Que
fait exactement un leveur de fonds ?
Eric Félix-Faure : En résumé nous
sommes aux capitaux ce qu'un chasseur de tête est
au recrutement.
Quels
sont les secteurs les plus à même de recueillir
la confiance des investisseurs aujourd'hui, et pourquoi ?
Aujourd'hui les investisseurs se concentrent fortement
sur les secteurs du logiciels et de la biotechnologie.
Cependant d'autres secteurs reviennent en odeur
de sainteté auprès du monde du financement comme
l'Internet. Pour info, le logiciel et la biotechnologie
ont représenté plus de 2/3 des investissements du
premier semestre 2003.
Vous pouvez être un peu
plus précis sur la définition de votre métier ?
Pour être plus précis notre métier se décompose
en quatre phases : 1. nous structurons au côté
de l'entrepreneur les fondations de son activité
afin de la rendre la plus lisible possible par le
monde de l'investissement. Parfois nous allons même
jusqu'à en corriger quelques éléments. 2.
Nous sélectionnons les meilleurs investisseurs pour
un projet donné en fonction de son secteur et de
son stade de développement en nous fondant
sur notre connaissance d'insider du secteur. 3.
Nous assistons les entrepreneurs dans le process
de conviction des investisseurs en accélérant le
processus au maximum jusqu'à l'identification
d'un lead investor. 4. Nous organisons pour l'entreprise
les interventions des conseils lors du closing de
l'opération apportant notre connaissance des standards
du marché pour faciliter et accélérer la conclusion
de l'opération. En un mot, nous sommes là de la
définition du projet à financer jusqu'au moment
ou vous recevez le chèque !
En mettant du "nano" quelque
part, la levée est plus facile ?
Le sujet a été très chaud il y a un an mais
les projets sérieux étaient rares... Mettre un mot
"buzz" pour faciliter une levée ne marche pas trop.
Quels sont les indicateurs
qui vous semblent les plus significatifs, aux US
notamment ?
Aujourd'hui nous avons le sentiment que le marché
est en train de rejoindre une courbe ascendante.
Près de trente IPO soutenues par des VC sont
déjà prévues pour 2004 aux Etats-Unis. Pour la première
fois depuis près de 24 mois, IBM embauche de nouveau
!
Par courbe ascendante vous
voulez dire que la bubulle est là ?
Non : je pense que le marché s'appuie désormais
sur des fondamentaux plus sains.
Les mots buzz ont pourtant
cartonné à une époque. pourquoi cela ne fonctionne-t-il
plus ?
Je pense que beaucoup de personne de l'univers s'y
sont brûlés les ailes. N'êtes vous pas d'accord
?
Combien avez-vous perdu
sur vos investissements réalisés pendant la bulle
Internet ?
Je ne suis pas investisseur.
En 1999, votre réponse
sur les "fondamentaux sains" était déjà
la même. Pourquoi est-elle vraie maintenant ?
En 1999, un entraînement à la course à la conquête
de part de marché parfois au détriment de la rentabilité
était souvent de mise. Aujourd'hui la rentabilité
est un facteur prépondérant.
Alors combien a perdu votre
société ??
Nous ne sommes pas investisseurs non plus. Nous
sommes intermédiaires.
Ne pensez-vous pas que
le haut débit à stimulé le marché de l'Internet
et a donc redonné confiance aux investisseurs ?
Je pense qu'au-delà du haut débit, c'est l'illimité
qui stimule l'adoption de l'Internet. Mais il est
vrai que le haut débit permet aujourd'hui de nouveaux
usages principalement dans l'entertaiment (jeux...)
ou sur des sujets comme la vidéo.
Croyez-vous qu'on reverra
un jour une telle folie d'investissement dans le
capital-risque ?
Il ne faut jamais dire jamais, c'est déjà arrivé
avec les voies ferrées.
Qu'est ce qu'un bon investisseur ?
Une personne qui sait accompagner la société par
mauvais temps...
Les dossiers bouclés par
Chausson Finance depuis le début de l'année, c'est
quel genre ?
