Journal du Net > Economie  Untitled Document > La folie des eaux de luxe
"L'eau est devenue un élement à part entière de l'Art de la table"
 

Elles s'appellent Voos ou Bling H²O et font le bonheur des consommateurs branchés. Ce ne sont ni plus ni moins que des eaux de table. Mais pas n'importe lesquelles : leur packaging, leur provenance et leur goût seraient totalement novateurs. Et depuis quelque temps, elles font figure d'eldorado pour des nouveaux venus sur le marché.

"L'alcool n'a plus bonne presse, alors on apporte plus de soin à l'eau" explique Samuel Delatte, responsable marketing d'IBB le premier distributeur français des eaux dites premium, comprenez haut de gamme. "L'eau est devenue un élement à part entière de l'Art de la table" renchérit Guillaume Salmon du magasin parisien branché Colette. Le "Water-bar" du temple parisien de la branchitude propose une carte avec pas moins de 85 références.

Marketing permanent autour des bouteilles

Le marché de l'eau en bouteille arrive pratiquement à saturation. Les trois groupes (Castel, Danone et Nestlé Waters) qui se partagent les deux tiers du marché marquent le pas. Ils sont débordés par les marques distributeurs sur les premiers prix, ils sont aussi dépassés sur le marché des eaux rares par des distributeurs indépendants. "Et pourtant la demande est forte" jure Gilles Jurado, grossiste et commerçant d'eaux rares depuis cinq ans. "Mes commandes doublent tous les mois. C'est un secteur qui a longtemps été négligé. Beaucoup de soins ont été apportés au café, aux vins, mais jamais à l'eau". Parent pauvre de la restauration, l'eau prend donc sa revanche. Plate ou gazeuse, les consommateurs, aisés, adorent leurs goûts, mais surtout leur packaging original. Bouteille dessinée par les créateurs du flacon de parfum Calvin Klein (Voss) ou par Philippe Starck (St Georges). "C'est un objet qui offre du voyage" s'extasie même Gilles Jurado. Et de penser aux milliers de collectionneurs de bouteilles d'eau minérale.


La carte du Water-bar de Colette propose 85 eaux différenes Photo © Colette

Si le phénomène est réel, il est impossible de trouver une eau "haut de gamme" en grandes surfaces. Les promoteurs des eaux rares s'y refusent d'ailleurs. Elles ne sont vendues que dans des épiceries très sélect et forcément parisiennes (La Grande Epicerie de Paris, Galeries Lafayette Gourmet ou Galeries gourmandes de la porte Maillot), dans des établissements spécialisés (Water-bar, Théaux à Toulouse, Opures à Lyon ou les Bars à Bulles). Des eaux rares que l'on retrouve également sur les tables prestigieuses (Georges V, Sofitel). Pour accompagner ce marché balbutiant et très lucratif, les distributeurs se livrent à une bataille impitoyable à coup d'exclusivité et de nouveautés. Elles sont permanentes. Une dizaine d'eaux différentes depuis la rentrée.

Les volumes restent minimes, vingt à trente palettes pour Opures, 2 millions d'euros de chiffre d'affaires pour IBB. D'anciens convertis à l'eau minérale exotiques se méfient. Comme Bernard Vincent, le concepteur des bars à bulles qui retire progressivement de sa carte ces eaux du monde. "Personne ne vient réclamer une eau d'Afrique du Sud. C'est à nous de placer les produits. Et vu le prix, cela dissuade le premier consommateur venu". En effet, outre le packaging, la particularité la plus frappante de ces eaux pour bobos se lit sur l'étiquette. De 1 à 7 euros le litre en moyenne. Un vrai luxe, qui peut devenir folie. Depuis septembre, la Grande Epicerie de Paris propose la très chère Bling H²O, 35 euros les 37,5 cl! Un contenu royal à peine justifié par le contenant, une bouteille givré sertie de strass de Swarovski !

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