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Condamnation des opérateurs : les éléments-clés du dossier |
Le rapport publié par le Conseil de la concurrence pour justifier sa décision fourmille de documents collectés dans le cadre de l'enquête préalable. Extraits.
(02/12/2005) |
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La condamnation des trois opérateurs mobiles à 534 millions d'euros d'amende (lire l'article du JDN) s'appuie sur une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Le rapport publié par le Conseil de la concurrence pour appuyer sa décision cite abondamment une série de documents, de notes écrites par les dirigeants de l'époque des différents opérateurs. Deux charges ont été retenues contre Orange, SFR et Bouygues Telecom : l'échange d'informations sur leurs parts de marché respectives, qui a pu conduire à des ajustements de leurs politiques, et un accord sur la stabilisation des parts de marché entre 2000 et 2002.
Dans le cadre de l'enquête, les personnes citées se sont également expliquées sur ces documents. Extraits.
Sur les échanges d'informations
sur les parts de marché
Message ... expédié par M. E. F., directeur général adjoint
Licences, à une vingtaine de personnes au sein de Bouygues Télécom :
"Je vous rappelle que ces chiffres sont échangés entre
les trois opérateurs à titre confidentiel. Ils ne doivent en
aucune façon être communiqués à l'extérieur et notamment pas
auprès de nos instances réglementaires (ART, ministère,...)".
[Note du conseil de la concurrence : La messagerie de M. Z. a révélé que ces envois étaient récurrents
et avaient lieu tous les mois].
Explications ... de M. F. sur les raisons de ces envois dans
un procès-verbal de déclaration du 8 décembre 2003 "Je suis en charge des questions réglementaires chez Bytel
[Bouygues Télécom] depuis l'été 2000 après avoir occupé les
fonctions de directeur financier. A ce titre j'ai récupéré la
gestion du tableau de bord des mobiles depuis l'été 2001 auparavant
géré par le service de presse, communication externe. L'objet
de ce tableau de bord est d'anticiper la communication financière
et presse lors de la publication trimestrielle de l'ART. Les
mentions de confidentialité portées sur nos documents internes
attirent l'attention des nouveaux destinataires de Bytel sur
le fait qu'il ne s'agit pas d'un document destiné à la communication
externe et notamment à la presse."
Une note ... manuscrite du 27 mars 2003, saisie le 30 juillet
2003, dans le bureau de M. B., directeur général de SFR, montre
également l'utilisation qui est faite des données échangées :
"Tu vois que j'ai bien fait de changer d'opérateur" [nom de la campagne publicitaire lancée alors par SFR].
Revoir part de marché ventes nettes Orange versus Baisse du
marché. Leur point faible : la marque Orange s'affaiblit.
"Leur point faible : la marque Orange s'affaiblit" |
Explications ... de M.B. sur cette note dans un procès-verbal
de déclaration du 10 décembre 2003 "Je suis
le rédacteur de ce document qui se lit de la manière suivante
(
) Ce document est en deux parties, il est daté de 2003. Je
n'ai pas rencontré M. P. F. pour rédiger ces notes manuscrites.
Si le nom du dirigeant d'Orange France y figure c'est que l'information
m'a été transmise très probablement par mon directeur commercial,
M. F. C. qui avait entendu des appréciations sur la campagne
radio qui était très agressive vis-à-vis de nos deux concurrents
puisque c'est un nouveau client SFR qui se réjouit d'avoir quitté
son ancien opérateur. Ainsi, grâce à ces informations je note
de revoir mes prévisions de part de marché et d'acter que notre
hausse de prix sur le CBR UMM [Compte bloqué rechargeable Universal
mobile music, assimilé à un abonnement et non à du prépayé]
de 15 à 17 euros, début de l'année 2003 ne devrait pas nous
faire perdre de PdM, malgré notre prix supérieur à celui d'Orange.
Le chiffre de 10,2 constitue l'estimation pour 2003 du nombre
des activations brutes. On peut noter dans ces notes la préoccupation
de l'ART pour adapter son observatoire statistique (...)."
Sur l'existence d'un accord visant à
stabiliser les parts de marché des trois opérateurs
Un note ... du 28 mars 2001 saisie dans le bureau de M. B., directeur
général de SFR : "M. B. via D. Q. est OK pour
reconduire en 2001 l'accord de part de marché 2000 en VB [ndlr, ventes brutes] , bien
qu'ils ne l'aient pas respecté au 2° semestre 2000. P. M. après
avoir demandé 23 % de VB accepte 22 %."
