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«La success story de Kelkoo» (1/3) – La naissance d'une marque
«Ils ont réussi leur start-up !», paru en octobre dernier, relate l'histoire de Kelkoo depuis sa création jusqu'à son rachat par Yahoo. Morceaux choisis.   (07/11/2005)
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Ils ont réussi leur start-up !, par Julien Codorniou et Cyrille de Lasteyrie, Editions Village Mondial, 2005, 250 p., 17 euros
"Ils ont réussi leur start-up !" En écho au "Comment j'ai foiré ma start-up" de Nicolas Riou, Julien Cordoniou et Cyrille de Lasteyrie ont voulu relater dans leur ouvrage, paru en octobre 2005, une des principale success stories du Web français : celle de Kelkoo, depuis la création de la société par trois chercheurs en informatique grenoblois jusqu'à son rachat par Yahoo. Les deux auteurs, qui se sont rencontrés sur la blogosphère, ont recueilli dans ce livre les témoignages des principaux acteurs ayant joué un rôle dans l'aventure Kelkoo. Le JDN en publie les bonnes feuilles. Premier extrait : après la première levée de fonds, fin 1999.

De Liberty Market à Kelkoo

P
our Jérôme Mercier (un des 5 fondateurs et Directeur du Marketing de la société), le nom de Liberty Market rassemble à peu près tous les défauts imaginables pour leur projet : "C'est long. Chaque lettre est compliquée. C'est un ton très corporate qui serait parfait pour Leclerc, mais là on lance une marque grand public sur un service inconnu et sur un média nouveau. Ce n'est pas sexy. Ce n'est pas mémorisable. Impossible de taper l'adresse correctement du premier coup!" Bref, il n'est pas très enthousiaste, c'est le moins que l'on puisse dire. "Le problème, poursuit Jérôme, c'est qu'à ce moment-là j'ai en face de moi Pierre Chappaz, le directeur marketing Europe d'IBM, et que c'est lui qui a proposé le nom Liberty Market, qui a contribué à convaincre les investisseurs pour la levée de fonds. Je me dis que j'arrive trop tard, que c'est comme ça et qu'il n'y a rien à faire". Heureusement, deux événements vont faire pencher la balance dans le sens de la remise en cause. Tout d'abord, après quelques recherches d'antériorité incontournables, ils s'aperçoivent que la marque est déjà utilisée en Asie par un petit éditeur de logiciel. "Quel dommage, ironise Jérôme auprès de Pierre, c'est pourtant vraiment une supermarque !" Au même moment, ils évoquent leurs doutes auprès de Freddy Mini, alors président du conseil de surveillance de Liberty Market et directeur de Cnet France, l'un des principaux sites d'information high tech. Freddy Mini est un personnage pour qui Pierre Chappaz a beaucoup de respect, auprès duquel il prend souvent conseil. "Liberty Market ? Ce n'est pas terrible. Ce n'est vraiment pas ce qu'il vous faut !", lance-t-il sans hésitation. Jérôme Mercier ne cache pas sa joie. Sous la force du complot et devant les arguments de la cour, Pierre Chappaz se rallie à ses comparses et lance à Jérôme son premier défi d'envergure au sein du projet : "OK. T'as raison. T'as deux semaines pour trouver un nouveau nom ! C'est toi le patron du marketing après tout." "Je l'avais cherché, rajoute Jérôme, et le challenge ne me faisait pas peur. En revanche, je savais que je n'avais pas deux semaines mais trois heures pour trouver, car connaissant Pierre, je me doutais qu'il allait revenir le soir même avec dix nouvelles idées que je mettrais des jours à démonter. Il m'était donc impossible de passer par une société spécialisée et d'organiser des focus groups."

