Joe Fernandez (CEO de Klout) "Nous suivons près de 400 signaux pour calculer l'influence d'un utilisateur sur les réseaux sociaux"

Après avoir fait le buzz, Klout cherche aujourd'hui à monétiser son service. Le JDN a interviewé son CEO qui détaille ses plans pour l'avenir de l'indicateur d'influence sur les réseaux sociaux.

Comment est né le concept de  Klout ?

L'idée est née en 2007 alors que je venais de subir une opération au niveau de la mâchoire qui m'a empêché de communiquer oralement pendant près de trois mois. Suite à cet évènement, j'ai occupé une grande partie de mon temps à communiquer sur Facebook et Twitter. C'est à cette période que j'ai imaginé Klout, un service permettant aux utilisateurs des réseaux sociaux de comprendre et de mesurer leur influence sur ces plateformes. Aujourd'hui la société compte près de 70 employés répartis entre San-Francisco et New York.

Quel est l'intérêt de connaitre son score Klout ?

Pour un individu qui va publier du contenu sur Facebook ou Twitter, il est toujours intéressant de comprendre son impact sur un sujet précis. Nous aidons ainsi ce dernier à comprendre et mesurer son influence pour l'amener à devenir plus efficace dans son utilisation des réseaux sociaux.

Combien d'utilisateurs comptez-vous et quel est le profil type ?

Nous ne communiquons pas sur le nombre d'utilisateurs actifs mais je peux vous dire que nous comptons près de cent millions de scores dans notre base de données. A l'origine, notre première communauté d'utilisateurs rassemblait essentiellement des personnes des secteurs issus du secteur du Marketing et de l'IT. Aujourd'hui cette communauté s'est élargie, nous comptons des utilisateurs avec des profils très variés.

Comment faites vous pour mesure cette influence ?

Nous avons près de 400 signaux nous permettant de calculer l'influence d'un utilisateur sur les réseaux sociaux. Ces derniers varient selon les sources que nous utilisons. Sur Wikipedia par exemple, nous allons regarder l'importance et la taille de l'article en prenant en compte le nombre d'éditeurs ayant participé à sa rédaction ou encore le nombre de liens associés. Sur Twitter, nous allons avant tout regarder l'engagement engendré par votre contenu, autrement dit, si ce contenu a été cité ou retweeté et surtout par qui. Un retweet de Barack Obama sera pris en compte avec beaucoup plus d'importance qu'un retweet d'un autre de vos followers, par exemple.

Quel est votre business model ?

Nous permettons aux marques d'identifier les utilisateurs les plus influents sur les réseaux sociaux afin que ces derniers puissent promouvoir leurs produits auprès de leur communauté. Nous les aidons à identifier les experts ou leaders d'opinion qui seront les plus pertinents pour parler de leurs offres. Par respect pour la vie privé de nos utilisateurs, nous ne vendons aucune donnée. C'est l'utilisateur qui a le pouvoir d'accepter ou de refuser la proposition d'une marque. Ce modèle est efficace car dans un monde où la publicité est omniprésente, on fera toujours plus attention à une recommandation en provenance d'un ami qu'à une simple publicité. 

Combien de clients comptez-vous à l'heure actuelle ?

Nous avons collaboré avec de nombreuses marques parmi lesquelles Nike ou encore Starbucks. Avec cette dernière, il s'agissait d'identifier des leaders d'opinion afin de récolter leurs avis à l'occasion de la sortie d'une nouvelle boisson. Nous sommes rémunérés par la marque alors que l'utilisateur perçoit lui un avantage qui peut prendre différentes formes, comme un bon de réduction ou un produit gratuit. Nous avons lancé cette offre il y a près de deux ans et nous travaillons aujourd'hui avec près de 500 entreprises.

Selon vous, la réputation online d'un utilisateur est-elle identique à sa réputation offline ? Pensez-vous être capable, dans un futur proche, de mesurer la réputation d'un individu qui n'aurait pas de compte sur les réseaux sociaux ?

Je pense qu'il y a encore du chemin pour arriver à un résultat qui serait vraiment identique. Calculer la réputation offline d'un individu est un challenge important que nous avons commencé à prendre en compte en analysant les données présentes sur Wikipedia notamment. Néanmoins, la réputation online d'un individu reste quelque chose de plus facile à calculer et à comprendre.

De quelle manière votre algorithme lutte-t-il contre les utilisateurs qui cherchent à augmenter artificiellement leur score Klout, un peu à l'instar de ce que font certains sur Google pour améliorer leur référencement ?

S'il peut être facile de créer de multiples pages Web afin d'améliorer son référencement sur Google, il sera par contre beaucoup plus complexe pour un utilisateur de tricher pour améliorer son score Klout. En effet, il s'agit là d'interactions humaines et réelles entre deux ou plusieurs personnes, et non de simples pages web statiques, donc difficilement manipulables. Nous avons également une équipe en interne dédiée à l'amélioration de notre algorithme et à sa protection contre d'éventuels tricheurs.

A partir de quel score peut-on être considéré comme " influent" ?

La moyenne globale des scores Klout de tous nos utilisateurs dans le monde est de 30 sur 100. Elle est de 40 en France. Au dessus de ce score, on peut donc dire qu'un utilisateur utilise les réseaux sociaux de manière efficace.

Comment voyez-vous le futur de Klout ?

Nous avons récemment lancé une nouvelle version du site et du mode de calcul du score. Nous allons continuer à ajouter de plus en plus en de sources. A l'instar de Wikipedia, nous souhaitons à l'avenir ajouter de nouvelles sources de contenu qui ne seront pas forcément sur des réseaux sociaux et qui nous aideront à déterminer l'influence en ligne d'un utilisateur si ce dernier est mentionné dans ces sources, comme par exemple un site d'actualité. Nous allons également donner plus d'informations à l'utilisateur afin de lui permettre de mieux comprendre son score et les leviers qu'il pourrait utiliser afin d'augmenter son influence sur les réseaux sociaux. Nous allons également continuer à nous développer notamment au Brésil, au Japon et en Europe, où nous comptons déjà un grand nombre d'utilisateurs.

Joe Fernandez a débuté sa carrière au sein d'Onboard Informatics, une société spécialisée dans l'analyse de données pour le secteur immobilier, en tant que responsable de la recherche et de l'innovation. En 2003, il change de secteur pour s'orienter vers l'éducation et cofonde Evalulogix. C'est en 2008 qu'il cofonde Klout, une startup dont le but est d'aider les utilisateurs de réseaux sociaux à évaluer leur influence sur le web et dont il est toujours le CEO. Joe Fernandez a grandi à Las-Vegas, il a suivi les cursus de l'Université de Miami et de l'Université d'Oxford.