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René Dosière, député de
l'Aisne .
© Assemblée nationale
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"La révérence à l'égard du Président fait que certains sujets,
certaines questions ne se posent pas" |
René Dosière, député socialiste de l'Aisne, a mené l'enquête pendant cinq ans.
De 2001 à 2006, il a utilisé l'une des armes des députés, la question écrite,
qui contraint les ministères à répondre aux interrogations des parlementaires
dans un délai de trois mois. En tout, le député aura posé 95 questions. Son travail
a fait l'objet d'un livre : "L'argent caché de l'Elysée", chez Seuil.
A plusieurs reprises dans votre livre, vous qualifiez le président de la République
française de monarque. Pourquoi ?
Je dirais même qu'il est un monarque absolu. Ce qui est le plus extraordinaire,
et même sidérant, c'est que le Président fixe lui-même le montant du budget de
l'Elysée, qu'il utilise selon son bon plaisir sans aucun contrôle, et qu'il fixe
également le montant de son traitement.
Pourquoi les députés acceptent-ils cela depuis des décennies, y compris dans
votre camp ?
C'est très curieux. J'y vois trois raisons. D'abord une sorte de révérence
à l'égard du président de la République, qui fait que certains sujets, certaines
questions ne se posent pas, et en particulier si elles touchent à l'argent. Tout
le monde se disait que, traditionnellement, ce sujet ne devait pas être abordé.
De mon côté, je me suis dit que cette tradition n'était pas vraiment respectable.
Deuxième raison : au fond, on savait très bien que le budget de l'Elysée, comme
celui de l'ensemble de la politique à une époque, était plutôt obscur, pas forcément
"respectable", et qu'il ne valait mieux pas en parler. Enfin, les députés font
leur travail, mais, disons..., pas toujours jusqu'au bout. Maintenant que cette
situation est connue, elle n'est plus tolérable.
Justement, est-ce que vos révélations ont fait évoluer la situation ?
Oui. Déjà, le sujet du budget de l'Elysée est discuté à l'Assemblée nationale,
et le rapporteur de la commission des finances se sent obligé de poser des questions.
L'Elysée a lui aussi fait quelques pas en avant, en fournissant un rapport, certes
succinct, sur l'utilisation de ses moyens. Enfin, depuis 2003, l'augmentation
du budget est très faible d'une année sur l'autre, de l'ordre de 1,5%. Il a même
légèrement baissé en 2007. Et cela alors que pendant douze ans, il a été multiplié
par neuf. La pratique qui consistait à doubler le budget en cours d'année a également
disparu.
Vous avez calculé que le budget réel de l'Elysée s'élevait à environ 90 millions
d'euros. Est-ce trop, même pour une telle institution ?
Je ne suis pas vraiment en capacité de vous répondre, puisque comme ce calcul
est fait pour la première fois, je n'ai pas de référence passée. Cependant le
budget voté à l'Assemblée est passé en quelques décennies de 3 à 32 millions d'euros.
Cette hausse est forcément excessive. Je pense que l'on peut donc légitimement
réduire de 25 à 30% le budget. Il faut que l'Elysée explique ce qu'il fait de
cet argent. La transparence et le contrôle sont non seulement limitateurs de dépenses
mais surtout ils stopperaient toute suspicion à l'égard de la présidence.