Data aujourd'hui, IA demain, l'email marketing fait sa mue

Data aujourd'hui, IA demain, l'email marketing fait sa mue Segmentation des audiences et utilisation de la donnée 1st et 2nd party sont désormais au cœur de toute bonne campagne d'email marketing.

A l'heure du temps réel et du ciblage d'audience ultra-pointu, le sujet est sans doute moins tendance que la révolution RTB de l'achat display. Mais l'email marketing n'en reste pas moins aujourd'hui encore le canal marketing le plus rentable et efficace pour fidéliser sa base de consommateurs. Début 2018, c'était d'ailleurs le support publicitaire qui incitait le plus les Français à visiter le site Web d'une marque, devant la télévision et les réseaux sociaux, selon l'enquête annuelle du Syndicat national de la communication directe (SNCD).

Comme l'ensemble des canaux online, le secteur a toutefois dû opérer sa mue. Et pour mieux tourner le dos aux abus des années 2010, une époque où on n'hésitait pas à bombarder ses bases emails de messages hyper standards quitte à sur-presser les bases, l'email marketing s'est à son tour mis à la data. "Le modèle où l'on envoie la même newsletter à tous les abonnés ne fonctionne plus, note Ludovic Moulard, responsable analytics et UX au sein de l'agence fifty-five. C'est devenu beaucoup plus compliqué de passer les filtres des différents opérateurs de comptes mails dans ces conditions."

Des messages ciblés comme en RTB

Les marketeurs doivent désormais diviser leurs bases emails en différents clusters, des segments d'audience définis en s'appuyant sur l'analyse des données dont ils disposent. La démarche est la même que dans l'achat programmatique display : pousser le bon message à la bonne personne au bon moment, sans les contraintes du temps réel. Car "contrairement au display RTB, on peut réaliser ce travail de segmentation de manière asynchrone avec des solutions comme Antvoice, Targettosell ou Earlybird qui permettent d'analyser le trafic sur site avant le lancement des campagnes d'emailing", précise Ludovic Moulard. 

"Aider le client à contacter les 5% de sa base mail qui sont les plus susceptibles de passer à l'achat grâce à nos algorithmes"

Comme en RTB, les marketeurs s'appuient sur des algorithmes de machine learning dont l'efficacité est conditionnée par le volume de données traitées. C'est précisément ce que permet de faire une société comme Tinyclues, dont la promesse est d'aider les e-commerçants à pousser leurs campagnes produits auprès du segment de leur audience qui est le plus affinitaire (et donc susceptible de passer à l'achat). "Le but, c'est d'aider le client à traduire des objectifs business, comme vendre une gamme précise de produit, en plan d'action marketing. Et donc l'aider à contacter les 5% de clients en base mail qui sont les plus susceptibles de passer à l'achat grâce à nos algorithmes", explique le fondateur de Tinyclues, David Bessis. Tinyclues, qui se focalisait initialement sur l'emailing, s'est depuis ouvert à d'autres canaux comme le SMS ou le display sur Facebook. "L'optimisation d'une campagne marketing ne prend de sens que si elle se décline au sein des différents points de contact avec le consommateur. On ne peut plus travailler les canaux en silo", constate David Bessis.

Dans le modèle de Tinyclues, on ne qualifie plus les clients au prisme de 5 ou 6 paramètres, mais de millions. "Nous nous appuyons sur tous les types de données, qu'il s'agisse du socio-démo déclaratif, du navigationnel, du transactionnel et même la donnée offline à mesure que les retailers onboardent la donnée récoltée en points de ventes physiques, via leurs cartes de fidélité ou des services prétextes pour récupérer l'email du client."

Cocktail de 1st et 2nd party data

La donnée traitée a de nombreuses provenances. Elle sera d'abord 1st party, cette donnée propre à l'annonceur qui devient de plus en plus conséquente. "L'utilisation de la data 1st party s'enrichit d'autres informations que le simple 'nom et prénom'. On regarde la composition du foyer, les centres d'intérêts, les transactions passées", illustre Sébastien Leboucher. Le manager du spécialiste des sujets digitaux Sutter Mills confirme que les annonceurs mettent les bouchées doubles pour optimiser les informations qu'ils détiennent sur leurs audiences propres. Au cœur de cette nouvelle architecture, la customer data platform qui réconcilie cookie, CRM et emailing.

