INTERVIEW 
 
Eric Clémenceau
Directeur commercial Europe
Joost
Eric Clémenceau
"Nous voulons signer avec les grandes chaînes de chaque marché national"
Le très attendu Venice Project est devenu Joost. A sa tête, les anciens créateurs de Kazaa et de Skype affichent leurs ambitions : créer le plus important canal de diffusion de programmes télévisés sur Internet. Le directeur commercial Europe de Joost dévoile sa stratégie.
(18/01/2007)
 
JDN. Quelle est l'origine de Joost (ex Venice Project) ?
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Joost.com
Eric Clémenceau. D'un côté, il y a la télévision : le média de référence ultrapuissant. De l'autre, Internet, avec des sites, beaucoup de textes, un peu de photos et encore moins de vidéos, dont la qualité est médiocre. La télévision est confrontée à des problèmes nouveaux. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni notamment, les investissements publicitaires commencent à stagner, voire à baisser. Surtout ceux provenant des grands annonceurs. La France commence à entrevoir ce phénomène. Les annonceurs sont de plus en plus sceptiques quant à l'efficacité d'un spot publicitaire noyé au milieu de dix autres. Aujourd'hui, les téléspectateurs veulent suivre des séries télévisées. Mais regarder un jour par semaine à une heure donnée pendant plusieurs mois une série est presque impossible. Alors qu'Internet permet d'avoir ce qu'on veut à tout moment, avec des vidéos d'aussi bonne qualité que la télévision, grâce au haut débit. Joost, c'est ça. De la télévision plein écran, avec du contenu fourni par de télévision et enrichi par ce qu'offre Internet.

Quels services apporte Joost ?
Joost permet à ses utilisateurs de créer leur propre chaîne, comme une radio dont ils auraient constitué la playlist. Ils peuvent déplacer des contenus, enrichir leur espace, voire même visionner la chaîne créée par un autre. Qui plus est, Joost propose de noter les contenus, et de communiquer avec d'autres utilisateurs pendant que l'on regarde un programme, à la fois par la voix et par écrit. D'autres services verront le jour au fur et à mesure.

Comment les programmes sont-ils diffusés ?
Tout repose sur une technologie de peer-to-peer. Le contenu est streamé et partagé sur les ordinateurs des utilisateurs. Il n'y a donc pas de temps de téléchargement. Plus il y a d'utilisateurs, plus ça va vite, à l'inverse d'une diffusion en streaming depuis un serveur. Le principal intérêt de cette technologie est qu'à aucun moment le programme visionné n'est stocké sur la machine, et que chaque bout transitant sur le réseau est codé. Cela offre donc une garantie optimale aux télévisions et ayants droit que leurs contenus ne seront pas piratés, car il est impossible de les enregistrer. Nous avons d'ores et déjà plusieurs milliers de bêta-testeurs sur la plate-forme, et même sur grand écran la qualité est impressionnante. Nous n'avons pas rencontré beaucoup de bugs. Et dans 10 jours, nous ouvrons cette phase de tests à plusieurs dizaines de milliers de nouveaux testeurs.

Une plate-forme de peer-to-peer, à l'image de Kazaa, un service de chat audio façon Skype... les fondateurs se sont largement inspirés de leurs précédentes aventures !
Mieux, ils ont amélioré les technologies qu'ils ont créées. Niklas Zennstrom et Janus Friis détiennent toujours ces technologies via une société du nom de Joltid, ils ont donc pu en faire profiter ce nouveau projet. Une équipe de 80 ingénieurs a travaillé à constituer la plate-forme en utilisant des briques de Kazaa et de Skype.

Une marque pourrait créer sa propre chaîne, à l'image de ce qu'elle cherche à véhiculer"
Combien de personnes travaillent pour Joost et comment la société a-t-elle été financée ?
Joost est une équipe de 130 personnes, dont le siège est au Luxembourg, avec des locaux à Londres, Amsterdam, des ingénieurs à Toulouse, des équipes marketing à New York, et bientôt des bureaux à Paris et en Allemagne. Joost a été financée par ses deux fondateurs, qui ont investi plusieurs dizaines de millions de dollars dans l'aventure [Skype a été vendu 3,3 milliards de dollars à eBay, ndlr].

