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La longue phase terminale du Minitel
Malgré un recul inexorable du trafic, la plupart des éditeurs laissent encore actifs leurs services Minitel, rentables et peu coûteux.   (20/07/2005)
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On l'avait presque oublié. Exception franco-française, le Minitel est l'outil qui a permis à l'Hexagone de faire ses premiers pas dans les NTIC grand public. Lancé en 1982, le Minitel a connu un développement commercial soutenu avec, à son apogée, plus de 9 millions de terminaux installés dans le pays. Début 2002, le Minitel sera finalement rattrapé en termes d'utilisation par un autre réseau, le Web. Depuis, le service de France Télécom subit un déclin inexorable. Mais les amoureux du Net auraient tort d'enterrer trop vite le Minitel. La plupart des éditeurs présents sur la télématique maintiennent encore leurs services, le plus souvent en parallèle de leurs activités Internet.

Première raison de cette poursuite des services de télématique : le Minitel représente encore un marché. Selon France Télécom, 475 millions de connexions Minitel ont été établies sur l'année 2004, ce qui représente environ 1,647 milliard de minutes consommées pour plus de 8 millions d'accès à domicile et en entreprise. Le chiffres d'affaires brut généré par les services Minitel s'est élevé l'an passé à 295 millions d'euros, France Télécom reversant aux éditeurs de services environ 208 millions d'euros. Certes, cette manne s'assèche, avec un recul moyen d'une année sur l'autre de 15 à 20 %. Mais on ne se sépare pas facilement d'un accès à un marché à plusieurs centaines de millions d'euros, qui plus est souvent rentable, la connexion étant payante.

Parts de marché des services Minitel et Internet en 2004-2005
.
Minitel
Internet
Entreprises de VAD
(part des commandes)*
3,7 %
24 %
Télémarket
(part du chiffre d'affaires)*
0,4 %
80 %
Air France
(part des ventes)***
< 1 %
12 à 13 %
Camif
(part du chiffre d'affaires)**
4 %
23 %
SNCF
(part des ventes)***
0,3 %
20 %
3 Suisses
(part des commandes)**
3,5 %
18 %
PAP
(part des annonces passées)*
1%
55%
Crédit Agricole
(part de la clientèle utilisatrice)*
2 %
16 %
* : 2004 - ** : 1er semestre 2005 - *** : prévisionnels 2005
Sources : chiffres éditeurs, Fevad pour la VAD
, 2005

Chez la Camif, la rentabilité est ainsi au rendez-vous sur le Minitel. Ce canal, sur le premier semestre 2005, a représenté 4 % du chiffre d'affaires, totalisant 10,6 millions d'euros pour un volume de 69.000 commandes. Face au Web (56 millions d'euros pour 298.000 commandes), le Minitel semble ne plus faire le poids. Mais le service n'a pas vocation à être arrêté à moyen terme par le vépéciste, car il continue d'être "largement rentable".

Cette rentabilité des services Minitel n'est en rien miraculeuse. Elle s'explique avant tout par la faiblesse des investissements techniques nécessaires pour assurer les services de télématique. "Le 3615 PAP est toujours rentable, car il a été développé depuis plus de quinze ans et a largement été amorti, explique Grégory Herrmann, webmaster au sein du Particulier au Particulier. En outre, le modèle de la petite annonce est relativement statique sur Minitel à la différence du site Web où l'intégration de la vidéo et des photos ont constitué des innovations techniques." L'éditeur de petites annonces maintient donc son activité Minitel, même si la contraction enregistrée est forte. Cette année, le 3615 PAP devrait atteindre les 5.000 heures consommées pour 40.000 connexions. L'an dernier, le score était de 7.000 heures consommées pour 62.000 connexions.

Outre l'absence d'investissements techniques, le canal télématique apparaît également peu consommateur de ressources. "Notre service Minitel est interfacé avec notre système informatique, et toute la nomenclature de nos produits y est transmise automatiquement, détaille Olivier Le Gargean, directeur de Télémarket. In fine, ce service ne représente pas de coût technique et s'avère très peu consommateur en termes de ressources humaines." Le cybermarché a réalisé l'an dernier environ 0,4 % de son chiffre d'affaires via le canal Minitel, Internet caracolant à 80 %
Pas de prise de risque sur la fermeture des services

Autre raison pour laquelle les éditeurs maintiennent leurs services Minitel : la relation-client. Pour certains éditeurs, la fermeture des activités de télématique est perçue comme une prise de risque vis-à-vis d'une partie de la clientèle, qui ne dispose pas d'un accès Internet ou qui ne maîtrise pas les rouages du Web. Une prise de risque jugée superflue d'autant que les revenus générés par l'activité Minitel restent bien souvent supérieurs aux coûts occasionnés. Au Crédit Agricole, l'activité télématique reste ainsi ainsi à l'ordre du jour, ce canal étant encore jugé "significatif". Selon Joseph d'Auzay, directeur adjoint de la fédération nationale des caisses régionales du Crédit Agricole, "16 % des clients ont utilisé Internet en 2004 pour gérer leur relation bancaire, et 2 % ont utilisé le Minitel". Avec ses 1,6 million de connexions enregistrées l'an passé, le Minitel continue donc sa trajectoire au sein de la banque.