RGPD oblige, tout ce travail sur la data s'accompagne d'une vigilance accrue sur sa provenance et sa légalité. "Les annonceurs travaillent aujourd'hui la granularité du consentement, en tâchant d'obtenir l'accord de l'internaute pour une utilisation bien précise de sa donnée, qu'il s'agisse d'une entité spécifique ou d'un service en particulier", note Sébastien Leboucher.

Les sources de données qui alimentent les campagnes emailing peuvent également être externes comme dans le modèle de la donnée 3d party, c'est-à-dire la donnée apportée par des tiers de confiance. "Le doute persiste par rapport à cette typologie de donnée qui est difficile à sourcer, souvent probabiliste plus que déterministe et donc moins efficace", juge toutefois Sébastien Leboucher. C'est plutôt le modèle de la 2nd party, où une marque décide de mettre sa donnée à disposition d'autres annonceurs qui a les faveurs de ses clients, assure-t-il.

"Les annonceurs opèrent aujourd'hui leur segmentation emailing en fonction de moments de vie qui vont leur permettre de pousser une offre adaptée"

"La plupart des groupes qui peuvent le faire s'y mettent. Comme par exemple un groupe hôtelier qui s'associe à une compagnie aérienne pour connaître les destinations de vacances de son audience et lui pousser une offre emailing en conséquence." Même logique avec le cas où un assureur s'associe à une plateforme de ventes de biens pour pouvoir pousser des offres d'assurance habitation à une audience qui déménage. "Les annonceurs opèrent aujourd'hui leur segmentation emailing en fonction de ces moments de vie qui vont leur permettre de pousser une offre adaptée", confirme Ludovic Moulard. Des plateformes comme Leboncoin ou Seloger ont fait de la monétisation de ces moments de vie un de leurs fonds de commerce.

S'ils prennent le virage du machine learning, les spécialistes de l'email marketing n'en oublient pas pour autant l'importance de l'humain. "Chez Sutter Mills, on a pris l'habitude de mener des focus groups très complémentaires des études plus quantitatives que l'on génère grâce aux algorithmes", confie Sébastien Leboucher. C'est par exemple envoyer un email ou contacter par téléphone un groupe de clients dont l'interactivité avec les campagnes d'emails a baissé. "Les consommateurs aiment bien s'exprimer et ce n'est vraiment pas compliqué d'avoir des panels segmentés", jure Sébastien Leboucher.

"Les outils de marketing automation sont plus concernés par le rajout de nouveaux canaux d'activation que par celui de l'IA"

Et l'IA dans tout ça ? Si des spécialistes du CRM comme Salesforce ou Adobe embarquent l'intelligence artificielle maison dans leur suite, Sébastien Leboucher estime qu'on en est encore loin d'une utilisation mass-market. "Les outils de marketing automation sont aujourd'hui plus concernés par le rajout de nouveaux canaux d'activation et de fonctionnalités que par celui de l'IA, pointe-t-il. C'est compliqué d'intégrer une IA externe à son outil de marketing automation du fait des problématiques d'interopérabilité et de la complexité des flux." Dans la configuration actuelle, c'est l'humain (et non l'IA) qui paramètre les campagnes en anticipant des scénarios personnalisables qui se mettent en action lorsque les paramètres sont atteints. "On est plus dans le déclenchement automatisé de tâches qu'autre chose", explique Sébastien Leboucher.

Du côté d'Adobe, on met déjà l'intelligence artificielle Adobe Sensei à contribution au sein de la brique de gestion des campagnes, Adobe Campaign. "Cette IA permet de faire des recommandations sur les mots-clés qui obtiennent les meilleurs taux d'ouverture", explique Lionel Lemoine, solution consultant senior manager chez Adobe. Elle va permettre également au marketeur d'adresser au mieux la longue traîne de sa base emailing, c'est-à-dire toute la population qu'il n'a pas su qualifier. "Plutôt que d'envoyer un même contenu par défaut à toute cette population, nos algorithmes auto-apprenant vont peaufiner les contenus à mesure que ce bassin réagit avec les emailing, précise Lionel Lemoine. C'est encore loin d'être parfait mais cela donne des campagnes plus efficaces."