Depuis un an, selon l'ART, ce sont 2,9 millions de nouvelles
lignes ADSL qui ont été ouvertes en France.
A la clef, 2,9 millions de modems ADSL ont été
distribués en l'espace de douze mois. En ajoutant les
demandes des anciens abonnés Internet désireux
de profiter des nouvelles extensions Wi-Fi ou triple
play, ce sont près de 10.000 modems ADSL qui sont
distribués chaque jour en France. Un marché
qui n'est pas prêt de s'essouffler, tant les besoins
en renouvellement sont importants. Selon l'institut d'études
Gfk, qui a mis en place fin 2004 un suivi hebdomadaire des
ventes de packs ADSL en France, le quart des modems haut débit
écoulés dans les circuits de distribution sont
équipés Wi-Fi.
Derrière ces chiffres en hausse constante, se cache
une mutation bien plus profonde : le marché des
modems ADSL ressemble de plus en plus à celui des téléphones
mobiles. Les boîtiers ADSL de plus en plus complexes,
donc de plus en plus onéreux, sont subventionnés par
des FAI qui ne peuvent se permettre de refreiner les futurs
abonnés en proposant des packs hors de prix. Cette
méthode de vente à la subvention est connue
depuis longtemps par les opérateurs mobiles qui proposent
des téléphones à des prix planchers.
Le parallèle
ne s'arrête pas là. Les modems, et leurs capacités
techniques, conditionnent désormais l'accès
des abonnés aux services à valeur ajoutée :
VoIP, vidéo, très haut débit... Tout
comme pour le téléphone mobile avec la 3G ou
l'i-Mode, le renouvellement du parc des modems est donc nécessaire
pour permettre aux abonnés de consommer de nouvelles
offres spécifiques à chaque FAI. "Le modem est
devenu le point de terminaison de service de l'opérateur,
analyse Yves Nicolas, vice-président en charge de l'activité
ADSL chez Inventel, une société française qui fournit des
équipements sans fil pour la communication voix et données.
Avant, les modems étaient interchangeables. Aujourd'hui, avec
la VoIP et la TV ADSL, les choix techniques du modem influencent
directement sur le service. L'interaction entre le marketing
du FAI et de l'équipementier est donc devenue très forte."
Fournisseur d'accès et constructeurs de modems sont
plus que jamais unis dans leur conquête de parts de marché.
Les premiers ne peuvent proposer de nouveaux services si les
terminaux adéquats ne sont pas disponibles. Les seconds sont
tenus de suivre les besoins du marché, traduits par les FAI.
Une union d'autant plus névralgique que sur le segment
des boîtiers multiplay, le nombre de fournisseurs est
des plus réduits. "Sur le marché grand public en France,
double ou triple play, moins de dix fournisseurs circulent",
précise Olivier du Besset, responsable marketing grand
public chez Neuf Télécom. Dans ce contexte, les FAI poussent
au maximum leur collaboration technique avec les fabricants
de modems, afin de contrôler leur offre de services
et de se différencier de la concurrence.
"80
à 85 % des modems sont vendus in-pack" |
L'arrivée de l'ADSL 2+ illustre à merveille l'importance
du tandem FAI-équipementier dans le développement
du marché. "Très peu de constructeurs de modems étaient
prêts au moment du lancement de l'ADSL 2+", explique Géraldine
Trippitelli, responsable marketing en charge des offres d'accès
grand public chez Tiscali. Pour rester dans la course, le
FAI italien s'est adressé à l'équipementier Comtrend
et l'a chargé de développer et produire la V2
de son terminal Triway, compatible avec cette nouvelle norme.
Ce constructeur taiwanais s'est introduit sur le marché
français en 2002. Il s'est positionné sur le segment
du très haut débit dès 2003, en nouant un partenariat
avec Alcatel pour développer des DSLAM et des terminaux destinés
à démontrer les capacités de l'ADSL 2+.
Pour les constructeurs, cette coopération étroite
avec les FAI est devenue un passage obligé. La plupart
des ventes de modems ADSL se faisant "in-pack",
le succès d'un modèle de modem dépend
avant tout du succès de l'offre d'accès. "80
à 85 % du business se fait in-pack, admet Didier Mainard,
directeur commercial de Thomson Telecom. Il y a eu une période
durant laquelle 100 % des ventes se faisaient in-pack. Puis
le marché de renouvellement a poussé le hors-pack et, à nouveau
aujourd'hui, la vente in-pack a tendance à augmenter."
"Le
business-model des FAI n'est pas de faire de l'argent
sur les terminaux" |
Du coup, bon nombre de constructeurs de modems ont tout simplement
déserté la vente directe pour s'appuyer commercialement
sur les seuls FAI. C'est le cas d'Inventel et de Comtrend.
Ces équipementiers ne peuvent guère plus compter sur
le marché des PC pré-équipés en modem ADSL. Un pré-équipement
qui était pourtant la règle à l'époque
des modems bas débit. Aujourd'hui, les PC standards vendus
par exemple chez Dell ne sont pré-équipés que de modems 56
k. Pas l'ombre d'un modem ADSL au catalogue. Et le bricoleur
qui décide d'assembler lui-même son ordinateur
soi-même, risque également d'être contraint de
passer par un FAI pour trouver son modem ADSL. Chez Surcouf,
on ne trouve plus qu'une seule référence de carte ADSL (Bewan)
en vente. Sur le site de la Fnac, il n'existe pas un seul
modem ADSL interne.
Ce revirement massif des équipementiers en faveur
des FAI est également justifié par une logique
financière. Les constructeurs de modems reconnaissent
que le secteur est à faibles marges. La rentabilité est conditionnée
par de gros volumes, que seuls les FAI peuvent assurer avec
leur puissance de feu publicitaire. Des fournisseurs d'accès
prêts à payer eux-mêmes une partie du coût
modem, parfois à hauteur de 50 %, pour séduire
de nouveaux abonnés avec des packs low-cost. "C'est
normal, le business-model des FAI n'est pas de faire de l'argent
sur les terminaux mais sur les services", estime Didier Mainard
de Thomson Telecom.
Pour faire évoluer le parc modems au fur et à
mesure des développements techniques et des nouveaux
services, la plupart des FAI n'hésitent pas, par défaut,
à proposer le prêt ou la location du boîtier
à leurs abonnés. Une formule retenue par Free,
Tiscali, Wanadoo, Club Internet, Tele 2 ou Neuf Télécom. Ce
concept de la location permet aux fournisseurs d'accès
de contrôler la migration du parc vers de nouvelles
extensions à valeur ajoutée et de tirer vers
le haut l'Arpu.
A suivre demain dans le JDN : FAI-modems
: les accords en place
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