Créée en 1998 en France,
l'antenne nationale de la Business Software Alliance (BSA)
est une association à but non lucratif régie par la loi
1901 et regroupant des éditeurs comme Adobe, Apple,
Macromedia, Microsoft ou encore Symantec. Ses principales
missions : éduquer les entreprises et les particuliers
pour lutter contre le piratage logiciel, et mener des
actions de lobbying auprès des pouvoirs publics afin de
favoriser cette lutte. Bertrand Salord, son porte-parole,
a répondu pendant une heure aux questions des internautes.
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Invité
: Bertrand Salord, Porte-parole
BSA (Business Software Alliance) France (voir
sa fiche Carnet). |
Date
: Jeudi 3 juillet, 18h-19h |
Nombre de questions
retenues : 36 |
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Bertrand
Salord : Bonjour à tous !
Comment fonctionne la BSA?
Bertrand Salord : Tout d'abord BSA est la Business
Software Alliance, l'association des éditeurs de logiciels
professionnels. BSA a pour but principal d'informer
les utilisateurs sur le droit applicable au logiciel
et à lutter contre le piratage.
Quelle
est la vraie définition du piratage?
Il y a plusieurs
types de piratage et de contrefaçon des logiciels, 1/
la copie à l'identique (que l'on peut trouver sur les
marchés asiatiques ou d'Europe de l'Est), 2/ la copie
servile (gravage de CD ou download sur un site warez)
et 3/ l'abus de licence, c'est à dire l'installation
des logiciels sur un plus grand nombre de postes que
prévu par le contrat.
Quel est le profil des pirates?
Pays, organisation, etc.
Ca part des individus chez eux,
et ce se termine par des vrais réseaux de criminalité
organisée. BSA lutte principalement contre le piratage
des logiciels effectué par les entreprises.
Le piratage, ça représente
quoi en France ?
Selon la dernière étude, 43% des logiciels professionnels,
c'est-à-dire utilisés par LES ENTREPRISES, sont des
copies illicites en France. La moyenne en Europe est
de 35% et de 23% aux USA.
A combien estime-t-on le manque
à gagner dû au piratage de soft et quel est son impact
au niveau des politiques d'embauche dans le secteur
informatique?
Le manque
à gagner pour les éditeurs est d'environ de 600 millions
d'euros en France, et de 13 milliards de $ dans le monde.
Une récente étude indique que si le taux de piratage
baissait de manière RAISONNABLE (de 10 points en 4 ans),
le secteur informatique en France pourrait créer 45000
emplois.
Quels risques juridiques et
au niveau pénal (amendes, prison ?) Pour une société
?
La loi est
en train de changer actuellement. La nouvelle loi prévoit
3 ans de prison au lieu de 2 auparavant, 1.5 millions
d'euros d'amende, la fermeture éventuelle de la société
et la publication dans la presse, et cela sans parler
des dommages et intérêts.
Quels sont les réseaux de contrefaçon
les plus actifs ?
Dernièrement
en Italie, la Guardia di Finanza (police financière)
a démantelé un énorme réseau qui vendait des contrefaçons
sur internet. 181 personnes ont été inculpées et 10000
autres font l'objet d'une enquête.
Comment faites-vous pour calculer
ce chiffre de 45 000 emplois perdus ? Vous pensez que
les éditeurs embaucheraient plus si les gens pirataient
moins ? A mon sens,
ils feraient simplement un peu plus de profit...
Il ne s'agit pas de 45000 emplois chez
les éditeurs directement, mais dans tout le secteur
informatique. En fait ce sont les industries locales
plus que les éditeurs qui y gagneraient également en
termes de revenu. Cette étude a été réalisée par le
cabinet IDC dans 57 pays du monde et est consultable
sur www.bsa.org/idcstudy.
Vous y trouverez la méthodologie complète.
Des trois types de piratage
(Cf. plus haut), lequel vous semble le plus menaçant?
Le plus menaçant
aujourd'hui en France est le piratage effectué par les
entreprises. En effet elles tirent un bénéfice économique
de ce délit et commettent une "faute lucrative". Quand
on pense que le logiciel est le 1er outil de production
des entreprises dans le domaine des services, et que
le taux de piratage est proche de 50%, il y a de quoi
être très inquiet !
Le piratage n'est-il pas comme les cigarettes? Plus
c'est cher plus y'a de contrefaçon...
Nous ne tuons pas nos consommateurs...
:-) Le prix des logiciels n'est pas une vraie cause
du piratage. On s'aperçoit que les logiciels les moins
chers sont en effet les + piratés (par exemple les antivirus).
