Que la problématique se pose en amont, dans le cadre d'une stratégie
CRM multicanal, ou de manière très opérationnelle au niveau
de l'animation d'un site corporate, par exemple, les questions
liées aux contenu éditoriaux en ligne sont prises de plus en
plus au sérieux par les marques. Quelle complémentarité entre
son consumer magazine et son webzine ? Comment utiliser le contenu
pour servir sa stratégie marketing ? Comment nourrir son site
corporate ou son portail sans faire du "remplissage" ?
Pour tenter de répondre à ces questions, le Journal
du Net a interrogé des professionnels du contenu
ainsi que des marques éditant des consumer magazin on et offline.
Résumé des principales règles à respecter
pour élaborer une stratégie efficace.
Print et web : des approches différentes et complémentaires.
Si la stratégie de marque, en termes de marketing relationnel,
doit s'affranchir des supports, qui ne sont qu'un moyen, il
faut tenir compte des particularités propres à chaque média
dans l'énoncé des objectifs qui leur sont attitrés. La complémentarité
des médias doit être pensée en amont afin d'éviter tout
risque de concurrence entre les différents supports d'information.
"Un webzine vient servir de multiples objectifs : l'information,
l'image, le recrutement, la fidélisation client... le Web étant
l'un des seuls médias où une marque peut prendre le temps et
la place de s'exprimer, indique Marion Carrette, directrice
générale d'Angie Ecrito. Sur les sites de e-commerce,
on rentre par le prix, ce qui n'est pas toujours très valorisant
pour une marque. Le webzine offre une nouvelle façon d'arriver
au produit, souvent par le conseil, ce qui donne une plus grande
valeur ajoutée."
La fonction d'accompagnement et de préparation à l'achat
est plus forte sur le Web, qui autorise également une plus grande
proximité avec le consommateur, grâce aux outils interactifs
et à l'e-mail. Internet est également plus adapté au recrutement
et à l'élargissement de l'audience. L'aspect purement humain,
en revanche, est moins présent sur Internet. Un consommateur
qui vient chercher un consumer magazine dans un magasin est
en contact direct avec l'enseigne, alors que la consultation
d'un webzine se fait en dehors des points de contact physiques.
Dès la conception de ces supports, il est donc recommandé de
réfléchir à la façon dont seront traitées les informations clients
dans les bases de données CRM, afin d'optimiser leur utilisation.
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Le Magazine
Créé en 1996, diffusé
3 fois par an à 550.000 ex. par courrier.
Le m@gazine
Créé
en 2005, mensuel, env. 1000 visites / jour. |
Les contenus : à chaque support sa structure éditoriale.
Les webzines consumer ne peuvent être la copie conforme
des magazines papier. Pour des raisons techniques et stratégiques,
il est préférable de penser les lignes éditoriales de manière
complémentaire, tout en sachant que celles-ci seront toujours
organisées autour de conseils et d'information sur
l'usage des produits, l'entreprise ou encore la mise en scène
de ses valeurs, etc.
Pour une marque qui dispose déjà d'un support papier,
l'idéal est de parvenir à mutualiser les contenus, en différenciant
leurs traitements, et en pensant dès leur création à leur
exploitation sur les différents médias. Cette démarche
est celle adoptée par la Camif. Seules certaines rubriques
sont communes au deux supports on et offline utilisés
par le vépéciste pour communiquer auprès
des consommateurs. De même, leurs territoires de communications
sont distincts, et les contenus en ligne sont scénarisés différemment.
Alors que sur le papier le Vadiste utilise un guide d'achat,
cette même information sera traitée sous la forme d'un
quiz sur le webzine. Par ailleurs, afin d'exploiter au mieux
les possibilités du Web et de ne pas être redondant avec le
magazine, les webzines peuvent également comporter des contenus
multimédia. Selon Marion Carrette, "le webzine idéal devrait
pouvoir combiner texte, animations, audio et vidéo. La marque
a intérêt à peaufiner son contenu, sur lequel elle peut concentrer
tous ses efforts, dans la mesure où elle est libérée des contingences
logistiques attachées aux magazines papier."
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Vivre Champion
Créé en 1993, bimestriel diffusé
en magasin à 2,5 millions d'ex.
Webzine Champion
Créé
en 2000, bimensuel, représente 7 à 8 %
du trafic du site |
Ce qui ne signifie pas pour autant que le contenu en ligne
échappe à toute contrainte. La lecture à l'écran étant plus
difficile que sur le papier, les articles doivent être plus
courts et plus aérés. En contrepartie, des liens renverront
vers d'autres contenus présents sur le site. Les spécialistes
du contenu en ligne s'accordent pour dire que le papier a
plus un rôle d'analyse. Le style doit également être adapté.
"Sur le webzine, nous employons un style plus court et plus
direct, indique Fabienne Puel, responsable Internet chez Champion,
qui édite un magazine et un webzine. Ce média autorise plus
d'humour et de clins d'il, et aussi une plus grande proximité
avec le lecteur, car celui-ci fait le choix de venir chercher
l'information et sélectionne celle qui lui correspond. Le
papier est plus formel, car il doit toucher le plus grand
nombre."
Les cibles : une segmentation plus fine sur le Web.
