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"Pirater les logiciels, c'est faire une économie de bout de chandelle"
Jeudi 3 juillet 2003
 
          
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Créée en 1998 en France, l'antenne nationale de la Business Software Alliance (BSA) est une association à but non lucratif régie par la loi 1901 et regroupant des éditeurs comme Adobe, Apple, Macromedia, Microsoft ou encore Symantec. Ses principales missions : éduquer les entreprises et les particuliers pour lutter contre le piratage logiciel, et mener des actions de lobbying auprès des pouvoirs publics afin de favoriser cette lutte. Bertrand Salord, son porte-parole, a répondu pendant une heure aux questions des internautes.

Invité : Bertrand Salord, Porte-parole BSA (Business Software Alliance) France (voir sa fiche Carnet).
Date : Jeudi 3 juillet, 18h-19h
Nombre de questions retenues : 36

Bertrand Salord : Bonjour à tous !

Comment fonctionne la BSA?
Bertrand Salord : Tout d'abord BSA est la Business Software Alliance, l'association des éditeurs de logiciels professionnels. BSA a pour but principal d'informer les utilisateurs sur le droit applicable au logiciel et à lutter contre le piratage.

Quelle est la vraie définition du piratage?
Il y a plusieurs types de piratage et de contrefaçon des logiciels, 1/ la copie à l'identique (que l'on peut trouver sur les marchés asiatiques ou d'Europe de l'Est), 2/ la copie servile (gravage de CD ou download sur un site warez) et 3/ l'abus de licence, c'est à dire l'installation des logiciels sur un plus grand nombre de postes que prévu par le contrat.

Quel est le profil des pirates? Pays, organisation, etc.
Ca part des individus chez eux, et ce se termine par des vrais réseaux de criminalité organisée. BSA lutte principalement contre le piratage des logiciels effectué par les entreprises.

Le piratage, ça représente quoi en France ?
Selon la dernière étude, 43% des logiciels professionnels, c'est-à-dire utilisés par LES ENTREPRISES, sont des copies illicites en France. La moyenne en Europe est de 35% et de 23% aux USA.

A combien estime-t-on le manque à gagner dû au piratage de soft et quel est son impact au niveau des politiques d'embauche dans le secteur informatique?
Le manque à gagner pour les éditeurs est d'environ de 600 millions d'euros en France, et de 13 milliards de $ dans le monde. Une récente étude indique que si le taux de piratage baissait de manière RAISONNABLE (de 10 points en 4 ans), le secteur informatique en France pourrait créer 45000 emplois.

Quels risques juridiques et au niveau pénal (amendes, prison ?) Pour une société ?
La loi est en train de changer actuellement. La nouvelle loi prévoit 3 ans de prison au lieu de 2 auparavant, 1.5 millions d'euros d'amende, la fermeture éventuelle de la société et la publication dans la presse, et cela sans parler des dommages et intérêts.

Quels sont les réseaux de contrefaçon les plus actifs ?
Dernièrement en Italie, la Guardia di Finanza (police financière) a démantelé un énorme réseau qui vendait des contrefaçons sur internet. 181 personnes ont été inculpées et 10000 autres font l'objet d'une enquête.

Comment faites-vous pour calculer ce chiffre de 45 000 emplois perdus ? Vous pensez que les éditeurs embaucheraient plus si les gens pirataient moins ? A mon sens, ils feraient simplement un peu plus de profit...
Il ne s'agit pas de 45000 emplois chez les éditeurs directement, mais dans tout le secteur informatique. En fait ce sont les industries locales plus que les éditeurs qui y gagneraient également en termes de revenu. Cette étude a été réalisée par le cabinet IDC dans 57 pays du monde et est consultable sur www.bsa.org/idcstudy. Vous y trouverez la méthodologie complète.

Des trois types de piratage (Cf. plus haut), lequel vous semble le plus menaçant?
Le plus menaçant aujourd'hui en France est le piratage effectué par les entreprises. En effet elles tirent un bénéfice économique de ce délit et commettent une "faute lucrative". Quand on pense que le logiciel est le 1er outil de production des entreprises dans le domaine des services, et que le taux de piratage est proche de 50%, il y a de quoi être très inquiet !

Le piratage n'est-il pas comme les cigarettes? Plus c'est cher plus y'a de contrefaçon...
Nous ne tuons pas nos consommateurs... :-) Le prix des logiciels n'est pas une vraie cause du piratage. On s'aperçoit que les logiciels les moins chers sont en effet les + piratés (par exemple les antivirus).