En Algérie il est pratiquement
impossible d'empêcher le piratage, au fait on ne travaille
qu'avec des CD gravés.
Comme tout
pays émergeant, le taux de piratage va baisser de manière
régulière au fur et à mesure de son développement.
Les logiciels les plus copiés?
Jeux, bureautique, autre?
BSA s'occupe
des logiciels professionnels, et nous n'avons pas d'étude
concernant les jeux vidéo. Les logiciels bureautiques
sont effectivement très piratés.
Vous dites faire la chasse
au piratage en entreprise, cela veut dire que le piratage
par les particuliers est accepté ?
Non, le piratage
chez les particuliers est également un délit puni de
300000 euros d'amende, mais BSA focalise son activité
sur les entreprises et sur les sites pirates sur Internet.
Quelles entreprises connues
se sont déjà fait pincer?
Je ne vais
pas faire plus de tord ce soir à ces entreprises.
Dans un monde ou la sécurité
est devenu une mode, ne pensez-vous pas que le milieu
informatique a trouvé là un nouveau souffle et donc
le moyen de vendre des mises à jour produit, des patchs
de sécurité, des firewallw, des antivirus...
La sécurité est un vrai enjeu pour les entreprises.
Aussi bien que la sécurité physique (on protège bien
les locaux), il faut protéger les informations de l'entreprise.
Les conséquences d'un piratage peuvent ruiner une entreprise.
Quelle est la différence entre
la BSA et l'IDSA ? BSA=professionnel, IDSA=jeux vidéos
En France,
l'association qui gère les jeux vidéos est le SELL.
Je ne connais pas IDSA.
Que pensez-vous de la Shadow
IT, ce phénomène de piratage en entreprise qui échappe
à la direction informatique, puisqu'elle est le fait
d'employés peu scrupuleux qui installent des logiciels
crackés sur leurs postes. La responsabilité corporate
est-elle en jeu ?
Tout à fait,
il est toujours de la responsabilité de l'entreprise,
et de ses dirigeants de savoir ce qui se passe à l'intérieur.
C'est pour cela que BSA France a des communications
régulières auprès des dirigeants d'entreprises pour
les insister à veiller et à auditer leur parc informatique.
Le zéro piratage est illusoire,
quel est le taux acceptable que se fixe la BSA ?
Dans un premier
temps, si la France pouvait rentrer dans la moyenne
européenne (35%) au lieu des 43% actuels, ce serait
un premier pas, et ensuite notre objectif est de s'aligner
sur les meilleurs, USA avec 23% et Angleterre avec 26%.
Concernant la politique tarifaire,
ne pensez-vous pas que la position monopolistique de
Microsoft (par exemple) lui permet de vendre (et d'abuser)
au prix qu'il veut ses logiciels et MAJ, sans se soucier
de la compatibilité avec d'autres applications?
C'est la question du juste prix, qu'est-ce
qu'un juste prix ? Les achats en volume avec les éditeurs
permettent aux entreprises d'avoir d'énormes réductions
et de négocier les prix.
Si le piratage est si terrible
pour les éditeurs, pourquoi continuent-ils (pour certains)
de distribuer des versions de test complètes, crackables
ultrafacilement ?
Le problème
des versions bridées est qu'elles n'ont pas toujours
beaucoup d'intérêt pour la découverte d'un produit.
Ensuite, les éditeurs ont besoin de promouvoir leurs
nouveaux produits, et la distribution de version d'évaluation
est un moyen, comme la parfumerie donne des échantillons.
Le " crackage " de nos versions d'évaluation ne fait
pas parti de nos plans marketing.
De quels moyens de rétorsion
disposez-vous pour lutter contre le piratage dans les
entreprises ? Et chez les particuliers ?
La procédure
de contrôle utilisée pour les entreprises est la saisie
contrefaçon, sur ordonnance du Président du tribunal
de Grande Instance, un huissier et un expert informatique
sont désignés et ils effectuent l'inventaire des logiciels.
Pour les particuliers, c'est plus souvent la police
et la gendarmerie qui s'en chargent.
La fin du piratage, ce sera
l'avènement des terminaux clients légers partout et
des applications hébergées à distance accessibles en
Web Services, non ?
Eventuellement,
mais d'autres problèmes seront posés également (besoin
de connectivité...).
Quelle est la plus grosse amende
jamais infligée en France?
150000 euros.
Quelle position adoptez-vous
par rapport à la brevetabilité des logiciels ?
