PORTRAIT 
Mathias Emmerich, la locomotive éclectique
Il est l'un des pères des offres Prem's et i-TGV. A la tête de Voyages-sncf depuis juillet, Mathias Emmerich goûte désormais à l'esprit commando.   (29/11/2004)
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 Voyages-sncf.com
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remière agence de voyages en ligne et premier site de commerce électronique en France, laboratoire technologique et commercial, pépinière pour les cadres à fort potentiel de la SNCF : les formules pour décrire Voyages-sncf.com ne manquent pas. Des superlatifs qui intriguent et, de temps en temps, irritent. Sans doute parce que la compagnie ferroviaire a su se placer sur des territoires où on ne l'attendait pas et qu'elle y occupe, désormais, grâce à son partenariat avec Expedia, une position enviée.

Depuis juillet dernier, Mathias Emmerich est l'homme qui est à la tête du laboratoire Voyages-sncf.com. Une équipe d'une centaine de personnes dont l'âge moyen est d'environ 29 ans. A première vue, Mathias Emmerich arrive là où on ne l'attendait pas. Haut fonctionnaire, issu des grands corps de l'Etat, parmi lesquels la Cour des comptes et le ministère de la Justice, avec un passage en 1992 à la Commission des opérations de bourse, il reconnaît lui-même ne pas être un expert en matière d'Internet. Il ne fait pas partie de cette génération happée à la fin des années 90 par la fièvre des nouvelles technologies.

Pendant que la bulle se forme, il intègre le cabinet d'Elisabeth Guigou, alors Garde des Sceaux, en tant que conseiller technique chargé du budget, de l'immobilier, de l'informatique et de la réforme de l'Etat. Un poste qu'il quittera en 1999, s'y sentant trop à l'étroit, pour rejoindre la SNCF où se trouve l'un de ses amis et anciens collègues de la Cour des comptes, David Azéma, alors président-directeur général d'Eurostar Group.

Si Mathias Emmerich ne se reconnaît pas dans les habits d'un "start-uper", il n'est pas hermétique à Internet, loin s'en faut. Lorsqu'il rejoint le groupe ferroviaire, d'abord en tant que directeur des filiales et participations et directeur général de SNCF Participations, puis en tant que directeur adjoint de la branche grandes lignes, il en épouse, ipso facto, les projets, notamment sur le Web. Il devient même, selon ses termes, "le grand père de certains d'entre eux". C'est le cas de l'offre commerciale Prem's, dont il estime avec modestie être l'un des co-fondateurs. Mais aussi, du tout récent i-TGV.

Les dates clefs
de Mathias Emmerich

4 mai 1962: naissance à Paris

1988 : diplômé de l'ENA, promotion "Michel de Montaigne"
1988 : auditeur à la Cour des comptes, puis conseiller référendaire
1992 : adjoint au chef de service des opérations et de l'information financière à la COB
1997 : conseiller technique chargé du budget, de l'immobilier, de l'informatique et de la réforme de l'Etat au sein du ministère de la Justice
1999 : directeur des filiales et participations et directeur général de SNCF Participations
Octobre 2001 : directeur adjoint de la branche grandes lignes de la SNCF
Juillet 2004 : directeur général de Voyages-sncf.com

Cette créativité et cette curiosité, alliées à une bonne connaissance de la SNCF et des outils de management, poussent Guillaume Pepy, président de Voyages-sncf.com et directeur général délégué clientèles de la SNCF, à lui proposer en avril dernier le poste de directeur général de Voyages-sncf.com. Un challenge qui séduit Mathias Emmerich. "Voyages-sncf.com est un endroit privilégié. Comme l'a été et l'est encore le TGV, c'est la vitrine de la SNCF. C'est un élément déterminant dans la stratégie du groupe. Ce n'est pas une filiale comme les autres, disons que c'est un peu la mouche du coche du TGV."

De là à dire que Voyages-sncf.com serait une pépinière pour les cadres à fort potentiel de la SNCF, il est un pas que Mathias Emmerich ne franchit pas. "Quand j'ai accepté ce poste, certains l'ont interprété comme un exil, simplement parce que je n'allais plus être aussi proche du centre décisionnel de la SNCF." Voyages-sncf.com serait plutôt une formidable machine, capable de vous griser, mais aussi de vous briser. "Ce n'est pas un poste facile. Je me demande parfois s'il est possible de 'se planter'. Et sincèrement, je pense que non. En fait, c'est assez déstabilisant pour un dirigeant : lorsque le chiffre d'affaires augmente de 75 %, ce n'est pas toujours facile de se convaincre de sa plus value. En tout cas, ça l'est moins que lorsque le chiffre d'affaires croît seulement de 5 à 10 %. En fait, conduire Voyages-sncf.com c'est comme conduire un dragster."