La volonté de Jérôme Mercier est alors de trouver un nom de marque "signifiant et grand public". "Il fallait que l'on comprenne immédiatement la nature de l'offre et que le nom soit simple à mémoriser. Si l'on voulait évangéliser sur un service nouveau et modifier les comportements, il fallait trouver quelque chose de simple, de parlant, de relié directement au bénéfice client", ajoute-t-il, le bénéfice principal étant sans aucun doute l'économie, la possibilité de trouver ce que l'on cherche au meilleur prix, de gagner de l'argent quand on achète. La promesse est claire, simple et directe : on parle d'argent et de rien d'autre. À cette époque, le film La Vérité si je mens est encore dans toutes les mémoires et la notion d'achat malin et de sens des affaires est dans l'air du temps. Le terrain est propice pour le projet, il n'y a plus qu'à toucher juste. Jérôme Mercier et Pierre Chappaz décident rapidement de mutualiser leurs forces. Cela permet à Chappaz de tenter d'imposer "les mille idées qu'il développe à la minute" et à Mercier de contrôler la bête tout en s'enrichissant de ses intuitions. Ils se voient chez Pierre Chappaz, dans sa maison de Bourgogne. Ancrés à leur ordinateur, ils tentent de protéger sur des sites spécialisés en noms de domaines tous les noms corrects qui leur passent par la tête et ne comportent pas plus de cinq lettres. Impossible. La folie des start-up a engendré son petit commerce de proximité : des malins, particuliers et entreprises, s'amusent à protéger tout et n'importe quoi, dans l'espoir de revendre leur larcin plus tard, à prix d'or, à des vraies sociétés dans le besoin. Peu importe le métier, pourvu qu'on ait l'URL !

"Si les noms en cinq lettres sont pris, passons à six !", se disent-ils. Mais rien ne vient de convaincant. "Nous passons deux soirées entières, et les nuits qui vont avec, à tenter de trouver le nom parfait. Nous atteignons par moment des sommets. Allant jusqu'à enregistrer beaugosse.com, iGraal.com, juste pour délirer parce qu'on n'en pouvait plus… Jusqu'à cet instant où Pierre me regarde et me lance un 'J'ai trouvé !' qui me remplit d'inquiétude…"

"Pierre, Kelepok ne dit rien sur l'offre !"
"'Kelepok !', me dit-il triomphant, nous confie Jérôme Mercier. 'Tu ne te rends pas compte, Internet est une véritable révolution pour l'humanité. C'est une nouvelle révolution industrielle…'". Pour Jérôme Mercier, Pierre Chappaz oublie à ce moment-là les contraintes qu'ils s'étaient imposés quant à l'exigence d'un nom signifiant et grand public. "Pierre, Kelepok ne dit rien sur l'offre !" À la même période, la Fnac développe son consumer magazine Epok. Chappaz s'en souvient. "J'ai dû être influencé sans le vouloir. Mais là ce n'est pas possible. On ne peut pas s'appeler Kelepok !" Agacé et certainement inquiet que rien ne sorte, Pierre Chappaz remet un coup de pression à Jérôme et invective avec élégance : "Si tu trouves, je te paie une bouteille de Château Yquem !", lui dit-il. "J'étais énervé, poursuit Jérôme, et moi aussi un peu vexé de ne pas avoir trouvé. Le lendemain matin en me douchant, je me dis 'Quel con !' en pensant à mon incapacité à trouver le nom qui tue ; et le terme fait son chemin tout au long de la journée. Je me remets à tourner autour des mots, en partant de Kelepok : 'Kelprix, Kelcul, Kelbonneaffaire, Kelcon, Kelcoup, Kelcout'."

"J'appelle Pierre, poursuit Jérôme, et lui lis ma liste de travail. Au milieu de tous les noms, il s'arrête sur mon Kelkoo avec deux "o", une déclinaison tendance du Kelcout initial. Au bout du fil, le silence. Je me demande s'il est effondré ou s'il gamberge". "T'as raison. Fonce ! me dit-il. C'est gagné."

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Editions Village Mondial : la fiche du livre
On retrouvait dans Kelkoo les "oo" de Yahoo, Wanadoo, auquel Pierre Chappaz tenait beaucoup et qui donnait une vraie image de pure player Internet. Comme le dit Jean-Noël Kapferer dans son ouvrage Ce qui va changer les marques , "pour un public francophone, Kelkoo s'entend 'quel coût', avec une touche de modernité dans l'orthographe, alors que pour un public suédois, allemand, espagnol ou italien, c'est un nom purement connotatif, qui évoque mais ne veut rien dire. Le hasard veut que Kelkoo offre dans toutes les langues des associations mentales positives. En allemand par exemple, le son de Kelkoo évoque 'un bon calcul'."

L'intuition créatrice de Jérôme Mercier et Pierre Chappaz s'avère donc judicieuse. Les Grenoblois acceptent sans rechigner le nouveau nom ; il ne reste plus qu'à proposer la nouvelle marque aux investisseurs….(Banexi Ventures et Innovacom).
Rédaction JDN & JDN Solutions Sommaire Le Net
 
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