On parle souvent de brevetabilité des logiciels, mais
il s'agit uniquement de breveter les logiciels qui font
partie eux-mêmes d'un processus souvent industriel.
Il ne s'agit pas de breveter les applications courantes
(OS, bureautique ou retouche d'image par exemple).
Etes-vous à l'origine (ou du
moins influent) du projet de directive européenne sur
les brevets logiciels ?
Non, BSA,
contrairement à ce que vous avez pu lire n'est pas à
l'origine de la directive. BSA, comme d'autres associations
professionnelles, a été auditionnée par les autorités
concernées.
Comment vous-situez-vous par
rapport aux logiciels libres (openoffice, the gimp,
gaim...) ?
Le logiciel
libre est une alternative que nous respectons totalement.
Que pensez-vous de ce que font
les majors du disque contre le P2P?
Ils essaient de lutter contre un phénomène véritablement
hallucinant. Quand on voit tous les mp3 downloadés sur
Internet !
Les 150000 euros, c'était
qui? Allez, un peu de transparence!!!
Ce n'est pas
une question de transparence, mais un droit à communiquer.
Je pirate moi même une partie
des logiciels que j'utilise, notamment pour les tester.
J'envoi aux sharewares quand je les utilise intensément,
mais je trouverais aussi abusif de payer une licence
Office pour ouvrir un fichier Word une fois tous les
mois... Quelle solution la BSA pourrait-elle apporter
?
Je crois que
simplement pour ouvrir un fichier Word, il y a un viewer
gratuit. Sinon, d'autres alternatives d'échanges de
fichiers existent (pdf).
Le piratage a -t-il déjà fait
couler des boîtes ?
Oui, malheureusement.
Proposez-vous des outils de
gestion logicielle au sein des entreprises ?
Oui, en France nous proposons Checkup, développé par
staff & line et téléchargeable sur www.bsa.org/France.
J'ai Photoshop sur mon poste
de travail au bureau (PC Win XP), et d'après le contrat
de licence, j'ai le droit de l'installer sur mon portable
personnel (Mac PowerBook G4) pour travailler à la maison.
Comment dois-je m'y prendre ?
C'est le responsable
anti piratage d'Adobe qui parle :). Non, vous auriez
pu l'installer sur un PC portable vu que votre licence
est PC. Pour installer sur un mac, il faut une autre
licence.
A votre domicile, utilisez-vous
des logiciels Opensource, des versions piratées, ou
Adobe paye-t-il suffisamment pour que vous puissiez
vous offrir vos licences Windows, antivirus, Office,
Adobe... Pour ma part je suis étudiant avec un salaire
de 2500 F par mois (net!)... alors je me restreint à
l'Open Source (parfois). Je n'ai pas trop le choix avec
des licences à 80 euros minimum en moyenne ! Les éditeurs
vont-ils franchir un pas favorable aux particuliers
après avoir éradiqué le piratage en entreprise ?
A la maison,
je n'ai que des originaux. Pour les étudiants, les éditeurs
proposent des prix tout à fait réduits.
Quelles actions en justice
menez-vous actuellement?
Je suis désolé
de ne pouvoir encore être précis, mais elles sont couvertes
par le secret de l'instruction. Sachez tout de même
que des contrôles ont lieu tous les jours dans les entreprises,
et que les entreprises contrefactrices sont systématiquement
poursuivies.
Que pensez-vous de la législation
actuelle sur le piratage et sur le manque d'harmonisation
au niveau européen et mondial?
La législation
est bonne en France. Le piratage devient même une préoccupation
de l'actuel gouvernement avec le CNAC (Comité National
Anti Contrefaçon) et le CSPLA (Comité Supérieur de la
Propriété Littéraire et Artistique) qui travaillent
activement et efficacement sur ces problématiques.
Vous travaillez avec la police
et si oui, avec quels services?
Ils nous arrivent
de travailler en effet avec la police pour les trafics
que l'on peut détecter sur Internet.
Le piratage existera toujours,
impossible de s'en débarrasser ?
On peut lutter
contre. Pour la première fois cette année en France
depuis trois ans, le piratage a légèrement baissé. Une
bonne prise de conscience des entreprises, sur la valeur
qu'apportent les logiciels à leur activité et à leur
production est essentielle. Les entreprises ne volent
pas les voitures pour les donner aux VRP, alors pourquoi
le feraient-elles pour les logiciels ? Les logiciels
ne représentent que de 3 à 10% du budget informatique,
donc pirater les logiciels c'est faire une économie
de bout de chandelle.
Bertrand Salord : Merci à tous de vos questions
et bonne soirée
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