De manière générale, Internet facilite la segmentation
et le ciblage, ce qui peut s'avérer très utile pour fournir
au consommateur un contenu en affinité avec son profil. Ainsi,
le site Danoneconseils.com vise une clientèle plus jeune que
le magazine papier du groupe, Danoe, le public des deux supports
n'étant commun qu'à 50 %. Attention néanmoins à ne pas multiplier
les versions en raison de la complexité à gérer
un tel dispositif.
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Danoe
Créé en 1995, trimestriel diffusé
par courrier à un peu moins de 4 millions d'ex.
Danoneconseils.com
Créé
en 2000, bimensuel, 500.000 visiteurs uniques / mois |
La périodicité : trouver le bon équilibre. "La
périodicité des consumer magazines est assez variable, déclare
Marion Carrette. Sur le web, il faut au minimum une mise à jour
mensuelle, ou encore mieux hebdomadaire. Dans tous les cas,
ce qui compte, c'est de signaler le changement. Il faut donner
des repères au lecteur, qu'il sache quels sont ses rendez-vous
avec la marque. Malheureusement, les clients sont réticents
à donner des dates, car c'est impliquant, et sur le Web, on
se dit qu'on peut toujours repousser une parution." Cette analyse
résume toute la problématique des sites, qui à la fois veulent
faire revenir l'internaute régulièrement pour le fidéliser,
mais doivent également assumer la charge de travail en
termes de création ou de validation des contenus en interne
induite pour de tels dispositifs. Quoiqu'il en soit, la différence
de périodicité est l'élément le plus visible de la complémentarité
offline - online, comme le décrit Jean-Paul Baradel, directeur
général en charge du CRM et d'Internet pour le groupe Danone.
"Par rapport au magazine, le site apporte la fréquence, la quotidienneté
et un côté très pratique. Il assure la permanence de l'information
et relaye l'actualité des marques."
L'accès à l'information en ligne. Il existe
en fait plusieurs alternatives. Le contenu du webzine peut,
comme le fait Champion et Carrefour, être intégré au site de
la marque et devenir l'une de ses rubriques. Mais il peut également
disposer être accessible depuis une url spécifique comme
Danoneconseils.com qui est le pendant en ligne du consumer Danoe.
Parfois, les marques se contentent de transférer leur magazine
papier au format pdf. C'est le cas notamment de Truffaut, Auchan
et Atac. Mais dans ce cas, la "fluidité de l'expérience entre
le contenu commercial et le contenu éditorial du site", hautement
souhaitable selon Cécile Cros, directrice générale de Textuel
La Mine, est rompue. Au delà de la recherche d'information sur
le site, les webzines sont en général relayés par une newsletter.
Celle de Champion, par exemple, compte plus de 150.000 abonnés,
et celle de Danoneconseils plus de 200.000.
Le choix des équipes : interne ou externe ? Pour
la marque, la première décision à prendre est de déterminer
si le contenu sera produit en interne ou par un prestataire
externe. En interne, le manque de temps et de compétences rédactionnelles
sont les principaux dangers. Tout le monde sait écrire, certes,
mais le style utilisé pour rédiger une fiche produit n'est pas
celui d'un webzine. Ensuite, la question est de savoir si les
mêmes équipes vont se charger du contenu papier et web. La Camif,
par exemple, fait appel au même prestataire, à savoir Angie
Ecrito, dans une "logique de bon sens et d'économie". Idem pour
Danone, avec Hachette. Champion, en revanche, dispose d'un prestataire
web, Webcontents, et d'un prestataire print, Textuel. Une organisation
liée en grande partie à des raisons historiques. "Cela nous
oblige à être vigilant sur la cohérence des propos, mais ce
n'est pas handicapant", confie Fabienne Puel. Dans tous les
cas, employer le même prestataire et la même équipe facilite
le travail éditorial et le sourcing de l'information, mais ne
garantit pas des coûts moins élevés.
Web vs papier : le jackpot ? Selon Marion Carrette,
la réalisation d'un consumer magazine, de la conception à la
maquette, hors routage, peut atteindre le même prix qu'un webzine.
Si l'on tient compte du routage, bien sûr, les économies sont
énormes (certains magazines coûtent plusieurs centaines de milliers
d'euros par an). Il convient toutefois de nuancer. Tout dépend
de la diffusion du magazine et du contenu du webzine. S'il intègre
du Flash et de la vidéo, les coûts peuvent être comparables
au papier. De plus, contrairement à certains magazines, les
webzines ne peuvent se financer par la publicité. Enfin, l'acquisition
de droits photos coûte beaucoup plus cher en ligne, car la durée
de vie n'est en général pas limitée. En revanche, le retour
sur investissement est beaucoup plus facilement mesurable en
ligne, car le consommateur peut passer directement de la lecture
du webzine à l'achat d'un produit, et ce chemin peut être tracké.
Malheureusement, les études de lectorat sont mieux suivies sur
papier. "On ne sait pas complètement valoriser l'apport du web
à notre programme (ROI), déplore Jean-Paul Baradel. Nous sommes
encore dans une démarche exploratoire qui a pour ambition de
démontrer la valeur ajoutée que peut apporter Internet." |