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Capital-risque : faut-il passer par un leveur de fonds ?
La majorité des tours de table, dans la Net-économie, se font avec l'aide d'intermédiaires spécialisés. Avec quels avantages et quels inconvénients ? Cinq conseils pour peser le pour et le contre.   (15/11/2006)
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Voici une question que tous les entrepreneurs en quête de financement, au moins dans le secteur des nouvelles technologies, se sont posée : faut-il passer par un leveur de fonds ? Est-ce indispensable ? Cela me permettra-t-il de lever plus d'argent ? Oui, mais… le coût n'est pas négligeable… Pour aborder cette problématique de la manière la plus argumentée possible, le JDN a confronté les points de vue du leveur de fonds et du créateur d'entreprise. Cinq conseils pour peser le pour et le contre en toute connaissance de cause.

1  Evaluer sa capacité à réaliser l'opération seul
Plusieurs éléments sont absolument nécessaires pour concrétiser une levée de fonds auprès de capital-risqueurs. Ces pré requis sont de deux ordres : ils font appel au capital social de l'entrepreneur, antichambre vers le capital financier, et aux compétences techniques de celui-ci.

Au capital social, tout d'abord, car le poids du réseau est proportionnel à la probabilité de réussite de l'opération. Un entrepreneur sans réseau n'a aucune chance de faire aboutir ses démarches, selon Pascal Mercier, co-fondateur et directeur associé d'Aelios Finance, conseil en levée de fonds, fusion-acquisition, IPO et LBO. Le réseau est utile pour obtenir les rendez-vous, savoir frapper aux bonnes portes, et s'assurer des soutiens auprès des VC. "Quasiment 100 % des deals se font avec un prescripteur de qualité", affirme Pascal Mercier. Le prescripteur, c'est la caution qui pourra faire arriver votre dossier sur le dessus d'une pile. Et encore, même avec un réseau, il est extrêmement courant de recourir aux leveurs de fonds. "Beaucoup de serial entrepreneurs savent que c'est un processus long et difficile, déclare Pascal Mercier. Ainsi, des gens comme Gilles Babinet (Eyeka - Ndlr) et Mathieu Nouzareth (Boonty - Ndlr) travaillent toujours avec nous."

Aux compétences techniques, ensuite. En effet, le processus de levée de fonds, tout comme celui d'une introduction en Bourse, est émaillé d'un certain nombre d'étapes codifiées, prenant la forme de documents à rédiger et de dossiers à constituer : business plan, tableaux financiers, présentations PowerPoint. Des travaux qui sont affaire de temps, de connaissances et d'expérience. A condition d'avoir les trois, on peut être assez confiant et se passer d'un leveur de fonds.

Mais évaluer sa capacité à venir seul à bout du processus, c'est aussi mesurer sa capacité à encaisser seul les échecs et les déconvenues. Olivier Chouraki, fondateur et dirigeant de Mobiluck, une start-up française spécialisée dans les services mobiles qui cherche à réaliser son premier tour de table, confirme : s'adjoindre les services d'un leveur, cela permet de se sentir moins seul. "On entend parfois dire qu'un bon entrepreneur devrait être capable de lever des fonds tout seul, sinon cela signifierait qu'il n'a pas l'envergure suffisante pour gérer son entreprise. Mais nous avons regardé toutes les levées de fonds récentes dans l'Internet, et avons constaté qu'il y avait tout le temps un leveur, même pour les entreprises expérimentées. Il n'y a pas de honte à avoir."

2  Envisager les coûts dans leur globalité
L'argument principal avancé par les leveurs de fonds pour justifier leur activité est que leur rémunération, soit le coût pour l'entrepreneur, est compensée par les services qu'ils apportent : délais raccourcis - le temps, c'est de l'argent -, ressources dégagées pour la gestion de l'entreprise, amélioration des conditions de l'opération. Mais ce coût est aussi le principal argument des entrepreneurs pour se lancer seuls dans l'aventure. Il convient donc de tenir compte du montant de la commission, mais aussi de ce que l'on nomme en économie les coûts d'opportunité : les coûts en termes d'opportunités non réalisées.

Du point de vue strict du coût, le leveur de fonds se rémunère pour une petite partie en fixe (retainer fees), et pour la majeure partie en pourcentage des fonds levés : 5 % en moyenne. Ce pourcentage est payé par l'entrepreneur avec l'argent des investisseurs. Un coût que Olivier Chouraki jugeait franchement dissuasif, et qui l'a poussé à tenter pendant un an et demi de trouver un financement seul. Les créateurs d'entreprise de son entourage, aujourd'hui, comme lui tous avec des leveurs, ont également tous essayé seuls pendant des mois pour la même raison.

