INTERVIEW 
 

Philippe Le Fessant
Riyako Suketomo

Directeur général et directrice des études
InnovAsia Research
Phillipe Le Fessant & Riyako Suketomo
"Au Japon, le développement de la fibre optique fait fléchir celui de l'ADSL"
Spécialistes du marché japonais des NTIC, ces deux responsables du cabinet Innovasia-Research évoquent la révolution du haut débit au Japon et ses conséquences dans l'univers des services. Un marché qui a trois ans d'avance sur le nôtre.
(10/01/2007)
 
JDN. Quelles sont les différences quant aux usages des services mobiles entre la France, où l'on commence à parler de services 3G, et le Japon où ils sont déjà largement développés ?
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Philippe Le Fessant. D'une façon générale, il n'y a pas vraiment d'usages différents. Mais ils sont évidemment plus développés. Un des services qui connaît le plus grand succès en ce moment au Japon est la recherche d'itinéraires sur mobile. Très pratique pour les transports en commun. Le navigateur pour piéton est également en vogue. Il s'agit d'un système qui combine un plan avec une boussole intégrée au mobile qui permet de mieux se retrouver sur la carte puisqu'elle reste orientée dans la direction que l'on prend. Le service Chaku Uta Full permettant le téléchargement de titres de musiques complets marche aussi très fort. Particulièrement chez les jeunes, alors qu'un public plus âgé utilise davantage iTunes.

Riyako Suketomo. Les usages mobiles sont particulièrement développés au Japon, car la culture mobile est très forte. Pendant longtemps, se connecter à Internet par son PC coûtait plus cher que se connecter à Internet sur son mobile. La plupart des japonais ont envoyé pour la première fois dans leur vie, un e-mail depuis leur mobile. Le gens se sont donc vite adaptés aux services Internet mobiles.

7 millions de foyers japonais sont abonnés à la fibre optique"
La fibre optique est en plein boom au Japon. Comment ce marché s'est-il envolé ?
PLF : Le marché explose depuis trois ans. En 2006, la croissance du marché THD s'est accélérée alors que le marché de l'ADSL stagnait, voire fléchissait. 7 millions de foyers japonais sont abonnés à la fibre optique FFTH, contre moins de 15 à l'ADSL, et à des débits pouvant atteindre le Giga. Cette croissance est due principalement à des prix agressifs avec des offres inférieures à 50 euros.

En France, on se questionne beaucoup sur les services qui apparaîtront avec la fibre. Quels sont les services phares proposés au Japon ?
PLF : Il n'y a pas de 'killer app' sur la fibre optique au Japon. On voit cependant poindre de nouveaux services très intéressants. Un opérateur IPv6 propose par exemple un service de grid computing pour un programme de recherche afin de profiter de la puissance de calculs des PC et de la taille des réseaux lorsqu'ils ne sont pas utilisés. FAI vend son service à des professionnels et rétribue ses abonnés en retour.

RS : La situation est très différente entre la France et le Japon. La France est sans doute le pays le plus en avance au monde sur les offres triple play. Au Japon, la télévision sur Internet n'existe pas à cause d'inextricables problèmes de droits d'auteurs. Cela explique peut être le succès de GyaO, de la société Usen. Il s'agit d'un site produisant ses propres émissions et les proposant gratuitement aux internautes. Il compte désormais 10 millions d'utilisateurs, et se rémunère uniquement sur la publicité. Le business modèle est le même que pour une télévision classique, à part que les publicités peuvent être mieux ciblées en fonction des profils utilisateurs. Sur l'Internet japonais, les services les plus à la mode sont les sites web 2.0, comme ailleurs. Et les tentatives de télé-travail se multiplient.

Pour entrer au Japon, Il faut arriver avec quelque chose qui n'existe pas
Dans quels secteurs une entreprise française pourrait s'implanter au Japon ?
RS : Aucun !

PLF : C'est effectivement très dur. Il ne faut pas oublier que l'économie japonaise dépend très peu de ses échanges extérieurs. Ils exportent et importent peu. Une entreprise étrangère arrivant sur un créneau déjà occupé n'a quasiment aucune chance de percer. Il faut arriver avec quelque chose qui n'existe pas, comme Asterop et ses technologies d'optimisation de réseaux de points de vente, ou bien Atomiz qui semble trouver de bons échos à sa technologie d'encodage vidéo multi-formats et multi-terminaux.

Et à l'inverse, quel type de société japonaise pourrait être intéressé par le marché français ?
RS : Les entreprises japonaises exportent d'abord sur le marché asiatique comme la Corée du Sud, Taïwan ou la Chine. Le barrage de la langue et les problèmes de différences culturelles ne facilitent pas les implantations en Europe en règle générale.

PLF : Dans le domaine du mobile, les acteurs japonais gardent un mauvais souvenir de l'échec de l'implantation de l'i-mode en Europe. Notamment les producteurs et distributeurs de contenus qui pensaient profiter d'un appel d'air pour se développer en Europe. Certes, Index Corporation a bien racheté 123 Multimédia en 2004. Mais Index perd toujours de l'argent en Europe. Ses concurrents sont donc très prudents. Les entreprises japonaises n'ont pas profité de la première génération de contenus mobiles pour s'implanter en Europe. Mais peut être profiteront-ils de la seconde, avec les vidéos et les jeux et de nouveaux services Internet mobiles. Comme celui de vente aux enchères sur mobiles de l'opérateur KDDI, qui affiche 500.000 utilisateurs au Japon.
 
 
Propos recueillis par Frantz GRENIER, JDN

PARCOURS
 
 
Philippe Le Fessant est directeur général et co-fondateur de Jap-Presse dont la filiale, InnovAsia Research produit des analyses et des enquêtes sur les technologies de la société Ubiquitous et analyse les usages sur les marchés de la zone Asie-Pacifique.

   
 
 
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