En Algérie il est pratiquement impossible d'empêcher le piratage, au fait on ne travaille qu'avec des CD gravés.
Comme tout pays émergeant, le taux de piratage va baisser de manière régulière au fur et à mesure de son développement.

Les logiciels les plus copiés? Jeux, bureautique, autre?
BSA s'occupe des logiciels professionnels, et nous n'avons pas d'étude concernant les jeux vidéo. Les logiciels bureautiques sont effectivement très piratés.

Vous dites faire la chasse au piratage en entreprise, cela veut dire que le piratage par les particuliers est accepté ?
Non, le piratage chez les particuliers est également un délit puni de 300000 euros d'amende, mais BSA focalise son activité sur les entreprises et sur les sites pirates sur Internet.

Quelles entreprises connues se sont déjà fait pincer?
Je ne vais pas faire plus de tord ce soir à ces entreprises.

Dans un monde ou la sécurité est devenu une mode, ne pensez-vous pas que le milieu informatique a trouvé là un nouveau souffle et donc le moyen de vendre des mises à jour produit, des patchs de sécurité, des firewallw, des antivirus...
La sécurité est un vrai enjeu pour les entreprises. Aussi bien que la sécurité physique (on protège bien les locaux), il faut protéger les informations de l'entreprise. Les conséquences d'un piratage peuvent ruiner une entreprise.

Quelle est la différence entre la BSA et l'IDSA ? BSA=professionnel, IDSA=jeux vidéos
En France, l'association qui gère les jeux vidéos est le SELL. Je ne connais pas IDSA.

Que pensez-vous de la Shadow IT, ce phénomène de piratage en entreprise qui échappe à la direction informatique, puisqu'elle est le fait d'employés peu scrupuleux qui installent des logiciels crackés sur leurs postes. La responsabilité corporate est-elle en jeu ?
Tout à fait, il est toujours de la responsabilité de l'entreprise, et de ses dirigeants de savoir ce qui se passe à l'intérieur. C'est pour cela que BSA France a des communications régulières auprès des dirigeants d'entreprises pour les insister à veiller et à auditer leur parc informatique.

Le zéro piratage est illusoire, quel est le taux acceptable que se fixe la BSA ?
Dans un premier temps, si la France pouvait rentrer dans la moyenne européenne (35%) au lieu des 43% actuels, ce serait un premier pas, et ensuite notre objectif est de s'aligner sur les meilleurs, USA avec 23% et Angleterre avec 26%.

Concernant la politique tarifaire, ne pensez-vous pas que la position monopolistique de Microsoft (par exemple) lui permet de vendre (et d'abuser) au prix qu'il veut ses logiciels et MAJ, sans se soucier de la compatibilité avec d'autres applications?
C'est la question du juste prix, qu'est-ce qu'un juste prix ? Les achats en volume avec les éditeurs permettent aux entreprises d'avoir d'énormes réductions et de négocier les prix.

Si le piratage est si terrible pour les éditeurs, pourquoi continuent-ils (pour certains) de distribuer des versions de test complètes, crackables ultrafacilement ?
Le problème des versions bridées est qu'elles n'ont pas toujours beaucoup d'intérêt pour la découverte d'un produit. Ensuite, les éditeurs ont besoin de promouvoir leurs nouveaux produits, et la distribution de version d'évaluation est un moyen, comme la parfumerie donne des échantillons. Le " crackage " de nos versions d'évaluation ne fait pas parti de nos plans marketing.

De quels moyens de rétorsion disposez-vous pour lutter contre le piratage dans les entreprises ? Et chez les particuliers ?
La procédure de contrôle utilisée pour les entreprises est la saisie contrefaçon, sur ordonnance du Président du tribunal de Grande Instance, un huissier et un expert informatique sont désignés et ils effectuent l'inventaire des logiciels. Pour les particuliers, c'est plus souvent la police et la gendarmerie qui s'en chargent.

La fin du piratage, ce sera l'avènement des terminaux clients légers partout et des applications hébergées à distance accessibles en Web Services, non ?
Eventuellement, mais d'autres problèmes seront posés également (besoin de connectivité...).

Quelle est la plus grosse amende jamais infligée en France?
150000 euros.

