Deux milliards sept cent vingt millions de dollars : qui dit
mieux ? En optant pour une mise aux enchères de ses
titres, les dirigeants de Google ont choisi un système
original, en accord avec leur image, et qui leur promet une
valorisation problablement supérieure à celle
retirée dans un cadre plus traditionnel. Sur une IPO classique, les organismes institutionnels qui
gèrent l'opération ont tendance à
profiter des réflexes spéculatifs du marché
en introduisant le titre à bas prix.
L'opération Google, qui devrait se dérouler vers la
fin juin, comprendra plusieurs étapes. Dans un premier
temps, plusieurs jours après la publication du prospectus
d'information, les investisseurs pourront se qualifier via Internet et déposer leur offre d'achat. Il leur faudra préciser
le nombre d'actions qu'ils désirent souscrire, le prix
par action, ainsi que les informations nécessaires
à leur identification. Il est à noter également
que pour les investisseurs individuels, seuls les Américains
pourront participer à l'opération.
Une
fois enregistré, l'ensemble de ces offres va permettre
de déterminer le meilleur prix d'introduction du titre.
Chaque offre sera ensuite choisie ou rejetée, si son montant est supérieur ou inférieur au
prix fixé. Google s'engage à servir
les investisseurs à au moins à 80 % de leur demande.
Comme pour une séance d'enchères classique,
les plus offrants seront les mieux récompensés, le critère principal restant le prix. Ce système,
qui privilégie les investisseurs les plus actifs, sera-t-il
plus transparent ? Sur ce point, les avis semblent partagés. Pour
Franck Hennin, analyste chez Richelieu Finance (lire son
interview
JDN), le système d'enchères est "beaucoup moins transparent qu'une opération
encadrée par un organisation institutionnelle", car
les dirigeants vont pouvoir "privilégier tel ou tel
investisseur".
A l'opposé, pour un analyste de chez
ETC, la mise aux enchères
apparaît être un système d'introduction beaucoup plus transparent. "Tout le monde est sur le même pied d'égalité,
et le critère unique est le prix. Dans le cas de Google,
où ce sont les actionnaires historiques qui souhaitent
sortir, la priorité est de retirer le meilleur prix
possible, et non plus de privilégier certains, comme
le font couramment les banques d'affaires à leur profit."
Il n'y aura par ailleurs pas de lutte de pouvoir puisque les
dirigeants s'en sont prémunis en limitant les droits
de vote sur les actions émises.
La transparence et l'équilibre de l'opération,
c'est aussi l'objectif affiché par les deux jeunes
fondateurs du moteur de recherche. "Nombre d'entreprises ont souffert d'une spéculation
déraisonnable, d'un petit nombre initial d'actions, et d'un
cycle en forme de montagnes russes, qui leur ont fait du mal
sur le long terme, ainsi qu'à leurs investisseurs, argumentent-ils dans une lettre ouverte. Nous pensons
qu'une introduction en Bourse par enchères va minimiser ces
problèmes."
Les principaux acteurs américains de l'Internet en Bourse (en millions
de dollars)
|
.
|
Chiffre
d'affaires 2003
|
Résultat
net
2003
|
Ratio
valorisation/ résultat net
|
Valorisation
(en milliards de dollars)
|
Google
|
961
|
106
|
212,3
|
20-25
|
Yahoo
|
1 680
|
238
|
103,0
|
24,5
|
Amazon
|
5 380
|
35
|
611,4
|
21,4
|
eBay
|
2 280
|
447
|
78,3
|
35
|
Reste que la valorisation de 20 à 25
milliards de dollars de la société est considérée
par la plupart des analystes comme beaucoup trop élevée
par rapport au bénéfice. Elle se situe dans
la même sphère que Yahoo (valorisée à 24,5 milliards
de dollars), Amazon (valorisée à 21,4 milliards)
et eBay (valorisée à 35 milliards).
Après l'opération, quelque part redoutée
par les fondateurs, restera à prouver que Google vaut
bien ce prix et peut faire plus. La valorisation de Google
correspond à plus de 212 années de résultat
net.
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