JDNet Développeurs : Quelle est votre définition
d'une SSII dédiée au logiciel libre ?
Nat Makarevitch et Paul Guillet:Notre activité porte sur
l'ensemble des logiciels dont le code source est ouvert. Nous préconisons
ces composants auprès de nos clients selon leurs besoins. Et ce
autour des trois familles de produit que sont les systèmes d'exploitation
(Linux et BSD : Berkeley System Distribution), bases de données
(Postgres et mySQL) et les serveurs Internet (Apache). Nous nous
positionnons davantage sur l'ingénierie que sur l'intégration car
notre valeur ajoutée se situe à ce niveau. Nous nous voulons réellement
prestataire contributeur de l'Open-Source et pas seulement assembleur
de briques existantes (développement d'API ad hoc et applicatif).
Cette spécialisation n'est-elle pas un pari risqué
par rapport à la maturité du marché ?
L'Open Source est sous-tendu par une dynamique
très forte... |
Je ne pense pas que nous prenions de risque car l'Open Source
est sous tendu par une dynamique très forte. Les entreprises ont
une volonté réelle de poursuivre le déploiement de l'Open Source
dans leur structure. Je dis bien poursuivre car bien souvent leur
infrastructure de base est pétrie d'Open Source (services d'ordinateurs
à ordinateurs tels que les services de fichier, les serveurs d'impression
ou les machines de développement). Aujourd'hui, on évolue vers des
utilisations de second niveau qui concernent l'embarqué par exemple
l'Internet mobile. Cela peut prendre la forme de boîtiers isolés
permettant de délivrer des messages divers et variés, des systèmes
de contrôle à distance d'automates ou bien encore des bornes de
présentation. Le constructeur de téléphonie mobile Ericsson est
d'ailleurs très friand de technologie Open Source. Par sa modularité
elle permet un développement logiciel adéquat sans ressource supplémentaire.
Peu à peu, l'Open Source est tiré vers le haut et chemine vers les
couches applicatives. On commence à revamper des applications existantes
sur du client léger Linux.
Quelle segment de votre activité connaît la plus forte croissance
?
Notre activité se décompose à l'heure actuelle à 70% pour l'ingénierie
et 30% pour l'intégration. La première concerne principalement le
développement à façon de logiciels (ndlr : à noter que l'industrie
du logiciel libre manque cruellement d'applicatifs verticaux ; les
principales applications existantes sont à des fins purement techniques
ou scientifiques). Nous avons ainsi mis au point une application
sur matériel embarqué pour délivrer des messages audio dans des
points de vente à distance. Par ailleurs, nous avons mené un projet
de haute disponibilité consistant à développer une couche logicielle
sur les serveurs pour optimiser la distribution de charge et donc
la fiabilité. Le second volet porte sur les projets Internet, évidemment
qui constituent le gros de la demande. Tant au niveau de la sécurité
(firewall, PKI...) que du déploiement de l'architecture sous jaçente
(Apache et services associés tels que chat, forum...)
Comment vous intégrez-vous dans l'existant
de l'entreprise ?
Nous essayons lorsque c'eet possible de remplacer l'existant par
du tout open-source en migrant les systèmes. Néanmoins dans certains
projets, compte-tenu de l'existant et face à des besoins pointus
nous sommes amenés à nous interfacer avec des environnement propriétaires.
Il faut reconnaître que tout ce qui touche au front est plus délicat.
Il nous est parfois impossible de nous connecter avec certains logiciels
métier. L'Open-Source n'est pas capable d'approcher certains segments
fonctionnels... pour le moment. A terme on imagine que les utilisateurs
dans un soucis d'interopérabilité, contraindront les éditeurs à
fournir un format d'échage. XML semble être un premier élément de
réponse. L'Open-Source aura alors une importante carte à jouer dans
la mesure où l'om pourra greffer des applicatifs sur un bus commun
d'informations. Mais pour le moment, les architectures 100% open
source sont illusoires face à ces limites fonctionnelles
Vous avez d'ailleurs développé une réponse
en interne à cette problématique fonctionnelle ?