"OK pour
reconduire en 2001 l'accord de part de marché 2000" |
Explications ... de M. B. dans un procès-verbal de déclaration
du 10 décembre 2003 "Malgré son apparence ce
document ne constitue en aucune façon un échange avec nos deux
concurrents pour partage de marché. Le mot accord est utilisé
en interne chez SFR pour signifier l'engagement entre la direction
générale et le conseil d'administration sur l'objectif de part
de marché afin de ménager la rentabilité de l'entreprise déjà
contrôlée indirectement par le groupe Vivendi Universal. En
effet toute augmentation de part de marché se traduit mécaniquement
par une augmentation des coûts obérant la rentabilité à venir.
A cet égard je suis tenu régulièrement à revoir mon accord de
part de marché en fonction des informations que j'ai du marché
et des déclarations faites par mes concurrents principalement
au niveau des analystes financiers, sociétés de bourse et banques."
Des notes manuscrites ... prises par M. Q., président d'Orange
France, lors du Comex Orange France du 26 mars 2001 mentionnent
également un accord entre les trois opérateurs :
A la date du 3 juin 2002, les mentions suivantes figurent
dans l'un des cahiers manuscrits de M. Q. :
Réunion Byt [Bouygues Telecom] / SFR
195 k = Byt (20 %)
315 k = SFR (36 %)
430 k = OF (44 %) (...)
Il faut que Byt remonte a 20 % (...)."
Explications ... de M. Q à ce sujet dans son procès-verbal
de déclaration du 23 décembre 2003 "La réunion
précitée avec Bytel et SFR s'inscrit dans le cadre de l'Association
française des opérateurs mobiles pour préparer notre rendez-vous
avec M. T., gouverneur de la Banque de France, pour les questions
de certification bancaire à partir des téléphones mobiles. Nous
lancions alors le kiosque SMS+."
"Les cahiers manuscrits de M. Q. évoquent par deux fois un Yalta PDM" |
De plus, les cahiers manuscrits de M. Q. évoquent en octobre
2002 par deux fois un "Yalta PDM".
Déclarations de M. Q. à propos de ces pièces "Lors
de ce Comex de France Télécom la ou les plaintes de Bytel contre
le groupe France Télécom ont été évoquées ainsi que des interrogations
sur le but et la stratégie réelle visés par Bytel (part de marché).
Il n'y a eu aucune suite donnée à ces échanges internes."
Sur un contrôle de l'évolution des parts de marché à partir de 2000 afin d'assurer
une meilleure rentabilité
Compte-rendu ... d'une "Revue
d'affaires" de France Télécom mobiles du 4 avril 2000 :
"Le niveau d'Ebitda 2000 de 10 GF [10 milliards de francs] suppose la réussite de
la politique de pacification du marché."
Notes
manuscrites ... de
M. D. Q., président d'Orange France, prises
lors d'un comité exécutif Orange du 22 mai 2001 :
"Orange SA - 1 Reeducate
the market- cf. Vodafone Press conference august contract market
share announcement of price increase value strategy. - 2 Meeting
JF P. (DG Orange SA et président OF) -Byt-SFR : 06/01 juin
2001 - 3 Prepaid 690 F TTC au 1.09.01 - 4 Increase 2004
Ebitda numbers = + 150 M =38,7 % Ebitda (...)".
"Il nous faut 'reeducate' le marché" |
Explications ... de M.D.Q. "Nous sommes le 22
mai et JF P., président d'Orange, dit qu'il nous faut "reeducate"
(au sens faire de la pédagogie) le marché comme l'a fait Vodafone
au Royaume-Uni, c'est-à-dire privilégier la stratégie
valeur et la stratégie contrat plutôt que le 24 prépayé et il
est décidé de s'exprimer au mois d'août (modalités à définir
et conférence de presse) pour exprimer alors cette nouvelle
stratégie qui se traduira entre autres par une remontée des
prix du prépayé à 690 francs TTC. Par ailleurs, à titre de courtoisie,
il est envisagé une rencontre entre JF P. et ses homologues
présidents de Bytel et Cegetel pour informer de la date du lancement
de la marque Orange en France en juin 2001."
Sur un contrôle des parts de marché de Bouygues Telecom afin qu'elles ne baissent pas trop
Document ... de la direction commerciale de SFR : "Présentation
des parts de marché year to date : les points essentiels
sont la bonne performance de SFR et la baisse significative
de Bytel qui risque d'ailleurs de devoir réagir "violemment"
pour éviter la marginalisation."
Compte-rendu ... d'un comité exécutif Orange France du 7 octobre
2002 "P. F. présente les chiffres de ventes
et de parc à fin septembre. G L. et P. F. alertent sur la réaction
de Bouygues (
)". Il s'agit d'alerter sur les risques de réaction
agressive de Bytel qui sous-performe le marché." |
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