Un contenu plus riche et plus lisible, une navigation plus intuitive,
une ergonomie améliorée : à grands renforts de superlatifs,
les marques et les éditeurs font régulièrement la promotion
des nouvelles versions de leurs sites Internet. Qu'ils soient
mineurs ou substantiels, qu'ils découlent des modes ou des revirements
de stratégie, ces changements ponctuent la vie des sites Web.
Peut-on pour autant tenter de déterminer le cycle de vie des sites ?
Diagnostic in vivo.
L'espérance de vie virtuelle dépend d'une combinaison de facteurs
exogènes et endogènes. La nature du site est évidemment le premier
facteur d'influence : les sites promotionnels et événementiels,
par exemple, ont une durée de vie limitée, de quelques semaines ou quelques mois. D'autres
éléments influencent la durée de vie d'un site, des éléments liés cette fois à l'entreprise elle-même. Et dans ce domaine, les facteurs sont nombreux : internationalisation, réorganisation, changement d'identité graphique, fusion-acquisition,
volonté de changement des équipes en interne
Ce dernier facteur est non négligeable pour Frédéric
Colas, directeur associé de l'agence Fullsix. "Lors d'un changement
d'équipe chez le client, les nouveaux responsables veulent souvent imprimer
leur marque." Le poids des collaborateurs dans les mécaniques
du changement est également souligné par Christian Debergh,
directeur général associé au sein du département identité d'entreprise
de l'agence Dragon Rouge, et par ailleurs en charge des problématiques
Web. "Le ras-le-bol interne va souvent plus vite que le ras-le-bol
externe", explique-t-il.
D'autres facteurs, cette fois extérieurs à l'entreprise, achèvent d'augmenter
le taux de mortalité des versions. Il s'agit de l'évolution
des technologies de développement, des équipements de la cible (le haut débit par exemple),
des modes et de la stratégie des concurrents. "Mais l'effet mouton,
qui conduit à ce que les sites changent tous en même temps,
crée des trends pas obligatoirement utiles", note Christian
Debergh.
"Il
faut au moins trois ans pour créer des habitudes
de navigation" |
Au cours de ces dernières années, les modes qui ont profondément modifié le
paysage Internet ont été nombreuses. "En matière de graphisme,
c'est l'arrivée de l'animation, estime Christian Debergh. Sur
le plan des technologies, c'est le passage du statique au dynamique.
Avant, dès qu'on faisait une modification, on en profitait pour
refaire le graphisme. Aujourd'hui, avec les sites dynamiques,
les grands changements sont de plus en plus rares, et les petits
changements de plus en plus nombreux. On voit des sites qui,
structurellement et visuellement, ne changent plus beaucoup,
mais qui évoluent de plus en plus vite sur la masse de
messages."
On l'a compris, la palette de facteurs interférant dans la durée de vie d'un
site est large. Tellement large en fait, que la notion de durée de vie est en fait un paramètre
difficile à prendre en compte lors de la création d'un
site. "Une durée de vie est toujours difficile à anticiper,
confirme Christian Debergh. On essaie de se dire que ce qu'on
fait va durer plus de deux ans. De toute façon, il faut au moins
trois ans pour créer de vraies habitudes de navigation." La pérennité a donc ses avantages.
"Depuis mi-2003, on voit un redémarrage des refontes" |
"Nous
essayons de maximiser la durée de vie des sites, par exemple
en évitant d'utiliser les codes de la publicité, souvent volatils", note pour sa part Frédéric
Colas. Mais ces mêmes codes publicitaires poussent parfois à la mutation des sites, ne serait-ce que pour intégrer de nouveaux formats carnivores en surface d'affichage. "L'idéal, poursuit Christian Debergh, est de faire tenir le site
aussi longtemps que les lignes graphiques, qui se renouvellent
tous les trois ou quatre ans en moyenne."
A ces lignes graphiques, s'ajoutent
les contraintes budgétaires des clients qui limitent naturellement
le rythme de refonte des sites. Pour cette simple raison, le degré de renouvellement des sites a épousé
l'histoire de l'Internet commercial. "Au début, explique Frédéric
Colas, il y a eu la vague de création des premiers sites. Après,
entre 2001 et 2003, la période des vaches maigres : on a assisté
à un ralentissement de nouveaux sites, les budgets étaient gelés. Depuis mi-2003,
on voit un redémarrage des renouvellements."
Alors, au beau milieu de tous ces paramètres, comment se forger un avis sur la durée de vie d'un site ? Frédéric Colas se risque à l'exercice, selon la fonction du site : "Plus le site a un caractère transactionnel,
plus il est important de ne pas perdre le client en changeant
ses habitudes de navigation. En partant de ce constat,
on peut dresser une typologie des sites. Les sites corporate
et les sites informationnels peuvent vivre deux ou trois ans,
et suivent l'évolution des designs et des technologies. Les
sites de services survivent un peu plus longtemps. Les sites
transactionnels mettent, eux, plus de temps à évoluer, car les changements
d'ergonomie doivent être pensés longtemps à l'avance."
Reste encore un problème à régler : de plus en plus de sites endossent des rôles multiples. Certains portails transactionnels, par
exemple, constituent à la fois le produit (une expérience d'achat),
le packaging, et le principal vecteur de communication de la
marque. Dans ces conditions, il est difficile d'arrêter le juste calendrier quant au rythme des refontes. Et tout aussi risqué de faire évoluer un élément du site indépendamment
des autres. Bref, il faut savoir raisonner selon le plus petit dénominateur commun.
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