Audience, résultats, organisation,
publicité, multisupports, stratégie, prospective
: le directeur des éditions électroniques
des "Echos" a dialogué pendant une
heure avec les lecteurs du JDN autour d'un ensemble
de sujets sur lesquels le président du Geste
qu'il est également avait aussi un avis.
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Invité
: Philippe Jannet, Directeur des éditions
électroniques des Echos et Président du Geste
(voir
sa fiche Carnet) |
Date
: Mercredi 5 mars, 17h-18h10 |
Nombre
de questions posées : 145 |
Nombre de questions
retenues : 42 |
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Philippe Jannet : Bonsoir à tout le monde.
Le site du Financial Times FT.com
(qui est édité par la maison-mère
des Echos, NDLR) vient d'annoncer un résultat
à l'équlibre pour 2002. Qu'en est-il des echos.fr ?
Philippe Jannet Les résultats des echos.fr
font partie des résultats du Groupe Les Echos
et ne peuvent en être dissociés...
Quelles synergies entre la rédaction
papier et la rédaction online ? Ils se parlent
? Si on va sur la papier, c'est une promotion ?
Non seulement ils se parlent, mais ils sont placés sous
l'autorité du même directeur de la rédaction, Nicolas
Beytout. Le rédacteur en chef du site, Michel Dabaji
est lui-même un ancien rédacteur en chef du journal
papier qui a pris le risque de l'électronique.
Comment a fait FT.com pour être
à l'équilibre ?
En faisant une bonne année publicitaire et en lançant
une version payante qui a rencontré un grand succès...
Si on y ajoute de grosses économies de structure, ça
finit par s'équilibrer.
Quel est le business model des
echos.fr ?
Il repose sur quatre piliers : l'abonnement, la publicité,
la vente de contenus à des tiers (syndication, bases
de données) et les CA kiosques (audiotel, minitel).
La vente en ligne de contenu
éditorial peut-elle être rentable selon vous ?
Avec la qualité du contenu des Echos et des Echos.fr,
oui.
Les journalistes du site ont-ils
les mêmes statuts que ceux du journal papier ?
Ils ont le même statut, la même carte de presse, la
même grille de salaire... Certains viennent du "papier"
et d'autres sont repartis vers le "papier" sans que
cela pose de problème.
Pensez-vous que la presse en
ligne est capable de diffuser de l'information originale
ou n'est-ce qu'une duplication de journaux papier ?
Regardez lesechos.fr : nous diffusons de l'information
spécifiquement créée pour le site de 8h00 à 20h00 tous
les jours. Une vingtaine de journalistes suivent pour
nous l'actualité économique, secteur par secteur, l'actualité
financière et l'actualité des finances personnelles.
Cher Philippe, rétrospectivement
(et prospectivement), quelle est ton analyse sur les
outils de mesure d'audience : site centric versus panel
? Sont-ils fiables ? Lesquels utilises-tu ? Pour quoi
faire ?
Je râle souvent contre les outils de mesure et leur
fiabilité relative. Les panels sont sans doute de meilleurs
indicateurs, mais ils ne s'appliquent qu'à des sites
franco-français et à usage strictement privé. Pour lesechos.fr,
le panel est trop aléatoire pour être vraiment utilisé.
Les outils ne mesurant que les visites sont, eux aussi,
aléatoires, même si Diffusion Contrôle a réussi à les
faire converger vers plus de professionnalisme. Il reste
toujours des moyens très larges de "gonfler" son audience
même si, aujourd'hui, cela n'a plus grand sens. L'idéal
serait un mélange des deux et surtout une mesure en
visiteurs, en abonnés, en clients, en qualité d'audience
et en comportement.
Peut-on imaginer des liens sponsorisés
sur le site des Echos ?
Pas dans la partie rédactionnelle en tous cas !
Cela veut-il dire que vous critiquez
le choix de Libération et de La Tribune pour les liens
promotionnels ?
Chacun fait ce qu'il veut ou ce qu'il peut. Notre éthique
rédactionnelle n'est pas compatible avec ce type de
liens. Dans une zone "shopping" nous pourrions l'envisager,
mais, encore une fois, sans lien avec le contenu rédactionnel.
De combien a chuté l'audience
de votre site depuis que presque tous vos papiers sont
en accès payant ?
Elle a honteusement chuté de 10%... mais nos revenus
ont nettement progressé, et c'est finalement ce qui
nous intéresse le plus.
Croyez-vous aux couplages papier
+ web au niveau publicitaire ?
Nous le pratiquons déjà sur la publicité financière.
Sur la pub commerciale, c'est plus délicat : le risque
pour le web est de devenir le hochet offert avec la
publicité papier.
Bonjour. Pourquoi la pagination
du supplément les echos.net n'est plus que de
quatre pages et pourquoi les articles sont repris des
Echos, excepté l'article de présentation
?
