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«La success story de Kelkoo» (2/3) – 2001 : tentative d'IPO et Plan Bouddha
« Ils ont réussi leur start-up !», paru en octobre dernier, relate l'histoire de Kelkoo depuis sa création jusqu'à son rachat par Yahoo. Morceaux choisis.   (08/11/2005)
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Ils ont réussi leur start-up !, par Julien Codorniou et Cyrille de Lasteyrie, Editions Village Mondial, 2005, 250 p., 17 euros
Dans leur ouvrage paru en octobre 2005, "Ils ont réussi leur start-up !", Julien Cordoniou et Cyrille de Lasteyrie relatent une des principales success stories du Web français : celle de Kelkoo, depuis la création de la société par trois chercheurs en informatique grenoblois jusqu'à son rachat par Yahoo. Le JDN en publie les bonnes feuilles. Deuxième extrait : après la quatrième levée de fonds, la tentative d'introduction en Bourse et la période des vaches maigres.

La tentative d'IPO de février 2001

A
la fin de l'année 2000, l'ambiance générale chez Kelkoo est à l'euphorie. La société a désormais pris ses marques en Europe et les autres comparateurs de prix sont dans le coma depuis la fin des financements Internet. Le magazine Newbiz, le Voici de la nouvelle économie, titre dans son édition de janvier 2001 : "Kelkoo bientôt en Bourse, pour une valorisation de 380 M€ !".

Dominique Vidal et Pedro Mendoza, rejoints par la norvégienne Laila Dahlen, sont maîtres d'œuvre sur le projet. "Tous les matins, raconte Laila, nous regardons les chiffres du Nasdaq pour surveiller le marché". Penser à une introduction en Bourse en cette période est relativement hardi, compte tenu de l'éclatement consommé de la bulle et de la frilosité installée dans tous les milieux financiers, investisseurs privés ou organismes bancaires. Christophe Odin, l'un des fondateurs, assure "qu'à ce moment-là, on y croit fort". Laila et Pedro travaillent en étroite collaboration avec Bénédicte Delaunay et Franck Sebag d'Ernst & Young, commissaires aux comptes de Kelkoo. "En analysant les chiffres, explique Laila, et malgré des atouts indéniables, nous savons qu'avec le Burn Rate affiché, la compagnie ne peut pas survivre à moyen terme ! Lever des capitaux en Bourse nous donnait plus de temps pour atteindre la rentabilité, et ça permettait aussi de faire sortir nos investisseurs en beauté."

À la même période, Pierre Chappaz traverse une profonde crise personnelle, une dépression qui l'empêche de s'investir complètement dans le projet et qui durera près de trois mois. "Les derniers mois m'avaient profondément changé et avaient été fatals à mon couple. J'allais bientôt me séparer de Catherine, la femme avec laquelle j'avais vécu 18 ans. J'étais au fond du gouffre, je n'ai rien suivi du tout concernant le projet d'IPO, et de toute façon je ne croyais plus à la possibilité d'une introduction en Bourse, vu l'état des marchés financiers…", avoue-t-il. Comme dans les couples, quand l'un montre des défaillances, c'est l'autre qui prend le relais. La relation de Dominique Vidal avec Pierre Chappaz est très particulière ; les deux hommes s'apprécient et se respectent, mais leur complicité ne s'exprime bien que dans le cadre de l'entreprise, rarement ailleurs. À ce sujet, Dominique Vidal nous livre cette anecdote : "Un jour, Pierre vient me voir pour me confier ses problèmes personnels. Il ne va pas bien du tout, je suis sincèrement triste pour lui. Mais je lui dis que je ne pense pas être la bonne personne à qui parler… Pierre le comprend très bien". Et Vidal poursuit : "Notre relation a toujours été à 90 % professionnelle. À partir du moment où l'on commence à compatir, on baisse le niveau d'exigence. Je n'ai pas été celui qui l'a soutenu !" Ce sont les autres managers de Kelkoo, et en particulier Jérôme Mercier, qui s'occupent de redonner le moral à Pierre Chappaz pendant ces mois difficiles. "Pour lui changer les idées, j'allais promener Pierre aux Tuileries, comme si c'était mon grand-père", plaisante Jérôme Mercier. "J'allais aux réunions mais je n'étais pas là ; je traversais les couloirs comme un zombie, j'étais en perdition", rajoute Pierre Chappaz.