Mais ce doute, s'il existe, n'est que fugitif dans l'esprit de Mathias Emmerich, qui se laisse volontiers séduire par une nouvelle ambiance de travail. Voyages-sncf.com a beau être une filiale à 50,1 % de la SNCF, elle joue l'émancipation. A commencer par la mode vestimentaire qui y est presque restée celle d'une start-up. L'image du chef de gare est loin. L'organisation y est également beaucoup plus souple. Malgré la croissance de l'entreprise, il y règne ce que Mathias Emmerich appelle "un esprit commando", une certaine fluidité liée à une organisation par équipe, qui permet de mener rapidement des projets de plus en plus lourds.

C'est à croire que l'on préfère nous voir perdre de l'argent"

Et de projets, Mathias Emmerich n'en manque pas. C'est un peu la marque de fabrique du nouveau directeur général qui préfère "ne pas attendre que les choses se dessinent pour avancer." Son objectif immédiat est clair : enrichir les fonctionnalités et les services offerte par Voyages-sncf.com. "Aujourd'hui, nous sommes essentiellement présents sur la vente. Demain, nous souhaitons être davantage présents sur l'émission et sur les ventes plus complexes." Une feuille de route qui confirme la détermination de l'agence de voyages en ligne à poursuivre encore et encore son déploiement vers des produits autres que le train."

La polémique actuelle avec LastMinute, qui s'est retourné vers le Conseil de la concurrence en estimant que Voyages-sncf.com exerce un abus de position dominante sur le secteur ferroviaire, ne change rien à cette logique de diversification. "C'est un glissement naturel pour tout grand opérateur qui veut enrichir son offre et accroître ses chances de vendre. Seulement, lorsque c'est une filiale d'un acteur public qui effectue ce glissement, il y a immédiatement suspicion. C'est à croire que l'on préfère nous voir perdre de l'argent."

Mathias Emmerich n'est pas homme à se laisser désarçonner, surtout s'il est convaincu du bien fondé de son combat. Bien qu'il n'aime pas qu'on le lui rappelle, il était en 1995 président de l'Association de défense des contribuables parisiens. Cette association a saisi son ami Arnaud Montebourg, alors avocat du Canard Enchaîné, afin de dénoncer l'utilisation de l'argent public dans le cinquième arrondissement de Paris, le bastion de Jean Tiberi. Neuf ans plus tard, l'histoire poursuit encore le nouveau directeur général de Voyages-sncf.com. Elle vaut même à Louis Gallois, le président de la SNCF, quelques coup de téléphone étonnés du ministère. Mathias Emmerich en a tiré l'art de la prudence modérée.

Dans ces grosses machines, vous pouvez disparaître du jour au lendemain"

Cette prudence, il l'applique aujourd'hui dans son travail. D'un côté, il est convaincu de la puissance de l'outil Internet, à tel point qu'il n'hésite pas à dire que d'ici cinq ans Voyages-sncf.com pourrait être le premier canal de vente de la SNCF. De l'autre côté, il est également conscient du chemin à parcourir pour atteindre cet objectif. "Il faut que nous apprenions à parler aux clients, à être pertinents, à le solliciter à bon escient, à gérer les promotions avec doigté et à tisser une relation de confiance." De même, il n'ignore pas les répercussions qu'aura le développement de Voyages-sncf.com sur l'activité du groupe, et en particulier sur celle des guichets en gare. "Moi, je ne suis pas ici pour décourager les gens à utiliser Internet. Au contraire, mon objectif est de pédaler le plus vite possible. Maintenant il est clair qu'il y a de nouveaux métiers à inventer afin, par exemple, de mieux gérer les clients en gare. Mais ce n'est pas de mon ressort."

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Mathias Emmerich ne réserve pas qu'aux autres cette lucidité sur l'avenir. Il l'applique également à lui-même, rejoignant le constat qu'Ariane Chemin, sa cadette d'une année à Sciences-Po, fait dans de son livre La Promo. "Je suis tout à fait d'accord avec le fait que nous soyons éminemment périssables et remplaçables. Dans ces grosses machines, vous pouvez disparaître du jour au lendemain." Mais Mathias Emmerich pourra alors compter sur le réseau qu'il s'est constitué à Sciences-po, à l'ENA et à la Cour des comptes. Parmi eux, des gens comme Marc Schwartz, directeur financier de Francetélévisions, Denis Olivennes, le président de la Fnac, Marc-Antoine Jannet, secrétaire général du groupe LVMH et, évidemment, le prometteur Arnaud Montebourg.

Anne-Laure BERANGER, JDN
 
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