Nous avons souhaité réintégrer les Echos.net dans Les
Echos pour en garantir la diffusion. Il conserve six
pages chaque lundi, voire huit. La rédaction est toujours
la même et tous les articles sont "originaux".
Votre jugement sur la mesure
d'audience me semble assez sévère. Sur quoi vous
fondez-vous, s'il vous plait ?
Sur mon expérience, déjà longue... Nous avons milité
pour l'existence de Cybermétrie ; nous vivons depuis
six ans avec des mesures qui ont parfois eu du mal à
concorder avec les nôtres. Ceci étant, ça
s'améliore...
Pourquoi ne pas créer sur Internet,
comme en presse, un couplage entre plusieurs quotidiens
en ligne ?
C'est inéluctable et, en lisant attentivement le Journal
du Net dans les prochains jours, vous pourriez avoir
une surprise... ;-)
C'est quoi la "face cachée
des Echos" ?
Le respect du lecteur, quel que soit le support qu'il
utilise.
Pourquoi dites-vous que Michel
Dabaji a "pris le risque de l'électronique" ?
Il nous a rejoint en 1998, après une brillante carrière
sur le papier. Ce n'était pas si évident que cela d'abandonner
la presse traditionnelle et son confort à cette époque-là.
Je l'en remercie. Je crois que c'est le jour où il nous
a rejoint que j'ai commencé à penser qu'on était en
train d'y arriver...
Plutôt Péan ou plutôt
Plenel (faut choisir son camp) ?
Je n'ai pas pour habitude de donner mon avis sur des
livres que je n'ai pas encore lus...
Comment recrutez-vous des abonnés
payants ? Par quels moyens ? Quel est votre budget
?
Par le site lui-même, mais aussi en utilisant notre
formidable base d'inscrits. Par la prospection auprès
de nos abonnés "papier" aussi, puisque l'abonnement
au site n'est pas inclus dans l'abonnement au quotidien.
Et puis, par le bouche à oreille... Ça ne représente
pas un gros budget et notre CRA (Coût de recrutement
par abonné) est très inférieur à celui des abonnés à
des médias plus traditionnels.
Boursorama est présent sur l'i-mode
et le Wap. Quels sont vos projets sur l'Internet mobile
?
Nous sommes présents sur l'i-mode, sur le wap, le PDA,
la télévision interactive, etc... Nous fournissons nos
flux d'infos à Orange depuis très longtemps sur tous
supports, ainsi qu'à d'autres acteurs de la mobilité.
Un chat avec Nicolas Beytout
sur le Web des Echos, ça serait envisageable?
Pourquoi pas ? Nous venons d'en faire un avec Renaud
Dutreil...
Comment voyez-vous les echos.fr
dans cinq ans ?
Lesechos.fr n'est qu'un élément de notre stratégie numérique,
quelque chose comme une vitrine. Nos contenus électroniques
doivent être accessibles sur n'importe quel support,
de n'importe où, n'importe quand. C'est pourquoi nous
avons fait le choix du XML dès 1998, avec une couche
de surindexation très riche. Cela nous permet de bien
gérer nos "exports". Le site fait partie de cette
stratégie et j'espère qu'il en sera encore un élément
important dans les cinq ans à venir.
Que vous rapporte votre présence
sur les supports mobiles alors ? Ça vaut le coup
?
Ça rapporte un service au lecteur et c'est primordial.
Accessoirement, c'est aussi assez rémunérateur, tant
en revenus directs qu'indirects (notamment en promotion
via les opérateurs).
A quoi sert le Geste ? Qu'avez-vous
fait de concret ?
C'est l'association représentative de l'essentiel des
éditeurs de services électroniques. Nos batailles portent
aussi bien sur le respect du droit d'auteur, la mise
en place d'une grille tarifaire pour l'exploitation
de nos contenus sur les intranets des entreprises, nous
négocions aprement avec les opérateurs (WHA, SMS+,...),
nous faisons évoluer les lois nous concernant, etc...
Essayez le site geste.fr, vous en saurez plus !
Dans le cadre du Geste, la musique
en ligne vous intéresse-t-elle ?
Bien sûr. Nous avons une commission musique qui se bat
sur le front de la licence légale notamment.
Vous êtes un homme d'innovation.
Qu'est-ce qui vous retient, vous excite, aujourd'hui,
aux Echos ?
L'aventure n'est pas terminée. Nous avons une structure
technique très élaborée, un contenu riche, une marque
formidable, des équipes d'enfer... Ça fait presque
sept ans que je suis fier d'y travailler et je n'ai
pas encore trouvé de nouvelle aventure aussi palpitante...
Quel est votre salaire ??
Mérité...
Quelles sont vos passions en
dehors du net ?