Pour Pascal Mercier, pourtant, l'entrepreneur s'y retrouve toujours largement. Selon lui, le leveur de fonds lui simplifie la tâche, très consommatrice de temps. "Le leveur prépare les documents, sélectionne les bons investisseurs, prend les rendez-vous, organise le roadshow, effectue le suivi, répond aux objections, travaille en permanence à l'amélioration de la présentation. Une fois la promesse d'investissement signée, lorsque la période de due diligence commence, il prépare la data room et exerce le suivi. Pendant tout ce temps, l'entrepreneur fait plus de chiffre d'affaires, donc la valeur de son entreprise augmente. Au final, entre le gain de temps et le montant obtenu plus élevé, l'opération est 30 % plus qualitative dans son ensemble."

Même si Mobiluck a finalement opté pour un leveur de fonds, et même deux pour être exact, Olivier Chouraki nuance ces propos. "Je ne suis pas sûr que cela prenne moins de temps à l'entrepreneur, car il passe un temps fou à tout expliquer au leveur. Ce qui est certain, c'est que le carnet d'adresses des leveurs permet de faire sortir du lot un dossier, parmi les centaines que reçoivent les fonds. Ils connaissent les fonds qui ont de l'argent à investir, et ceux qui arrivent en fin de cycle. Par ailleurs, la gestion des relances, du planning et des prises de rendez-vous est effectivement un soulagement. Mais au final, avant de passer par un leveur je consacrais à la recherche de capitaux une journée par semaine, et aujourd'hui j'y consacre autant de temps. Sur la question du montant levé, nous n'avons pas encore bouclé notre premier tour. Mais alors qu'avant, nous recherchions environ trois millions d'euros, les leveurs ont élevé la barre à 5 millions."

3  Savoir négocier
Autant le savoir tout de suite, passer par un leveur de fonds n'évite pas à l'entrepreneur de négocier. Il devra d'ailleurs en premier lieu négocier son contrat avec le leveur. Ce qu'a fait Olivier Chouraki, en passant outre notamment la clause d'exclusivité, quasi systématique dans les contrats (cette clause peut se prolonger au-delà du premier tour, ce qui implique que le leveur peut toucher un pourcentage sur un deuxième tour qu'il n'a pas accompagné). Mobiluck a ainsi signé il y a deux mois avec deux leveurs différents, Go4Ventures et Sagax.

Dans un second temps, l'entrepreneur prend part aux négociations avec les investisseurs, le leveur étant là pour optimiser le deal. Sur ce point, on retrouve les deux sons de cloche. Pascal Mercier pointe les avantages des leveurs : "Les investisseurs préfèrent travailler avec les leveurs, car en tant qu'intermédiaires, ils amortissent les conflits qui peuvent survenir entre les fonds et l'entrepreneur, ce qui est bénéfique pour tout le monde. Le leveur est aussi là pour expliquer les us et coutumes des investisseurs au créateur d'entreprise. Quand il y a moins de tensions, les investisseurs sont plus conciliants." Olivier Chouraki renverse l'argument : "Intégrer un leveur à la négociation a aussi ses côtés négatifs, car c'est un acteur de plus dans la négociation, ce qui complique les choses. D'autre part, l'entrepreneur se demande forcément de quel côté est le leveur. Car il travaille régulièrement avec l'investisseur, surtout s'il est spécialisé. S'il se montre trop dur dans la négociation, cela pourrait lui porter préjudice par la suite…" Conclusion : l'entrepreneur ne fera pas l'économie des négociations, même avec un leveur de fonds.

4  Prendre la décision avant qu'il ne soit trop tard
"On n'a jamais une deuxième chance de faire une bonne première impression". Pascal Mercier résume ainsi qu'un leveur de fonds ne peut pas rattraper les erreurs d'un entrepreneur qui a écumé les sociétés de capital risque avant de venir le voir, et annihilé toutes ses chances auprès des investisseurs avec un dossier mal monté ou une fâcherie mal placée. "Si une équipe est fatiguée, voire aigrie, ce n'est plus la peine", précise-t-il. Cependant, une majorité d'entrepreneurs ont essayé de lever des fonds par leurs propres moyens avant d'aller voir un leveur de fonds. L'important est alors de tirer parti de ces initiatives. Par exemple en se faisant mettre en relation avec des leveurs par les VC - une pratique courante -, et en apprenant de leurs échecs pour peaufiner leur projet.

5  Se rappeler que la décision n'est pas uniquement la sienne
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Prendre la décision de passer par un leveur n'est qu'un début, même si c'est déjà un soulagement. L'entrepreneur doit savoir, d'une part, que les leveurs de fonds sont sélectifs. Se rémunérant en pourcentage des montants levés, un mauvais projet sera de toute façon refusé car le leveur n'a rien à y gagner. L'autre critère de refus, c'est le montant recherché : en dessous de 2 millions d'euros, le modèle économique est difficile à trouver. D'autre part, les leveurs n'ont pas d'obligation de résultat. Mais là encore, le système de rémunération joue en faveur de l'entrepreneur.

En conclusion, on ne peut que rappeler la proportion de deals qui s'effectuent par l'intermédiaire de leveurs de fonds : elle est proche de 50 %, selon Pascal Mercier, et peut s'élever bien au-delà dans certains secteurs. A l'entrepreneur de trouver son wedding planner financier.
Raphaële KARAYAN, JDN JDN Finance
 
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