Avec
près de dix millions d'abonnés broadband,
le Japon fait aujourd'hui partie des pays les plus développés
en matière d'Internet haut débit. Chaque mois, 300 000
nouveaux clients japonais décident de s'abonner
à une offre ADSL. Un succès qui s'explique
essentiellement par les tarifs planchers proposés
par les FAI japonais. Selon le palmarès Point
Topic, Yahoo BB est la deuxième offre ADSL la
moins chère au monde, derrière le Taiwanais
Chunghwa, avec un tarif global de 29,27 dollars par
mois. Un abonnement deux fois moins que celui proposé
par France Télécom.
Comparaison
des tarifs ADSL de base pratiqués
par les principaux opérateurs dans le monde
(source Point Topic, octobre 2002 - Le
coût global par mois correspond à
l'abonnement mensuel auquel s'ajoutent le coût
d'installation et le coût matériel
amortis sur une période de 12 mois)
|
Pays |
Opérateur |
Coût
global par mois
(en
dollars)
|
Débit
(en
Kbits)
|
Taïwan |
Chunghwa |
20,58
|
512
|
Japon |
Yahoo
BB |
29,27
|
8 000
|
Canada |
Bell
Canada |
29,66
|
1 000
|
Japon |
NTT |
30,80
|
1 500
|
Corée
du Sud |
Korea
Telecom |
31,10
|
2 000
|
Italie |
Telecom
Italia |
46,32
|
256
|
Belgique |
Belgacom |
47,96
|
750
|
Allemagne |
Deutsche
Telekom |
48,79
|
768
|
Espagne |
Telefonica |
49,46
|
256
|
Etats-Unis |
Verizon
|
55,80
|
768
|
France |
France
Télécom |
57,32
|
512
|
Etats-Unis |
SBC |
58,20
|
1 500
|
Royaume-Uni |
BT |
6042
|
500
|
Pays-Bas |
KPN |
61,12
|
512
|
Et
pourtant, il y a deux ans de cela, l'Internet fixe japonais
était encore un marché atone. Le grand
public boudait le Web sur PC, faute de haut débit
mais surtout de tarifs attractifs. Une situation en
grande partie provoquée par l'opérateur
historique NTT : plutôt que de miser sur
la technologie ADSL, le géant des télécoms
a décidé de parier sur la technologie
ISDN (Integrated Service Digital Network), dont les
débits dépassent péniblement les
128 Kbps. L'ADSL reste alors une offre marginale dont
le prix est inabordable.
En
septembre 2001, un acteur va révolutionner le
marché du haut débit. Yahoo BB, financé
par Yahoo et Softbank, décide de casser les prix
en lançant une offre ADSL à 2 280
yens par mois (17,55 euros). L'électrochoc est
immédiat : en l'espace de deux mois, le
prix moyen du forfait ADSL tombe au Japon à moins de
3 000 yens par mois (23 euros) alors que les abonnements
mensuels coûtaient initialement entre 5 000 et 6 000
yens (38,5 et 46,2 euros). Un mouvement qui va se traduire
par une explosion du nombre d'abonnés. Début
2001, le Japon ne compte que 16 194 abonnés
ADSL. Deux ans plus tard, ils seront 6,5 millions.
Des
débits allant jusqu'à 24 Mbps
Pour
entretenir cette "folie" du haut débit,
les FAI ne vont pas se limiter à une stratégie
tarifaire discount. A partir de la rentrée 2002,
un autre front commercial apparaît avec le débit
proposé. Une fois encore, Yahoo BB ouvre la voie
en lançant un pack à 8 Mbps. Suivront
des offres à 12 Mbps, commercialisées
à 4 000 yens par mois (30,76 euros), douze à
vingt-quatre fois plus rapides que le plus haut débit
ADSL proposé en France. Une course au débit
qui n'est pas près de s'arrêter :
dans les mois qui viennent, des offres ADSL à
24 Mbps devraient voir le jour au Japon.
Mais
le 24 Mbps n'est qu'une étape. Le plan gouvernemental
e-Japan lancé en janvier 2001, qui vise à
faire de l'Archipel le pays le plus avancé dans
la diffusion des NTIC, va encore encore plus loin. D'ici
2005, le programme prévoit que 30 millions de
foyers seront reliés au haut débit (moins
de 30 Mbps) et 10 millions au très haut débit
(de 30 à 100 Mbps). Pour atteindre des vitesses aussi
importantes, le Japon parie sur une autre technologie :
la connexion FTTH (Fiber To The Home, fibre optique
à domicile).