Nous avons conclu huit dossiers depuis le début
de l'année et nous sommes en closing sur trois.
Je dirais du software (Kaidara, Soamai, W4, TErmposoft,
DO Labs), de la bio (Biomethod, Endotis, Kika)...
et à tous les stades de développement seed (DO Labs)
ou developpement (Temposoft).
Comment se rémunère un
leveur (et combien) ?
Nous nous rémunérons principalement sur la base
des fonds levés. Le pourcentage dépend du montant
des fonds que vous recherchez.
Et y'a t-il des frais fixes
à avancer ?
Oui, notre rémunération comprends des frais à la
signature de la lettre de mission.
Qu'est-ce qu'un accompagnement
par mauvais temps ? Uniquement re-financer
jusqu'au beau temps ou apporter autre chose ?
Non re-financer n'est en aucun cas un but en soit.
Parfois des entreprises (souvent !) traversent
des phases où il est nécessaire qu'elles
se redéfinissent. Ceci engendre parfois des remous
et des difficultés. Un bon investisseur est quelqu'un
qui sait accompagner jusqu'au bout les choix auxquels
il a participé.
Et quelle est la fourchette
de ces frais ?
Extrêmement large, tout dépend du projet et du volume
de travail amont... Appelez-moi si vous avez un
projet.
Combien de temps faut-il
en moyenne pour faire un deal (depuis la lettre
de mission jusqu'au versement de l'argent sur le
compte) ?
Entre quatre et neuf mois, parfois plus.
Acceptez-vous les business
models envoyés par mail ou est-ce que cette
période est passée ?
Bien sûr que nous les acceptons.
Combien de projets recevez-vous
par semaine ? Et combien il y a 3 ans ?
Disons que le volume de proposition a du être divisé
par un facteur 5. Mais le niveau d'aboutissement
et de qualité des projets que nous recevons sont
aujourd'hui largement supérieurs.
Par rapport au nombre de projets que vous traitez
(donc que vous estimez intéressants), quel est le
pourcentage de projet ayant abouti à une levée ?
Nous sélectionnons extrêmement nos dossiers (environ
1 sur 10) ce qui nous permet de conserver un taux
de succès de l'ordre de 4/ 5.
Le B2C est-il de nouveau
à la mode chez les investisseurs ?
Je suis heureux que vous posiez la question. Il
est vrai que le BtoC est en train de redevenir un
sujet intéressant. Nous traitons actuellement 2
dossiers dans ce secteur et sommes très intéressés
par de nouveaux projets dans ce secteur.
Les investisseurs sont-ils
plus gourmands en part et exigent-ils plus d'investissements
personnels qu'avant ?
Laissez-moi votre adresse mail, car il me semble
que vous avez un sujet précis qui demande un traitement
plus en profondeur... Je me trompe ?
Les projets Internet (genre
vente de musique en ligne), ça pourrait intéresser
vos investisseurs ?
Pourquoi pas, l'un des sujets sur lequel nous travaillons
est la vente de jeux sous forme de download, donc
assez proche.
Et pourquoi le B2C "redevient"
un sujet intéressant ? Quels sont les facteurs
qui vous conduisent à une telle affirmation ?
Premièrement, il existe maintenant des vraies success
stories (Rueducommerce devrait atteindre 100 millions
euros de CA cette année). Deuxièmement la pénétration
et les usages de l'Internet se sont étendus.
Quelles sont vos plus belles
opérations (et vos plus désastreuses...) ?
Répondez franchement !
J'ai cru à toutes mes opérations. Je suis particulièrement
fier d'une société comme Artech et je regrette la
chute d'un Canalweb...
Estimez-vous que l'on va
prochainement assister à une nouvelle vague d'IPO
dans le secteur de l'Internet ?
Oui, mais pas avant fin 2004 en Europe. Sinon, aux
Etats-Unis, il y a une grosse IPO déjà prévue.
Si un projet capote, quelles
sont les réelles conséquences pour vous ?
Nous sommes au côté de l'entrepreneur, donc
tout échec est une déception pour nous. Mais nous
sommes prestataires.