Ma famille, les Ferrari rouges, les Epicures n°2, Paris,
Corto Maltese, les bateaux, la Corse, les livres, l'Oban,
le rugby...
Vous avez été champion d'Europe
junior en athlétisme. Avez-vous encore le temps de faire
du sport ?
C'était pas junior, c'était cadet... et, côté sport,
il me reste le foot, le dimanche après-midi, entre les
colonnes de Buren avec mes enfants !
Vous lisez quoi en dehors des
Echos ? La Tribune ?
Euh non... je lis plein de livres, Libé, Le Monde, L'Obs,
The Economist, Le Chasse Marée, L'Amateur de Cigares
et la notice des meubles Ikéa...
Que pensez-vous du paiement
à la durée sur le Web ?
C'est un peu trop complexe pour les utilisateurs mais
c'est une voie intéressante pour des contenus à forte
actualisation du type Bourse, par exemple. Il y a quelques
belles expérimentations. Je pense, notamment, à celle
de Ouest-France avec ses archives ou TF1 avec ses jeux.
M. Jannet, que pensez-vous des
solutions de micro paiement qui fleurissent depuis quelque
temps ?
Nous travaillons au sein du Geste à une "sélection"
des solutions les plus prometteuses avec l'idée d'ensuite
les "labelliser". Elles ne fonctionneront
que dès lors que plusieurs "grands" éditeurs proposeront
les mêmes sur leurs sites. Aujourd'hui, c'est un peu
comme si vous alliez au kiosque avec des pièces vertes
pour Le Monde, bleues pour La Tribune et rouges pour
Le Figaro...
Avez-vous des idées pour limiter
le fait que les trois quart des investissements publicitaires
online se font sur des portails et FAI ?
Nous avons publié recemment un baromètre des sites médias
démontrant (je l'espère) que nos lecteurs valaient bien
ceux des FAI... Je pense que c'est en mettant en valeur
la qualité de nos audiences que nous pourrons ramener
les budgets publicitaires vers nos sites.
M. Jannet, quels sont les bons
arguments pour qu'un communiqué soit publié sous forme
d'article de presse ?
Le communiqué ne suffit pas. Il faut que l'information
en vaille la peine, et pour les lecteurs, et pour le
journaliste.
Quel est le premier critère
qui fait la valeur d'une information ?
Qu'elle soit lue...
L'avenir de l'édition, vous
le situez sur le téléphone ou sur le PC ?
Un peu sur les deux. Le téléphone pour une info rapide,
de proximité... Le PC pour une info plus longue, enrichie,
nécessitant une recherche... Reste la voie du PDA communiquant,
du Tablet PC et de son accès Wifi...
Croyez-vous au tablet PC et
préparez-vous un format spécifique pour y participer
?
Nous avons même eu l'immense honneur d'en être le premier
éditeur beta testeur sur le marché français. C'est un
super-outil, très excitant dans son approche (surtout
en version Liquid layout)...
Selon votre critère de l'information,
vous estimez que le Drudge report a une grande valeur
alors ?
Il a sans doute apporté satisfaction à ses lecteurs...
Le propre d'une information est de satisfaire l'appétit
de son lecteur, qu'elle soit professionnelle, personnelle
ou... scandaleuse.
Que vous a apporté l'aventure
de Mesfinances ? Quelles leçons en tirez-vous
?
Mesfinances est désormais intégré dans lesechos.fr et
est devenu rentable... A l'époque, cela faisait partie
de la stratégie de notre actionnaire, Pearson. Nous
avons souffert d'un mauvais timing sur la sortie du
site, il nous aurait fallu plus de temps mais, finalement,
le rapprochement avec le site lesechos.fr a été une
excellente décision.
LesEchos ont-ils une démarche
de migration vers les logiciels Open Source ? Et, si
oui, lesquels vous prévilégiez ?
Non. Notre hébergement est assuré par Atos Origin et
leur stratégie ne me semble pas être celle-ci.
Face au fil de news disponibles
sur Google, qui est le moteur de recherche le plus utilisé
en France, pensez-vous être complémentaire en
terme de contenu ou concurrentiel ?
Google pille, sans vergogne, les sites de contenus...
Ce pillage risque d'aboutir à un assèchement de l'information
gratuite. Notre approche, qualitative, hiérarchisant
l'information, la valorisant, nous rend plutôt indépendants
d'une compilation sans logique de l'info.
Avez-vous une réel concurrence
à part La Tribune ?
Nous ne nous considérons pas comme en concurrence avec
La Tribune. Notre concurrence s'opère sur chaque pan
du site. Avec les banques pour la Bourse, avec le Ministère
des Finances pour le calcul d'impôts, etc...
Philippe Jannet : Merci à tous pour cet exercice
passionnant. Je reviens quand on veut !!!
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