Hervé Rony (Scam) "Jusqu'où le droit d'auteur est-il exigible sur le Web ?"

Le directeur général de la Société civile des auteurs multimédia (Scam) imagine de nouvelles possibilités de taxation pour que le Web participe au financement de la création.

JDN. Pensez-vous que les acteurs de la création touchent ce qu'ils méritent sur Internet ?

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Hervé Rony est directeur général de la Scam. © Scam

Hervé Rony. Internet ne représente que 20% du marché de la publicité en ligne et c'est un véritable problème. Je m'inquiète du temps qu'il va falloir pour que les services Web nous payent décemment. On ne sait pas quoi faire pour dynamiser et générer des recettes que le marché ne parvient pas à générer naturellement. Pour un reportage sur TF1, un auteur peut percevoir entre 10 et 20 000 euros. Mais il ne touchera que quelques centaines d'euros si son documentaire est diffusé sur Youtube.

Que les auteurs ne gagnent pas grand-chose sur Internet n'est pas un grave problème tant que ce média ne représente qu'un revenu additionnel pour eux. Mais de plus en plus, de nombreux auteurs travaillent uniquement sur le Web. Et eux ont du mal à gagner leur vie.

Vous êtes-vous fait une raison de toucher beaucoup moins sur le Web que sur les autres canaux de distribution ?

Non. Il y a en fait deux problèmes. D'abord l'exploitation des œuvres par les distributeurs, comme peut l'être un Youtube. Et ensuite tout ce qui permet de générer du trafic vers l'œuvre, comme le propose Google. Vu son chiffre d'affaires, Youtube ne peut pas nous verser autant de TF1, c'est d'accord. Mais Google ? Il y a aujourd'hui des intermédiaires qui gagnent de l'argent sur le trafic généré par les œuvres des auteurs. Et au-delà du visionnage de l'œuvre, ils exploitent aussi les données de cette personne. Il y a donc des revenus additionnels qui échappent à l'imposition ou à la taxation possible. C'est aussi ce que dit l'Hadopi : la gratuité pour l'internaute ne veut pas dire qu'il n'y a pas de revenus. La question qui se pose aujourd'hui, c'est jusqu'où le droit d'auteur est-il exigible ? Car on se rend compte qu'il y a un décalage abyssal entre les revenus des grands groupes Web et les revenus dont bénéficient les auteurs sur le Web. On a le sentiment de se faire manger la laine sur le dos.Et c'est ce dont nous allons discuter à la Scam ce 19 septembre, avec les auteurs du rapport Colin et Collin, Régis Houriez et Benoît Thieulin.

La presse écrite a obtenu un accord avec Google en pointant un problème similaire...

Effectivement, ce problème de revenus est le même qui s'est posé pour les titres de presse. Saut qu'en acceptant 60 millions d'euros d'aides de la part de Google, ils n'ont réglé aucun problème ! Ils n'ont fait que renforcer leur dépendance à Google...

La pause fiscale annoncée par François Hollande ne va pas accélérer la mise en place de nouvelles taxes...

Celle sur les objets connectés a été reportée à 2014 et il y a fort à parier qu'il en sera de même pour la redevance. Ces questions sont très liées au budget 2014. Effectivement, je pense que la pause fiscale fera que le gouvernement ne proposera rien. Par contre, peut-être que quelque chose viendra du Parlement. Mais je n'ai pas d'info là-dessus.

Après des études de droit, Hervé Rony démarre sa carrière en 1986 dans les services du Premier Ministre puis à la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) et au Conseil Supérieur de l'audiovisuel (CSA). Il rejoint ensuite le groupe CLT-RTL au sein duquel il a été successivement directeur juridique, directeur général du réseau FM Maxximum et enfin conseiller auprès de la direction générale de RTL. Il a rejoint le SNEP en juillet 1994 où il a été directeur général jusqu'en 2009. Il est directeur général de la Scam depuis le 1er juillet 2010 après en avoir été directeur général délégué à partir de janvier 2010.