Quelle formation faut-il
avoir pour intégrer Chausson Finance ?
Du pragmatisme, du comitment et une bonne dose de
volonté d'entreprendre.
Vous pensez-quoi de l'avant-projet
de loi Perben sur la modification du droit des faillites ?
La formule proposée arrange-t-elle les VC's ?
A ce stade je n'ai pas eu le temps de me plonger
dans le projet...
C'est quoi le One Minute
Test dont vous parlez sur votre site ?
Le "one minute test" c'est la capacité de formaliser
en moins d'une minute tous les éléments différenciants
de votre entreprise. Tant ceux qui font revers,
que ceux qui rassurent.
Combien de personnes travaillent
pour Chausson Finance, quel profil ont-ils ?
Recrutez-vous ?
Nous sommes aujourd'hui une dizaine d'horizons et
de profils différents et complémentaires, c'est
une des grandes forces de Chausson Finance. Les
recrutements chez nous sont avant tout des des rencontres...
Rien de plus précis sur
la formation à faire pour travailler chez vous ?
Je rêve de prendre votre place...
Disons que peut m'importe l'école dont vous sortez,
ce qui m'intéresse c'est votre mode de pensée, votre
expérience et vos valeurs
Conseillez-vous aux jeunes
de se lancer ou privilégiez-vous l'expérience ?
Vaste débat... Je pense que l'expérience est aujourd'hui
un facteur clé de réussite dans un univers changeant.
Cependant, le dynamisme est aussi une véritable
force... Peut-être faut il les associer.
Que doit-on faire quand
on a un projet à vous soumettre, pouvons-nous envoyer
un business plan pas totalement finalisé ?
Bien sûr, nous y sommes largement habitués.
Si je vous propose un projet
de site avec pour business model les revenus publicitaires
exclusivement, vous le jetez de suite à la poubelle ?
Ca semble un peu difficile et trop généraliste comme
cela, mais il faut toujours jeter un oeil, vous
avez sûrement une approche différenciante pour vous
risquez dans une telle aventure.
Nous avons créer une "start
up" il y a trois ans sans aucun concours bancaire.
A-t-on une chance de lever des fonds une fois passé
le cap des trois ans ?
Bien sûr : le fait de s'être lancé sur
fonds propres et donc d'avoir autofinancer son entreprise
est aujourd'hui un facteur de réassurance fort pour
la sphère de l'investissement.
Pourtant,
même après trois ans, nous n'avons aucun concours
de trésorerie. Comment expliquez vous çà ?
Même avec fois trois sur le CA !!
Les banques comprennent aujourd'hui mal la création
d'entreprise en France. Cependant quelques établissements
en font une spécialité en fonction des secteurs
d'activité. Vous devriez définitivement faire appel
au capital pour soulager votre trésorerie.
Quel âge, quelle expérience
professionnelle, quel profil, quelle formation ont
en moyenne les entrepreneurs vous présentant des
projets ?
Ce sont souvent des associations, donc un bon mélange
d'expériences. J'avoue ne jamais m'être penché
sur le côté statistique de l'histoire.
Le capital-risque, c'est
majoritairement un métier d'homme non ? (je
ne peux pas espérer me recycler là-dedans...)
C'est vrai, mais il y a de plus en plus de femmes
qui font leur apparition dans cet univers très très
majoritairement masculin. Je suis par exemple en
train de conclure une opération avec une Directrice
de participation.
Vous vous occupez
surtout de premier, second ou troisième tour ou
d'amorçage ?
Nous couvrons toutes les étapes de la vie financière
de l'entreprise, de l'amorçage au marché, tant qu'il
s'agit de capitaux privés.
Peut-on avoir le nom de
ces banques spécialistes dans le financement de
sociétés du Web ?
Passez moi un mail, j'ai besoin d'en savoir un peu
plus sur votre stade de développement et votre métier
pour pouvoir vous aiguiller et le cas échéant vous
présenter le bon interlocuteur.
Est-ce que le fait d'avoir
peu de fonds propres est un handicap pour la recherche
d'investisseurs ?
