ENQUETE 
L'état de la régulation télécoms en Europe
La régulation du marché des télécoms est incarnée en Europe par des structures comme l'ART. Mais leur pouvoir, leurs champs d'intervention et leur niveau d'indépendance sont variables.   (07/10/2004)
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En France, les récentes transpositions des directives européennes, au travers notamment de la loi "paquet télécoms", ont renforcé les prérogatives de l'Autorité de régulation des télécommunications (l'ART). Ces textes ont, entre autres, rappelé le rôle de l'ART dans l'exercice de la concurrence et de la libéralisation du marché des télécoms. Un message entendu aux quatre coins de l'Europe. Car à l'instar de la France, tous les autres pays de l'Union européenne qui présentaient des structures de marché monopolistiques, avec un opérateur historique à la clef, ont institué une structure de régulation sectorielle similaire à l'ART. Histoire, et tour d'horizon, de ses homologues européens.

Les principaux régulateurs télécoms en Europe
Pays
Nom
Année de création
Compétences
Allemagne
1998
Licences, numérotation, audiovisuel, contrôle tarifaire, service universel, accès et interconnexion, litiges, concurrence (pouvoirs sectoriels), analyse des marchés, fréquences
Belgique
1993
Licences, numérotation, contrôle tarifaire, service universel (avec le gouvernement), accès et interconnexion, litiges, analyse des marchés, fréquences
Danemark
2002
Licences, numérotation, audiovisuel, contrôle tarifaire, service universel, accès et interconnexion, litiges, analyse des marchés, fréquences
Espagne
CMT
1996
Licences, numérotation, audiovisuel, contrôle tarifaire, service universel, accès et interconnexion, litiges : pour l'ensemble avec le Secrétariat d'Etat des Télécommunications ; concurrence, analyse des marchés
France
1997
Licences (avis), numérotation, contrôle tarifaire, service universel, accès et interconnexion, litiges, analyse des marchés, fréquences
Italie
1997
Numérotation, audiovisuel, contrôle tarifaire, service universel, accès et interconnexion, litiges, analyse des marchés, fréquences
Pays-Bas
1997
Licences, numérotation et audiovisuel (avec le ministère), contrôle tarifaire, accès et interconnexion, litiges, analyse des marchés
Royaume-Uni
2002
Licences, numérotation, audiovisuel, contrôle tarifaire, service universel, accès et interconnexion, litiges, concurrence, analyse des marchés, fréquences
Suède
1992
Licences, numérotation, contrôle tarifaire, service universel, accès et interconnexion, litiges, analyse des marchés, fréquences
Source : OCDE 2003, ART

C'est sous l'impulsion de la Commission européenne, à la fin des années 80, que la libéralisation du marché des télécommunications s'est progressivement répandue. "A partir du moment où le choix de l'ouverture à la concurrence a été fait dans les télécoms, des autorités de régulation ont été mises en place, explique Isabelle Crocq, auteure de l'ouvrage Régulation et réglementation dans les télécommunications. Il s'agissait de remédier aux défaillances du marché, provoquées par les situations de monopole."

L'objectif initial était de permettre une concurrence équitable entre l'opérateur historique et les nouveaux entrants, afin de favoriser notamment la baisse des tarifs, l'élargissement de la couverture, la transparence de l'offre, et le développement d'infrastructures alternatives. Autant de domaines qui, ces dernières années, ont fait parler d'eux dans la téléphonie fixe, la téléphonie mobile puis l'accès Internet.

L'indépendance des autorités de régulation est toutefois relative

Dans la mesure où les Etats disposaient à la fin des années 80 de participations majoritaires dans l'opérateur historique, le caractère indépendant des autorités de régulation revêtait alors une importance toute particulière. Et vingt ans plus tard, le constat n'a finalement guère évolué. Même si aujourd'hui l'Espagne et la Grande-Bretagne se sont désengagées à 100 % de Telefonica et BT, dans la plupart des autres pays européens, l'Etat reste un actionnaire de référence. En France, l'Etat est certes passé en septembre dernier sous la barre des 50 % dans la capital de France Télécom, mais pour rester au-dessus des 40 %.

L'indépendance des autorités de régulation est toutefois relative, et varie selon les pays. En Belgique ou au Danemark, par exemple, le BIPT et la NITA, qui sont les instances de régulation locales, font tout simplement partie du gouvernement. En France, les tarifs du service universel de France Télécom étaient jusqu'à présent soumis à l'homologation du ministère chargé des télécommunications. L'ART n'avait qu'un rôle consultatif. Dans le même temps, les membres du Collège de l'ART sont nommés pour partie par le président de la République, et pour partie par l'Assemblée et le Sénat. "En Grande-Bretagne, l'Ofcom a beaucoup plus d'autonomie et le gouvernement interfère moins", affirme Dimitri Ypsilanti, administrateur à l'OCDE, en charge des questions relatives aux services d'information et de télécommunications.

"L'Ofcom dispose de pouvoirs similaires à celui du Conseil de la concurrence"

Sur le plan des champs d'intervention, les différentes autorités nationales n'ont pas, non plus, les mêmes pouvoirs. Alors qu'en France, la régulation de l'audiovisuel est placée sous la coupe du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel), et qu'en Allemagne elle revient à chaque Land, en Grande-Bretagne et en Italie c'est l'Ofcom et l'Agcom, les deux instances de régulation télécoms, qui gèrent également le secteur audiovisuel. Un modèle qui fait des envieux, notamment à l'ART, alors que l'image et les télécoms se rapprochent de plus en plus sur le plan technologique.

Autre exemple, en Allemagne, où Reg TP est à la fois en charge de la régulation des télécommunications et du courrier postal. En France, l'ART devrait d'ailleurs suivre cet exemple allemand. Or, l'étendue des domaines d'intervention n'est pas neutre dans la définition du pouvoir de l'instance. Elle détermine même clairement le pouvoir du régulateur. "Par exemple, explique Dimitri Ypsilanti, l'Ofcom en Grande-Bretagne dispose de pouvoirs similaires à celui du Conseil de la concurrence en France."

Mais l'exemple britannique est exceptionnel. Au plan européen, il est rare que l'application des règles de la concurrence soit dévolue à l'organe en charge de la régulation sectorielle : les deux champs d'intervention sont de nature différente. "L'ART exerce une régulation a priori, alors que le Conseil de la concurrence exerce une régulation a posteriori, explique Isabelle Crocq. En Europe, certains pays privilégient la régulation a priori, d'autres la régulation a posteriori. Avant la transposition des directives télécoms, la régulation se faisait plutôt a priori. Mais la définition par la Commission des 18 marchés pertinents (1) pourrait aboutir à un renforcement de la régulation a posteriori."

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Reste une question : ces instances, malgré leurs différences, sont-elles amenées un jour à disparaître ? Du point de vue de la théorie économique, la régulation a priori n'est plus nécessaire lorsque le marché ne présente plus aucune caractéristique monopolistique. Mais dans la pratique, un marché n'est jamais pur et parfait. "De plus, ajoute Isabelle Crocq, on n'assiste rarement à un allègement de la régulation a priori, car les autorités de régulation définissent elles-mêmes leur rôle." Même si le marché européen des télécoms s'ouvre de plus en plus à la concurrence, il est donc peu probable d'assister à la disparition des autorités de régulation.

(1) Ndlr : les régulateurs sont chargés d'identifier les opérateurs puissants sur ces 18 marchés et de leur imposer des remèdes correspondant aux problèmes concurrentiels éventuellement identifiés. Ces remèdes obligations sont définies dans les directives.

Raphaële KARAYAN, JDN
 
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