"Back to Basics",
"Retour au pragmatisme", "Priorité
au ROI"... Depuis quelques semaines, plusieurs
titres de la presse informatique, des deux côtés
de l'Atlantique, n'en finissent plus d'annoncer le retour
au pouvoir du rationalisme en matière d'investissement
technologique. Par opposition, bien entendu, aux "surinvestissements"
dont les projets e-business auraient fait l'objet. Sans
surprise, quand les discours deviennent manichéens
à ce point, la démagogie n'est jamais
bien loin...
Il
y a un an et demi, cette même presse s'inquiétait
de voir les directeurs informatiques perdre leur pouvoir
au profit des directions fonctionnelles et générales
dans le sillage des projets e-business.
Aujourd'hui, il est donc de bon ton de louer le retour
aux valeurs sûres, entendez la bonne vieille rationalité
du directeur informatique de papa... La réalité,
on s'en doute, est un peu plus complexe. D'une part
les projets e-business ne se résument pas à
une ligne de faille entre technologues rationnels et
marketeurs fous ; d'autre part, la pression budgétaire
qui s'exerce actuellement et la plus grande attention
prêtée en effet aux ROI ne signifient pas
que l'on assiste à un "enterrement"
de ces projets, comme l'a annoncé récemment
"Le Monde Informatique". Bien au contraire...
Quelques chiffres tout
d'abord. Oui, c'est un fait, l'année 2001 s'apparente
dans bon nombre de domaines liés aux projets
e-business à un sombre tunnel. Dixit AMR Research,
des plates-formes de commerce BtoC
aux logiciels de gestion de la relation-client en passant
par les outils de gestion des approvisionnements, les
croissances pour l'année 2001 sont sensiblement
inférieures à celles de 2000 : 29 %
pour 2000 contre 9 % (estimés) pour 2001,
tous segments confondus. Un ralentissement que souligne
la perte de vitesse d'éditeurs phares de l'e-business.
Les Ariba, Commerce One, Intershop ont perdu de leur
éclat... Et dans leurs domaines comme dans celui,
par exemple, de la gestion de contenu, la consolidation
guette. Faut-il pour autant ranger l'e-business au rayon
"mode de l'année 2000" ? Ce serait
hâtif...
AMR estime que 2002 verra
un rebond des croissances de quasiment tous les domaines
logiciels clefs. Quant aux budgets IT 2002, environ
23 % de leur montant devrait être attribué aux
applications e-business, soit le deuxième poste de dépense
derrière le matériel informatique (28 %). Pas mal pour
des projets "enterrés"... Certes, on
pourra toujours objecter qu'un cabinet comme AMR a tout
à gagner à jouer la méthode Coué
et à pécher par excès d'optimisme.
Notons toutefois qu'ils ne sont pas les seuls à
faire preuve de cet "optimisme": Gartner Group,
par exemple, prédit de beaux jours au marché
des serveurs d'application, logiciel qui représente
la pierre angulaire des infrastructures e-business.
Si les chiffres des analystes relativisent la mauvaise
passe que connaissent actuellement une bonne partie
des éditeurs de solutions e-business, ils ne
doivent toutefois pas dispenser d'une explication de
texte sur l'évolution des projets e-business.
Et sur le fait, indéniable, qu'en matière
d'investissement technologique au moins, les utilisateurs
ont levé le pied.
Les projets e-business
semblent en fait souffrir de deux grands maux. Primo,
les déploiements technologiques ont largement
devancé les habitudes et les processus fonctionnels.
Un cas l'illustre de façon presque caricaturale :
les projets d'intégration BtoB
qui s'appuient sur le modèle RosettaNet. Comme
le révèle une récente étude,
ces projets n'ont pas généré les
retours sur investissement attendus pour une simple
raison : ils supposent la mise en oeuvre de relations
multi-points alors que les entreprises s'en tiennent
à ce qu'elles pratiquent et maîtrisent,
à savoir des relations bilatérales (point
à point)... Autrement dit, l'entreprise étendue
(à ses clients et partenaires) est un beau concept,
soutenu par de belles technologies, mais qui se heurte
aux pratiques existantes.
Second mal dont souffrent
les projets e-business, l'absence d'indicateurs. Après
avoir interrogé 130 dirigeants d'entreprises
nord-américaines, Mercer Management Consulting avait
observé que seulement 38 % étaient
satisfaits des résultats de leurs projets de
CRM. Et les 62 % restants ? "Une bonne part de
ces entreprises sont tout simplement dans l'incapacité
de mesurer les gains de performances apportés par leurs
investissements technologiques", nous avait expliqué
César Paiva, vice-président de Mercer. Et cela qu'il
s'agisse de CRM, d'Intranet,
d'intégration BtoB. Les entreprises semblent
s'être comportées comme si la valeur intrinsèque
des technologies e-business les dispensait de suivre
minutieusement leur adoption effective par les utilisateurs.
Ces deux maux sont loin
d'être une fatalité. Ils soulignent seulement
la nécessité de travailler beaucoup plus
sur le suivi des projets e-business, en termes d'indicateur
et d'accompagnement du changement, et rappellent aussi
qu'il faut du temps pour ancrer de nouvelles technologies
profondément dans le fonctionnement d'une entreprise.
Parvenir à cette "e-transformation",
autrement dit à cette refonte des processus et
pratiques au regard de la stratégie d'entreprise
et du potentiel technologique, suppose une coopération
étroite des départements de l'entreprise,
direction informatique comprise. Et un fort sponsoring
de la direction générale. Le constat n'est
pas nouveau mais le chantier est assurément de
longue haleine.
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