INTERVIEW 
 
Jonathan Smith
Consultant
Atos Consulting
Jonathan Smith
"Un MVNO peut être rentable avec moins de 10.000 clients actifs"
Après des années d'investissement limité, les MVNO font de nouveau parler d'eux. Dans un livre blanc intitulé "La ruée vers l'or des exploitants de réseau mobile virtuel", Atos Consulting analyse les facteurs du dynamisme retrouvé de ces acteurs et leurs perspectives de croissance sur le long terme.
(21/12/2006)
 
JDN. Le livre blanc que vous avez publié en novembre pour Atos Consulting s'intitule : "La ruée vers l'or des exploitants de réseau mobile virtuel." Huit ans après le lancement du premier MVNO, il semble que ces acteurs font de nouveau parler d'eux dans le secteur des télécommunications. Quels sont les facteurs à l'origine de ce regain d'intérêt ?
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Jonathan Smith. Effectivement, après plusieurs années d'investissement limité dans le secteur des télécoms, les MVNO arrivent aujourd'hui à obtenir un soutien financier important, à l'image des nouveaux arrivants Helio et Amp'd aux Etats-Unis qui ont levé respectivement 440 et 260 millions de dollars.

Ce regain d'intérêt est lié à un certain nombre de caractéristiques du marché : une concurrence acharnée tout d'abord entre les opérateurs mobiles historiques qui voient dans les MVNO l'opportunité de gagner des parts de marché ; la réduction des barrières commerciales grâce à l'émergence de MVNE (Mobile Virtual Network Enabler); la restructuration de la chaîne de valeur où les MNO (opérateurs de réseaux mobiles) repensent leurs stratégies off-portal ; et enfin la déréglementation du marché, de façon naturelle comme au Royaume-Uni ou sous l'impulsion des autorités de régulation comme en France ou en Irlande.

Qu'entendez-vous par les opérateurs mobiles propriétaires de réseaux (MNO) "repensent leurs stratégies off-portal" ?

La position dominante des MNO évolue. La puissance des marques grand public (qui offrent souvent uniquement leurs propres contenus), les avancées technologiques dans la navigation mobile et la présence d'agrégateurs de contenus leur font prendre conscience que l'approche au contenu mobile de type "chasse gardée" n'est pas viable.

Un MVNE permet à un MVNO d'être rentable avec moins de 10.000 clients actifs."
Qu'est-ce qu'un MVNE ? En quoi l'émergence des MVNE a-t-elle constitué un facteur essentiel de la croissance récente des MVNO ?
Un MVNE (Mobile Virtual Network Enabler) est un autre intermédiaire dans la chaîne de valeur, un MVNO qui propose à d'autres MVNO ou à des marques des services mobiles en marque blanche. Concrètement, ils fournissent des solutions clés en main de back office (généralement pour l'approvisionnement, la facturation et la gestion des clients) susceptibles de réduire fortement les coûts et les délais de lancement d'un MVNO. Certains MVNE proposent également un modèle commercial hébergé pay as you go, aux termes duquel le MVNO paie une mensualité par abonné actif. Certains MVNE estiment qu'un MVNO qui utilise ce type de solutions peut réduire ses coûts techniques de 10 millions d'euros à 400.000 euros, réduire les délais de développement de 12 à 5 mois, limiter les coûts d'exploitation fixes d'un facteur de 10 à 15 et être rentable avec moins de 10.000 clients actifs.

Vous définissez deux catégories de MVNO : les MVNO proposant du contenu et les MVNO "no-frills". Quelles sont les différences entre ces deux modèles économiques ?
Les MVNO no-frills sont l'équivalent de Ryanair et d'Easyjet dans le domaine de la téléphonie mobile. Ils rivalisent principalement sur le prix, grâce à des coûts de mise en place relativement bas et des frais d'exploitation réduits. Les MVNO no-frills investissent généralement peu dans les systèmes d'arrière-guichet, leur infrastructure de réseau est nulle ou limitée et leur distribution à bas coût, soit uniquement via le Web soit via un réseau de distribution déjà existant. C'est pourquoi l'émergence des MVNE a constitué un facteur essentiel de leur développement. Ils proposent généralement des offres basiques d'appels à la minute et de SMS, parfois de carte SIM uniquement. A l'inverse, les MVNO basés sur le contenu sont des prestataires dont l'offre de service consiste à fournir du contenu numérique différentiant et à valeur ajoutée.