Effectivement, tous nos ingénieurs (une quarantaine) dédient un
quart de leur temps au développement logiciel. A ce titre, nous
avons entre autres entrepris le développement d'un bus de données
normalisé pour les éditeurs. Nous leur fournirons l'API qui leur
permettra de livrer des logiciels qui pourront se passer d'interfaces
spécifiques. Le dépôt de données et l'accès aux données des logiciels
se fera sur ce bus universel qui gèrera également la sécurité, les
droits d'accès et la sémantique informatique.
Quels autres développements logiciels préparez vous ? Quand les
diffuserez vous ?
Nous menons environ 5 projets de front. Les premiers, sur lesquels
on devrait communiquer en septembre en sont au stade du prototypage.
Ainsi, nous préparons un développement dans les couches plus basses,
relatif au CTI (couplage Téléphonie/Informatique) : intégration
de son clavier téléphonique sur son ordinateur, boîte vocale, traitement
automatique des appels entrants... Cet outil sera un bon exemple
de démonstration de nos compétences à la lisière de l'informatique
et des télécommunications.
Quels sont à l'heure actuelle vos clients ?
Nous disposons d'une cinquantaine de clients qui sont à 60% des
dot.com, le reste concernant des projets grands comptes. Tendance
qui devra s'inverser d'ici quelques mois. Les dot com sont une réelle
opportunité commerciale pour nous (1/3 des serveurs tournent actuellement
sous Linux) : de l'hébergeur d'accès au site marchand. On peut citer
par exemple le site de communautés Respublica qui a fait appel à
nos services pour l'intégration de son système mais aussi pour l'élaboration
de petits développements à façon pour la sécurité. Nous avons également
dans la foulée réalisé l'annuaire de pages perso du grand frère
LibertySurf. Du côté de l'administration publique qui ne représente
pas une masse de projets importante comme on l'entend souvent (délais
de décision assez long), nous avons opéré la migration des serveurs
de l'armée de terre sous Linux (ndlr : distribution Debian).
Quelle liens entretenez vous avec les éditeurs
et les constructeurs ? Existe-t-il des partenariats spécifiques
?
Un premier partenariat, qui sera officialisé dans les semaines à
venir, vient d'être conclu avec le constructeur Silicon Graphics
qui souhaite construire 50% de son CA autour de Linux. Ce constructeur
spécialisé dans les stations graphiques et les applications serveurs
(CAO/DAO et 3D) offrira désormais, grâce à notre soutien, des solutions
complètes à ses clients en matière d'Open Source (ndlr : cet accord
permettra à IDEALX d'approcher de plus près une clientèle de grands
comptes en fournissant l'intégration et la maintenance des équipements
de SGI). Cette entreprise s'est d'ailleurs dirigée très tôt dans
cette voie avec le développement du logiciel XFS. Par ailleurs,
nous allons nous rapprocher étroitement de Mandrake : nous assurerons
pour eux des services plus élaborés autour de leur distribution.
Nous avons d'ailleurs gagné ensemble un projet d'intranet pour le
compte du Ministère de la Culture. Enfin, nous développons des partenariats
avec de grands groupes industriels tels que France Télécom ou Alcatel
pour marketer ensemble leurs produits et proposer des solutions
en bundle à leurs clients (customization de logiciel).
Paul Guillet, 29 ans, est cofondateur et CEO d'IDEALX SAS. Recruté
comme ingénieur d'affaires chez GETEK, premier constructeur français
d'ordinateurs sous Linux, il y découvre dès 1995 le monde Linux,
alors à ses balbutiements. En 1996, il devient gérant de la société
Les Logiciels du Soleil/KHEOPS, représentant exclusif de Red Hat
Software en France.
Nat Makarevitch, 32 ans, est cofondateur et CTO/COO d'IDEALX. Acteur
et promoteur des programmes Open Source dans le monde francophone
depuis 1991, il participe à divers développements, fonde et gère
les sites www.linux-france.org (premier portail francophone sur
Linux en termes de fréquentation) et www.ikarios.fr. En 1997, les
Editions O'Reilly le nomment directeur technique. Il assure entre
autres la mise en place de l'informatique et édite plusieurs ouvrages
techniques traitant de logiciels Open Source.
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