur
général d'AOL. Dans
un e-mail adressé lundi dernier au personnel d'AOL,
Jonathan Miller se dit favorable à la disparition
de la marque AOL dans le nom du groupe. Deux ans et
demi après avoir racheté Time Warner, et imposé l'apposition
d'AOL devant la signature du groupe, le fournisseur
d'accès souhaite donc se faire oublier, symboliquement
du moins.
Dans
son e-mail, à la limite de la démonstration
par l'absurde, Jonathan Miller indique aux salariés
du FAI qu"'il est temps de se réapproprier notre marque
[AOL]". Le directeur général estime
qu'AOL est devenu un raccourci un peu trop commun pour
parler d'AOL Time Warner. Une situation qui entraîne,
selon lui, deux conséquences néfastes : d'une part,
les critiques visant le groupe affecteraient directement
la marque AOL. D'autre part, la confusion noierait les
améliorations des services d'AOL dans le magma des multiples
activités du groupe.
Des
arguments spécieux : ces derniers temps, ce sont plutôt
les critiques visant AOL qui ont rejailli sur Time Warner,
que l'inverse. Un constat qui est d'ailleurs dressé
par une grande partie de l'équipe dirigeante
de Time Warner, notamment au sein des studios hollywoodiens
et des réseaux de télévision.
La "proposition"
de Jonathan
Miller, que
certains analysent comme une façon pour le directeur
général de reprendre la main sur le dossier,
devrait être examinée
en septembre prochain lors du conseil d'administration.
Elle devrait y rencontrer un accueil favorable :
depuis plusieurs mois déjà, l'exécutif de Time
Warner réclame l'abandon de la marque AOL, perçue comme
un boulet depuis le ralentissement de sa croissance
et les enquêtes comptables dont le FAI fait l'objet.
Le président de Warner
Bros, Alan Horn, aurait d'ores et déjà
soutenu le projet lors d'une réunion qui s'est tenue
en février dernier. Cette réunion était
présidée par Richard Parsons, le PDG du groupe, apparemment
lui aussi ouvert à cette idée. Reste que dans l'entourage
de Parsons, certains préféreraient attendre
la fin des investigations comptables sur AOL avant de
gommer la marque, de peur que le retrait soit perçu
comme une grossière opération de camouflage.
Sur les marchés financiers,
le scénario de la disparition de la marque AOL
a été accueilli avec enthousiasme. Selon
plusieurs analystes interrogés par le New York Times
et le Wall Street Journal, le nom AOL est aujourd'hui
associé à l'image d'une "très mauvaise fusion".
Le retrait de la marque signifierait en outre que AOL
n'est plus censé être le moteur de la croissance du
groupe. Un constat que les marchés ont dressé
depuis longtemps déjà, puisque le FAI
ne représente qu'un cinquième de l'activité du groupe.
Au final, le principal
obstacle au changement de nom pourrait être Steve
Case, le président historique d'AOL qui siège encore
au conseil d'administration du groupe. La suppression
de la marque AOL pourrait être perçue,
à ses yeux, comme un revers personnel. Cependant,
depuis son départ en janvier dernier du poste
de président du conseil d'administration, Steve Case
aurait perdu beaucoup d'influence dans le groupe.
Cette démission avait été
suivie de près par le départ Ted Turner, vice-président
emblématique du groupe et fondateur de CNN. AOL Time
Warner avait alors publié des pertes records
pour un groupe américain :
près de 100 milliards de dollars sur l'exercice 2002.
Depuis la fusion, opérée début
2001, le groupe n'a pas réussi à tirer
profit des synergies online-offline, tout en accusant
des dépréciations d'actifs gigantesques. Une situation
qui s'est envenimée avec les mauvais résultats
de la branche Internet : hémorragie
d'abonnés (1,2 million en moins sur un an), chute des
revenus publicitaires (entre 35 et 45 % prévue
en 2003) et contraction du chiffre d'affaires (-6 %
au premier semestre). S'y ajoutent de possibles amendes
relatives aux pratiques comptables.
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