Non.
Acceptez-vous de travailler avec vos concurrents
?
S'il s'agit d'exclusivité dans la levée de fonds,
nous sommes toujours exclusifs
Qu'est-ce qui vous ferez
partir de la société Chausson Finance ?
L'envie.
Combien vous gagnez ? (en
net)
Je suis rémunéré entièrement au variable, donc ça
dépend.
L'envie de quoi ?
De faire autre chose, d'une nouvelle aventure...
Mais aujourd'hui j'aime ce métier qui associe une
formidable richesse humaine de rencontre, le plaisir
de la négociation et du deal et la défense d'une
valeur auquel je crois fortement, entreprendre.
Le fait qu'une société en recherche d'investissement
soit très endettée est-il rédhibitoire pour vous
?
Tout dépend de la négociabilité de la dette. C'est
toujours difficile de faire des généralités.
Combien avez-vous gagné
en 2002 (l'annuel vous devez le savoir ça...) ?
xxx.xxx .
Quels sont selon vous les
meilleurs FCPI de la place ?
Tout dépend du secteur d'activité, voire même du
type de management. Il n'y a pas de "meilleur'"
mais plutôt un "meilleur dans un cas précis". Par
contre, pour les plus actifs, je vous invite à télécharger
l'indicateur Chausson Finance sur notre site.
Pour transmettre un dossier
à Eric Felix Faure, comment dois-je faire ?
Pas compliqué : envoyez un e-mail à
eff@chaussonfinance.com. L'adresse est d'ailleurs
dans l'annuaire du journaldunet.
Vos investisseurs résonnent-ils
globalement tous de la même façon face à
un projet ? Sont-ils sensibles à des domaines plus
qu'à d'autres ? Choisissez-vous
les investisseurs en fonction du projet ?
C'est exactement cela notre métier :
nous sélectionnons pour chaque dossier les investisseurs
les plus à même d'être intéressés et donc de comprendre
rapidement et efficacement un projet de financement.
Quel est le meilleur site
d'information financière selon vous ?
Pour quel partie ? La finance est un vaste
sujet...
Le bizplan vaut plus que
l'innovation et son côté porteur ?
Le côté rassurant de la modélisation
financière est au moins aussi important que le rêve
généré par l'innovation et le marché en explosion.
Les levées records, à plus
de 15 millions d'euros, sont-elles encore possibles ?
Bien sûr, si le plan est solide.
Vous n'êtes ni créateur
d'entreprise ni investisseur : lequel de ces
deux métiers vous brancherait le plus ?
Créateur d'entreprise sans réfléchir.
Y'a-t-il des spécificités
françaises dans la rédaction des business plans
(au niveau de la forme) ?
Nous sommes adeptes des business plans courts, percutants
mais exhaustifs, quelque chose qui tiens dans 10/12
pages maximum.
Que pensez-vous de businessangels.com
?
Dans quel cadre ?
Pensez-vous que les entreprises
françaises doivent nécessairement aller chercher
des investissements à l'étranger pour se développer ?
Le marché français est aujourd'hui assez fortement
chargé en terme de capitaux (en partie grâce aux
FCPI) mais l'intervention d'investisseurs étrangers
dans le cadre d'un développement international est
définitivement un plus.
Le
time to market est il encore aussi vrai qu'il y
a trois ans ? Ne vaut-il pas mieux garder
son capital, quitte à mettre un peu plus de temps
à grandir ?
Le pragmatisme est de mise. La rentabilité doit
en permanence être un souci des entrepreneurs, même
s'il s'agit parfois de ralentir la croissance pour
consolider les acquis.
Pensez-vous que l'ère du gratuit sur Internet est
vraiment terminé ?
Il est difficile de demander a un investisseur de
financer la gratuité. Mais si l'on sait imaginer
des revenus dérivés, la gratuité a toujours sa force.
Eric Felix-Faure : Merci à tous pour ces
questions. J'espère que mes réponses vous aideront.
N'hésitez pas a me contacter. Bon courage à tous
et à bientôt peut-être.