Le
lancement commercial du FTTH s'est déroulé
au printemps 2002. Sa couverture reste pour l'heure
très limitée, principalement dans les grandes agglomérations
japonaises. A la fin de l'année dernière,
la FTTH comptait néanmoins plus de 200 000
abonnés. Sur le terrain, la bataille des prix
sur la fibre optique a déjà commencé entre les FAI.
Les frais mensuels pour une connexion à 100 Mbps sont
proposés aujourd'hui à partir de 5 500 yens (42,35 euros)
dans un bâtiment déjà câblé et à partir
de 8 280 yens (63,76 euros) pour les foyers individuels.
La
foire aux contenus
Mais
l'essor du très haut débit pose un nouveau
problème pour les FAI : quels contenus proposer ?
Aujourd'hui, quelques fournisseurs d'accès se
sont lancés dans la retransmission vidéo
en direct d'événements ou les films à la demande. Malgré
tout, selon l'enquête réalisée en janvier dernier par
NTT-X, 40 % des abonnés haut débit
japonais estiment que la quantité de contenu proposée
sur les portails reste insuffisante. Dans le même
temps, 30 % se disent prêts à payer pour accéder
à des contenus supplémentaires.
Afin
de répondre à cet engouement, les portails
japonais travaillent selon deux axes. D'une part développer
des accords de distribution avec les producteurs de
contenu occidentaux comme la Warner Bros. D'autre part
mutualiser les contenus dont ils disposent. Pour se
faire, en avril 2002, NEC (Biglobe), Japan Telecom (ODN),
KDDI (Dion) et Matsushita Electric (Panasonic hi-ho)
ont créé le Mega Consortium. Cette structure,
qui regroupe un parc total de 10 millions d'abonnés
Internet, a pour objectif de permettre l'échange
de contenus entre les différents FAI membres.
Vers
la téléphonie sur IP
Un
autre domaine intéressent au plus haut point
les fournisseurs d'accès japonais : la téléphonie
sur IP. Pour la plupart des FAI, ce service est même
considéré comme la nouvelle "killer
application" commerciale. Aux yeux des abonnés,
la téléphonie sur IP permet surtout de
réduire sa facture téléphonique
et ce, d'autant plus que la distance d'appel est longue.
Sur
ce nouveau marché, Yahoo BB - encore
lui - propose une offre baptisée BB Phone,
gratuite pour ses abonnés ADSL. Les appels directs
entre les abonnés de Yahoo BB y sont également
gratuits. Pour appeler une ligne fixe, le prix de la
communication est de 7,5 yens (0,06 euro) les trois
minutes sur tout le territoire japonais. Pendant ce
temps, chez les opérateurs classiques, le même
appel est facturé jusqu'à 20 yens (0,15
euro) les trois minutes. En quelques mois, BB Phone
a réussi à engranger 1,97 million d'abonnés.
Cet
intérêt pour la téléphonie
sur IP ne se limite pas aux seuls FAI. Depuis octobre
dernier, le Japon bénéficie d'un nouveau
préfixe téléphonique, le 050, entièrement
dédié à la téléphonie
sur IP. Tous les acteurs télécoms se sont
engouffrés dans la nouvelle brèche. NTT,
l'opérateur historique, a d'ores et déjà
annoncé qu'il gelait ses investissements dans
les réseaux téléphoniques conventionnels afin de réorienter
l'ensemble de ses infrastructures sur l'IP. La révolution
Internet est toujours en marche.
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