"On annule l'introduction en Bourse et on passe vite à autre chose"
La nature a horreur du vide et, pendant ces quelques semaines, Dominique Vidal prend en main Kelkoo et le projet d'introduction en Bourse ; dans le même temps, les managers montent en puissance. Dominique Vidal raconte : "En février 2001, nous sommes sur une valorisation très faible. Des tas d'experts doivent donner leur avis, ils ont le choix entre 'J'approuve', 'Je n'approuve pas' ou 'Je ne me prononce pas'. Malgré les fortunes que nous dépensons, il n'y en a pas un qui se prononce."

L'IPO échoue définitivement en février 2001. Ce sont Pierre Chappaz et Dominique Vidal qui prennent la douloureuse décision. Pedro Mendoza raconte : "Je devais faire signer un papier à Pierre engageant la société pour un montant de 230 K€ dans le cadre de l'introduction en Bourse. On dépensait des fortunes astronomiques en banquiers d'affaires ou frais d'avocats, sans avoir de visibilité sur la réussite de l'opération. J'ai dit à Pierre que s'il signait ça, il fallait être sûr d'aller en Bourse. Pierre a demandé son avis à Dominique Vidal et en deux minutes c'était tout vu : on annule l'introduction en Bourse et on passe vite à autre chose." (...)

"Stop The Bleeding", Le plan Bouddha

L'année 2001 commence donc par des difficultés. L'IPO tombe à l'eau, Pierre Chappaz n'est pas au mieux et les résultats de Kelkoo sont en baisse régulière depuis quelques temps. "Nous réalisons en janvier seulement les deux tiers du chiffre d'affaires de décembre. En février, on se plante de nouveau, je m'inquiète très sérieusement", confie Dominique Vidal. "À ce moment-là, je donne 30 % de chances à la boîte de s'en sortir. Je vais voir Pedro et je lui confie mes doutes. Il faut faire quelque chose, lui dis-je, on ne peut pas baisser nos résultats et cramer la trésorerie sans réagir. Il faut stopper l'hémorragie". Pierre Chappaz est également très conscient de cette situation : "On perd jusqu'à deux millions d'euros par mois. On a l'impression de bloquer les freins sans pouvoir s'arrêter. À ce rythme-là, on va vite se planter…" Ensemble, ils mettent sur pied "le plan Bouddha", comme l'explique Dominique Vidal : "On vient de faire de grosses acquisitions, de nombreux postes sont doublés ou triplés. Nous souhaitons centraliser au maximum les décisions, concentrer Oslo sur le produit, optimiser l'équipe de recherche de Grenoble et diriger les pays de façon homogène". En mars 2001, on compte 197 collaborateurs chez Kelkoo, les équipes sont surdimensionnées et les licenciements apparaissent comme inévitables. "Dom m'a fait monter à Paris de manière urgente, raconte Jean-Marc Potdevin. La question était de savoir si on pouvait faire tourner les services avec une équipe à taille beaucoup plus réduite. Pedro et Pierre étaient présents. Ça a été un choc massif. J'ai compris la situation très rapidement et j'ai fini par approuver la solution suggérée : oui, on devrait pouvoir faire, en se recentrant sur l'essentiel…Mais ce sera pénible."

Pierre Chappaz et Dominique Vidal présentent ensuite leur projet aux investisseurs qui se montrent réticents. À l'inverse de la tendance de l'époque, les banques elles-mêmes semblent opposées à ce plan, estimant qu'il véhicule une mauvaise image pour Kelkoo. Mais la conviction et la ténacité des deux dirigeants l'emportent : "Je ne savais même plus ce que nous dépensions, ni où, ni combien. Tout était allé beaucoup trop vite. À ce rythme là, on était morts dans les 18 mois", rajoute Dominique Vidal. Pour sauver Kelkoo, ils doivent désormais établir la liste des partants pour chaque pays et redéfinir les priorités.

La coupe des effectifs

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Editions Village Mondial : la fiche du livre
"Ça s'écroule pour ceux qui partent, mais aussi pour ceux qui restent", témoigne Christophe Odin dont l'équipe grenobloise est fortement touchée. "Le jour où cette promesse et cet imaginaire s'effondrent, les gens ont du mal à revenir bosser le lendemain. On leur a vendu quelque chose, mais ça ne se réalise pas." Pour Jean-Marc Potdevin, "c'est l'épisode le plus dur de ma carrière. On était tous sur un nuage, on parlait même d'introduction en Bourse, et d'un seul coup, il faut revenir vers nos employés en leur disant qu'un collaborateur sur trois va partir. Ils ne nous croyaient pas, ils pensaient qu'on sur-réagissait à l'explosion de la bulle, que le marché allait repartir. Le choc en interne était énorme. J'ai mis une semaine à digérer la nouvelle. Ensuite, la balle est partie extrêmement vite."
Rédaction JDN & JDN Solutions Sommaire Le Net
 
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