ENQUETE
Internet, nouveau terrain de jeu de la communication d'influence
Ici on parle de l'intérêt des OGM dans l'agriculture. Ailleurs on vante les qualités nutritionnelles du sucre. Derrière ces sites anonymes, des marques et des groupements d'intérêt agissent.   (15/07/2004)
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Qui vous parle sur Internet ? La question peut paraître saugrenue, et pourtant. En se rendant sur des sites comme Ogm-debats.com, Nutrition-sante.com ou Lesucre.com, les internautes savent-ils que des groupements d'intérêt ou des marques s'adressent directement à eux au travers de conseils ou de contenus pédagogiques. Avec la Toile, la logique du "consumer magazine" est entrée dans une nouvelle dimension : entreprises, marques, lobbies, et même mouvements politiques, ont trouvé dans ce média la possibilité d'accéder au plus grand nombre sans se parer d'un discours publicitaire et pour des budgets bien plus limités.

"Internet pose une double question sur la communication des marques et des groupements d'intérêt, estime Christian Harbulot, directeur de l'École de guerre économique (EGE). D'une part, les codes nécessaires pour appréhender ce nouveau média restent mal maîtrisés par une partie de la population. Les internautes n'identifient pas toujours sur quel type de site ils sont. D'autre part, un site permet de dresser une barrière entre le discours tenu et la personne à l'origine de ce même discours. Il n'est pas toujours facile de savoir qui se tient derrière tel ou tel site."

Deux univers se prêtent tout particulièrement à cette stratégie de communication "masquée" ou d'influence sur Internet : le cosmétique et l'agroalimentaire. Deux univers en lien étroit avec la santé où, sous le couvert de conseils, d'informations, voire d'études scientifiques, des acteurs privés peuvent tisser de nouvelles relations avec la population internaute. Le domaine des OGM illustre à merveille cette façon d'opérer. De prime abord, le site français Ogm-debats.com met en avant un positionnement neutre sur la question des OGM, en se définissant comme un lieu de "débats et d'échanges sur les biotechnologies en agriculture".

Le site est édité par l'association DEBA (Débats et échanges sur les biotechnologies en agriculture), une structure créée sous l'impulsion de cinq majors de l'agroalimentaire : BASF Agricultural Products, Bayer CropScience, Dow AgroSciences, DuPont-Pioneer Semences, Monsanto et Syngenta. Des acteurs qui, on le devine, ont un point de vue bien précis sur l'intérêt des OGM.

Dans une étude, le cabinet C4IFR, spécialisé en intelligence économique et en gestion du risque informationnel, s'est penché sur le cas de ce site. Le rapport identifie deux pratiques utilisées par Ogm-debats.com : le "cyberlobbying" (en proposant du contenu aux journalistes, scientifiques et aux enseignants) et le "perception management". "Le perception management, explique Nicolas de Rycke, consultant associé chez C4IFR, est une stratégie qui consiste à fausser la perception de l'audience en sélectionnant l'information proposée." En clair, le site ne pratique pas de désinformation, puisque les contenus proposés sont fiables. Mais le parti pris du site influence le choix en faveur des contenus favorables aux OGM.

"Défendre la consommation du sucre"

Sans atteindre ce degré de dissimulation, le cas du site Lesucre.com est également intéressant. Le site est édité par le Cedus, le Centre d'études et de documentation du sucre, un organisme interprofessionnel de la filière sucre. Sur Lesucre.com, le sucre est présenté sous son meilleur jour. "Le rôle du collectif est de défendre la consommation du sucre, admet, sans détour, Caroline Bilger, responsable du site. Et notre présence sur Internet est un moyen d'exprimer le sucre dans tout ce qu'il est."

Mais alors que le gouvernement planche sur une loi de santé publique qui veut lutter contre l'obésité, notamment chez les plus jeunes, le discours tenu sur Lesucre.com apparaît dans une logique de "perception management" et de cyberlobbying en mettant uniquement en avant les qualités nutritionnelles du produit. "Le site, qui adopte un positionnement offensif, tend à dénigrer tous les messages sur la surdose en sucre dans les aliments", analyse Christian Harbulot. Reste qu'avec une URL comme Lesucre.com, l'internaute peut davantage s'attendre à un site en faveur du sucre. Un point sur lequel Ogm-debats.com apparaît bien plus ambigu.

Qu'ils concernent les OGM ou l'alimentaire, ces sites sont généralement opérés par des agences de conseil en communication, spécialisées dans la production de contenus. Pour étayer les informations proposées en ligne, ces agences s'appuient sur des réseaux de spécialistes (scientifiques, juristes, journalistes...). Lesieur a retenu cette formule pour l'édition de son site Nutrition-sante.com, dont le contenu est assuré par une agence de communication spécialisée dans la nutrition.

Un discours axé sur le tandem santé-nutrition

L'agence en question travaille avec des médecins, pour communiquer en ligne avec les médecins. Un espace de Nutrition-sante.com est en effet dédié aux professionnels de la santé, avec des conseils et des fiches sur le problème de la nutrition. "Une marque doit pouvoir donner les clés nécessaires pour comprendre et se réapproprier les choses", explique-t-on chez Lesieur. Un positionnement que la marque cultive en axant son discours sur un tandem santé-nutrition, allant même jusqu'à organiser, en partenariat avec Nestlé, des soirées formation à destination du corps médical.

Toujours dans l'univers médical, le site du laboratoire pharmaceutique Boiron, Boiron.com, joue sur un autre registre. Le portail adopte une stratégie de transparence en indiquant clairement qu'il est édité par un laboratoire de produits homéopathiques. En revanche, ce même site utilise des leviers mobilisateurs et revendicatifs en proposant notamment aux internautes de signer des pétitions pour défendre l'homéopathie. "Dans ce cas, la marque se drape d'un discours associatif et communautaire, explique Christian Harbulot. C'est une méthode très efficace quand elle fonctionne : elle permet d'atteindre plus rapidement sa cible et de créer un fort niveau d'adhésion."

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Dans ce domaine d'action communautaire, les marques n'en sont qu'au début. Après le marketing viral, qui a trouvé avec Internet une nouvelle caisse de résonance, les marques s'intéressent désormais aux blogs. En laissant ouvertement la parole aux internautes, le Net pourrait souffler le chaud et le froid chez les marques, avec, dans le meilleur cas, des bons conseils échangés entre consommateurs ou, dans le pire des cas, des actions de boycottage. Efficace, le média Internet est aussi à double tranchant.

 
 
Sophie FIEVEE-BALAT, JDN
 
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