Même constat à la SNCF, qui estime pourtant le recul annuel des connexions Minitel à environ 35 %. Au premier semestre 2005, les activités de télématique ont engrangé 260.000 connexions mensuelles pour une part de marché de l'ordre de 0,3 % sur les ventes de billets, pendant qu'Internet dépasse les 20 %. Mais ici encore on souhaite maintenir le canal historique. "Nous continuons à offrir des informations mises à jour sur le Minitel afin qu'une frange de la clientèle ne soit pas lésée", indique-t-on à la SNCF.
Une communication revue à la baisse

Si la plupart des activités Minitel restent à flot, la communication dont profitent ces mêmes services est, en revanche, revue à la baisse. La SNCF et Air France ont, par exemple, enlevé de leur pochette de billets le 3615 SNCF et le 3615 AF pour ne plus promouvoir que leur site Web. La compagnie aérienne a même été plus loin dans son rationalisme en arrêtant depuis le 1er avril dernier la commande télématique des billets. "La décision était logique : le Minitel représentait moins de 1 % des ventes, contre 12 à 13 % pour le site Internet, indique Francis Gautier, chargé d'études chez Air France. Toutefois, nous tenons à conserver notre service Minitel de consultation des horaires, des informations et des vols en cours."

On le comprend, la fin de règne est chose inéluctable pour le Minitel. Les chiffres collectés par la Fevad (Fédération des entreprises de vente à distance) pour le secteur VPC témoignent de ce déclin. Pour le secteur de la vente à distance, le Minitel est passé de 6,9 % de part de marché en 2000 à 2,1 % en 2004, tandis que le Web est passé sur la même période de 1,5 % à 24 %. 3Et on ne voit pas ce qui pourrait inverser les choses, analyse Marc Lolivier, délégué général de la Fevad. A la différence du courrier, du téléphone et d'Internet qui ont aujourd'hui développé des synergies, le Web et le Minitel sont trop proches pour ne pas se cannibaliser."

Evolution des usages du Minitel
(en pourcentage de la durée totale consommée)

2001 2004
Services professionnels
22 % 31 %
Services pratiques
40 %
29 %
Banque, finance
14 % 23 %
Services ludiques
24 % 17 %
Source : France Télécom, 2005

Un déclin d'autant plus fort qu'aux yeux de certains éditeurs, France Télécom a manqué de volontarisme par rapport à son offre Minitel. Un point de vue partagé par Yves Bayart, du service R&D e-commerce des 3 Suisses. "Nous n'avons pas eu le sentiment d'obtenir de réponse claire à nos questions, ni une réelle volonté de soutenir le Minitel. Certains de nos clients se plaignent par exemple de ne pas pouvoir remplacer leur terminal Minitel. Autre constat : l'outil i-Minitel, sur le Web ne fonctionnait qu'à partir d'un ordinateur équipé d'un accès RTC et non pas d'un accès ADSL. Il a fallu attendre avril 2005 pour qu'une solution i-Minitel compatible ADSL voit le jour..."

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 3 Suisses
 FEVAD
 Yves Bayart
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Leskiosques.com

Chez l'opérateur, on réfute le point de vue. Olivier Bon, directeur des solutions Kiosques, indique que France Télécom oeuvre à "préserver cet écosystème". "Nous continuons à réaliser un marketing tarifaire pour que le Minitel s'adapte aux réalités du marché et permette une conservation de la marge des éditeurs, avec par exemple, la création en juin 2004 d'un nouveau pallier T38 à 0,23 centimes d'euro". Grâce à cette nouvelle grille, le chiffre d'affaires par minute consommé a augmenté l'an dernier de 7 % et les reversements de 9,2 %. Des petits bonds qui ne compensent pas le recul de trafic, qui approche les 20 % annuels. Ces ultimes aménagements font plutôt figure de soins palliatifs.

Solveig Emerard-Jammes Sommaire Le Net
 
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