Quelle position adoptez-vous par rapport à la brevetabilité des logiciels ?
On parle souvent de brevetabilité des logiciels, mais il s'agit uniquement de breveter les logiciels qui font partie eux-mêmes d'un processus souvent industriel. Il ne s'agit pas de breveter les applications courantes (OS, bureautique ou retouche d'image par exemple).

Etes-vous à l'origine (ou du moins influent) du projet de directive européenne sur les brevets logiciels ?
Non, BSA, contrairement à ce que vous avez pu lire n'est pas à l'origine de la directive. BSA, comme d'autres associations professionnelles, a été auditionnée par les autorités concernées.

Comment vous-situez-vous par rapport aux logiciels libres (openoffice, the gimp, gaim...) ?
Le logiciel libre est une alternative que nous respectons totalement.

Que pensez-vous de ce que font les majors du disque contre le P2P?
Ils essaient de lutter contre un phénomène véritablement hallucinant. Quand on voit tous les mp3 downloadés sur Internet !

Les 150000 euros, c'était qui? Allez, un peu de transparence!!!
Ce n'est pas une question de transparence, mais un droit à communiquer.

Je pirate moi même une partie des logiciels que j'utilise, notamment pour les tester. J'envoi aux sharewares quand je les utilise intensément, mais je trouverais aussi abusif de payer une licence Office pour ouvrir un fichier Word une fois tous les mois... Quelle solution la BSA pourrait-elle apporter ?
Je crois que simplement pour ouvrir un fichier Word, il y a un viewer gratuit. Sinon, d'autres alternatives d'échanges de fichiers existent (pdf).

Le piratage a -t-il déjà fait couler des boîtes ?
Oui, malheureusement.

Proposez-vous des outils de gestion logicielle au sein des entreprises ?
Oui, en France nous proposons Checkup, développé par staff & line et téléchargeable sur www.bsa.org/France.

J'ai Photoshop sur mon poste de travail au bureau (PC Win XP), et d'après le contrat de licence, j'ai le droit de l'installer sur mon portable personnel (Mac PowerBook G4) pour travailler à la maison. Comment dois-je m'y prendre ?
C'est le responsable anti piratage d'Adobe qui parle :). Non, vous auriez pu l'installer sur un PC portable vu que votre licence est PC. Pour installer sur un mac, il faut une autre licence.

A votre domicile, utilisez-vous des logiciels Opensource, des versions piratées, ou Adobe paye-t-il suffisamment pour que vous puissiez vous offrir vos licences Windows, antivirus, Office, Adobe... Pour ma part je suis étudiant avec un salaire de 2500 F par mois (net!)... alors je me restreint à l'Open Source (parfois). Je n'ai pas trop le choix avec des licences à 80 euros minimum en moyenne ! Les éditeurs vont-ils franchir un pas favorable aux particuliers après avoir éradiqué le piratage en entreprise ?
A la maison, je n'ai que des originaux. Pour les étudiants, les éditeurs proposent des prix tout à fait réduits.

Quelles actions en justice menez-vous actuellement?
Je suis désolé de ne pouvoir encore être précis, mais elles sont couvertes par le secret de l'instruction. Sachez tout de même que des contrôles ont lieu tous les jours dans les entreprises, et que les entreprises contrefactrices sont systématiquement poursuivies.

Que pensez-vous de la législation actuelle sur le piratage et sur le manque d'harmonisation au niveau européen et mondial?
La législation est bonne en France. Le piratage devient même une préoccupation de l'actuel gouvernement avec le CNAC (Comité National Anti Contrefaçon) et le CSPLA (Comité Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique) qui travaillent activement et efficacement sur ces problématiques.

Vous travaillez avec la police et si oui, avec quels services?
Ils nous arrivent de travailler en effet avec la police pour les trafics que l'on peut détecter sur Internet.

Le piratage existera toujours, impossible de s'en débarrasser ?
On peut lutter contre. Pour la première fois cette année en France depuis trois ans, le piratage a légèrement baissé. Une bonne prise de conscience des entreprises, sur la valeur qu'apportent les logiciels à leur activité et à leur production est essentielle. Les entreprises ne volent pas les voitures pour les donner aux VRP, alors pourquoi le feraient-elles pour les logiciels ? Les logiciels ne représentent que de 3 à 10% du budget informatique, donc pirater les logiciels c'est faire une économie de bout de chandelle.

Bertrand Salord : Merci à tous de vos questions et bonne soirée

 
Propos recueillis par [Rédaction, JDNet]


 
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