Warren Barthes (PhoneAndPhone) "L'arrivée de Free Mobile a entraîné notre procédure de sauvegarde"

Après avoir levé plus de 10 millions d'euros, PhoneAndPhone, spécialiste de la distribution de mobiles sur le Web, est en procédure de sauvegarde. Son fondateur explique sa situation.

En janvier 2010, PhoneAndPhone.com lève 11,3 millions d'euros. Aujourd'hui, la société vient d'être placée sous procédure de sauvegarde. Qu'est-il arrivé ?

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Warren Barthes est fondateur de PhoneAndPhone.com © S. de P. PhoneAndPhone

Nous sommes rentrés en procédure de sauvegarde le 13 mai. Notre passif est gelé pour les 6 prochains mois. La société a connu une très forte croissance depuis sa création en 2005, jusqu'à réaliser un chiffre d'affaires de 56 millions d'euros sur notre exercice 2012, qui a pris fin le 30 juin 2012. La société était rentable. A l'époque, 70% de notre CA était réalisé sur la vente d'abonnements téléphoniques, le reste sur les téléphones nus. En décembre 2011, nous réalisons un mois historique en dépassant les 10 millions d'euros de ventes. En janvier 2012, Free Mobile se lance en gardant l'exclusivité de sa distribution, et comme pour The Phone House, le marché s'est retourné. Du jour au lendemain, la part des ventes de téléphones avec abonnement est passée à 20%. Or, nous réalisons une marge deux fois plus importante que sur les téléphones nus. Il a donc fallu réagir rapidement en passant sur un business où les marges sont divisées par deux...

"Nous demandons 10 millions d'euros de dédommagement à Bouygues Telecom"

Est-ce la seule raison de vos difficultés ?

L'autre problème, toujours lié à l'arrivée de Free Mobile, est l'abandon par les opérateurs de leur réseau de distribution physique. Les opérateurs ont été incapables de réagir aux offres de Free Mobile. Et donc nous avons été incapables de réagir en proposant des tarifs comparables... Ils ont ensuite décidé de protéger leur parc à tout prix en lançant des offres low cost, comme Sosh, B&You, ou Joe Mobile dont ils se réservent la distribution exclusive. En novembre, Bouygues Telecom a revendu son grossiste pour réseaux de distribution, qui fournissait 3 000 revendeurs. Aussitôt, le repreneur nous a prévenus que tous les encours que nous avions chez lui étaient fermés, sans aucun préavis. Nous poursuivons d'ailleurs Bouygues Telecom et lui réclamons 10 millions d'euros de dommages et intérêts pour avoir déguisé la fermeture de son réseau.

Où en étiez-vous financièrement à ce moment là ?

Nous étions en train d'absorber l'arrivée de Free Mobile en maintenant notre niveau de chiffre d'affaires, même si notre marge avait grandement baissé. Entre janvier et juin 2012, nous avions réussi à réaliser 20 millions d'euros de CA. Mais en perdant Bouygues, nous perdions 25% de notre CA. Nous avons donc été obligés de lancer un premier plan de licenciement en janvier dernier. A l'époque, PhoneAndPhone.com employait 38 personnes.

"Renouer avec la rentabilité et trouver de nouveaux marchés"

Comment envisagez-vous les mois à venir ?

Nous avons la trésorerie, des actifs, une marque, je suis confiant. Nous devons adapter notre structure de coûts à notre nouveau périmètre d'activité. Au terme de cette procédure, la société ne comptera plus que 10 personnes. Le plan est simple : renouer avec la rentabilité et trouver de nouveaux marchés. Sur l'année fiscale en cours, je table sur un chiffre d'affaires de 35 à 40 millions d'euros. Un nouveau processus de levée de fonds est aussi en cours.

Lesquels ?

Nous développons depuis 18 mois la vente de téléphones de seconde main, que nous reconditionnons nous mêmes. C'est un secteur sur lequel il y a peu de concurrence et où les marges sont significatives. Ce créneau représente aujourd'hui 30% de notre CA. Et en plus de la vente de mobiles nus, nous proposons des assurances innovantes, comme une permettant de changer de mobile 12 mois après l'achat, en récupérant un modèle de dernière génération.  Avec cela, nous allons petit à petit retrouver nos marges et retrouver notre chiffre d'affaires 2012 d'ici 24 mois.

Nous comptons aussi développer notre activité aux Etats-Unis. Nous y avons déposé un brevet sur les packs cadeaux, associant par exemple une télévision en cadeau d'un abonnement mobile. Nous avons déjà signé des contrats de distribution avec Verizon, Sprint et T-Mobile. Le niveau de subvention des abonnements mobiles est 30% plus élevé aux Etats-Unis qu'il ne l'était en France avant l'arrivée de Free Mobile.

Warren Barthes quitte le lycée à 16 ans. Il rejoint d'abord l'affaire familiale, une enseigne de trois magasins de téléphones portables sur la Côte d'Azur, où il travaille pendant sept ans. En 2005, à l'âge de 22 ans, il fonde PhoneAndPhone.com.