Les MVNO no-frills ne sont pas viables sur le long terme."
Quel modèle économique est selon vous viable sur le long terme ?
Malgré la récente croissance des MVNO no-frills et quelques belles réussites, comme Aldi en Allemagne, cette stratégie qui adresse un large public sans distinction n'est pas durable à longue échéance. Les opérateurs no-frills ne peuvent rivaliser que sur les prix. Cela entraîne une réduction des prix unitaires et des revenus moyens par abonné, et parfois une guerre des prix. A moins qu'ils ne soient soutenus par une marque forte ou une distribution à bas coût, je pense que les opérateurs no-frills devront changer drastiquement leur modèle commercial pour proposer des services et contenus qui les différencient.

Pouvez-vous nous citer quelques exemples d'offres différenciées ?
L'offre de contenus TV originaux de Amp'd aux Etats-Unis, le service de TV sur mobile de Virgin Mobile au Royaume-Uni, l'intégration du réseau communautaire MySpace sur les terminaux de Helio, ou encore le service de "social mapping" de Helio ou de Boost Mobile aux Etats-Unis qui permet aux utilisateurs de partager leur emplacement physique sur une carte avec d'autres utilisateurs.

La part de marché des MVNO varie de 0 % à 25 % selon les pays en Europe."
Quelle est la part de marché des MVNO en Europe ? Pensez-vous qu'il existe encore des opportunités pour de nouveaux acteurs ?
Certes, à mesure que le marché mûrit, la compétition augmente et les opportunités pour les nouveaux MVNO se réduisent. Les parts de marché des MVNO varient selon les pays, de 0 % en Italie à près de 25 % dans certains pays scandinaves. Ce niveau est cependant loin d'être atteint dans tous les pays d'Europe donc il reste de la place pour de nouveaux entrants. L'ampleur des opportunités et les stratégies requises diffèrent bien sûr selon les pays. La disponibilité croissante des réseaux 3G pourrait constituer le déclencheur de la prochaine phase de développement du marché.

Comment les MVNO peuvent-ils tirer avantage de la 3G ?
Les réseaux 3G devraient permettre aux MVNO d'obtenir un prix de gros inférieur pour les appels vocaux et les données, notamment de la part des nouveaux opérateurs 3G qui ont la nécessité financière de vendre en gros des capacités sur leurs réseaux et devenir des hôtes MNO. La 3G fournira en outre aux MVNO les moyens de proposer des offres de services différenciées et encouragera l'arrivée de nouveaux MVNO, issus notamment du monde de l'audiovisuel.

L'ARPU des MVNO augmentera grâce aux contenus."
Quel est le revenu moyen par abonné d'un MVNO ? Comment peuvent-ils le faire croître ?
Ce revenu varie fortement selon les pays et le degré de maturité du marché. En général, il tend cependant à être inférieur à l'ARPU des opérateurs de réseaux mobiles, notamment pour les MVNO no-frills. Je pense que l'ARPU des MVNO augmentera dans le temps grâce aux contenus à valeur ajoutée.

Quels sont les nouveaux acteurs les mieux placés, selon vous, pour prendre position sur le marché mobile : les marques grand public, les opérateurs du fixe ou FAI, les distributeurs de contenus ?
A moyen terme, l'accès à un contenu unique ou packagé sera un élément différenciant donc nécessaire. Mais pour le moment, les clés du succès pour les MVNO sont une marque forte et un bon réseau de distribution.

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Votre avis le marché mobile français : est-il dynamique en termes de concurrence ?
Oui, je pense qu'il existe de belles opportunités pour les MVNO.

Pensez-vous que "la ruée vers l'or des MVNO" soit parvenue à son terme en 2006 ?
Dans la plupart des pays de l'Europe de l'Ouest, oui.
 
 
Propos recueillis par Emilie LEVEQUE, JDN

PARCOURS
 
 
Jonathan Smith est devenu consultant principal chez Atos Consulting, après 13 années d'expérience dans le secteur des télécommunications.

Avant de rejoindre le groupe Atos, Jonathan Smith a exercé les fonctions de responsable marketing chez l'opérateur américian Cable & Wireless, en charge de la stratégie de prix, de vente et du développement des nouveaux produits.
et depuis,

Atos Consulting est le pôle conseil du groupe Atos Origin, éditeur de solutions de conseil, d'intégration de systèmes et d'infogérance.

   
 
 
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