Quel accueil les chaînes vous ont-elles réservé jusque là ?
Toutes reconnaissent que l'on ne peut pas mieux faire niveau sécurité, et le passé des fondateurs est un gage de réussite et de sérieux. Nous nous présentons comme un nouveau canal de diffusion, servant à mieux rentabiliser leurs contenus, comme le sont le satellite et le câble. Les chaînes sont intéressées et leur accueil est plutôt bon. Elles ont devant eux le mauvais exemple de la musique qui a voulu aller à l'encontre des usages. Notre objectif est de signer des contrats avec les grands acteurs de chaque marché national. Plusieurs sont déjà en phase de test avec nous.

Comment, vous et les chaînes, gagnerez-vous de l'argent ?
Nous partagerons les recettes publicitaires avec les chaînes"
Par la publicité, car la plate-forme est entièrement gratuite d'utilisation. Nos partenariats prévoient que nous nous partagions les recettes. Si la chaîne veut commercialiser les espaces que nous lui proposons par sa régie, notre commission est inférieure. Si notre régie s'en occupe, notre commission est plus importante. Nous proposons des formats publicitaires télévisés classiques, mais aussi des liens sponsorisés. Comme le coût de diffusion est quasiment nul, on peut aussi imaginer qu'une marque crée sa propre chaîne, correspondant à l'image qu'elle cherche à véhiculer, avec des habillages et des formats spécifiques. Une marque pourrait aussi créer sa chaîne en se servant de ses propres vidéos, comme un constructeur automobile par exemple. En ce qui concerne l'Europe, nous comptons monter des régies en France, au Royaume-Uni et en Allemagne.

De plus en plus de chaînes de télévision sont payantes, comptez-vous vous adapter à elles ?
Nous n'excluons rien. Nous proposerons peut-être nous-même des services payants. Je peux dire que nous serons techniquement capables dans un mois ou deux de proposer la diffusion de chaînes en continu. Donc, pourquoi pas des chaînes payantes.

En France, les offres triple play proposent déjà des bouquets télévisés sur ADSL. Comment comptez-vous vous différencier ?
Il est vrai que ces offres sont très développées en France. Mais sont-elles bien rentabilisées ? En tout état de cause, les chaînes de télévision diffusées sur des box ADSL restent les parents pauvres de ces offres, alors que nous voulons en faire les parents riches en ajoutant une multitude de services.

D'où viennent les noms "Venice Project" et "Joost" ?
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A l'origine, le concept est né chez Niklas Zennstrom et Janus Friis avant même de lancer Kazaa. Après avoir vendu Skype, ils ont décidé de travailler dessus. Au tout début du projet, lors d'une séance de travail, ils lui ont donné le nom de Venice Project car la salle de l'hôtel dans lequel ils travaillaient s'appelait "Venice", tout simplement ! Joost a été choisi plus sérieusement. D'abord on procède par élimination, tout n'est pas forcément disponible. Ensuite, on les teste, on cherche les sens cachés dans toutes les langues, et on garde ceux qui ne veulent rien dire. Enfin, les tests utilisateurs ont montré que le mot commençait bien et se terminait bien. Et les "oo" sont en vogue. Donc Joost.
 
 
Propos recueillis par Frantz GRENIER, JDN

PARCOURS
 
 
Eric Clémenceau jouit d'une longue expérience dans le milieu télévisuel. Il a travaillé pendant 13 ans pour le groupe Time Warner, en tant que directeur Europe publicité où il a créé les régies pour CNN. En 2002, il est devenu directeur Europe de la société Massive, éditeur d'une technologie de publicité en ligne contextuelle pour les jeux vidéo.

  
 
 
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