INTERVIEW
 
Directeur
Wanadoo France
Jean-Claude Delmas
"La concentration du marché des FAI est inéluctable"
Wanadoo vient de présenter une série de nouveaux "services communicants" autour de la visioconférence, la messagerie instantanée et l'exploitation d'albums photos en ligne. L'image est, il est vrai, un thème à la mode chez France Telecom, puisque Thierry Breton vient de lui consacrer une conférence de presse. Filiale de plus en plus intégrée à la stratégie globale de France Telecom (en attendant d'éventuels mouvements capitalistiques), Wanadoo oeuvre sur un marché en pleine évoution où une bataille féroce se livre autour du haut débit. Jean-Claude Delmas, directeur de Wanadoo France, revient sur les enjeux actuels et futurs.
25 novembre 2003
 
          
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JDN. Libération indiquait la semaine dernière que Wanadoo préparait une offre de 1.024 Kilobits par seconde (Kb/s) pour moins de 30 euros. On peut en savoir plus ?
Jean-Claude Delmas. Nous attendons les nouveaux tarifs de réseau proposés par France Télécom à l'ART. Cela nous permettra de baisser nos tarifs car nos clients nous le demandent.

Pourtant, l'ART a validé le catalogue d'interconnexion 2004 de France Télécom. Vous ne savez pas comment les offres de Wanadoo vont évoluer ?

Cela concerne l'offre technique et tarifaire d'interconnexion de France Télécom mais pas directement Wanadoo. Nous avons toujours des interrogations sur sur les prix de réseau pour l'option 1, 3 et 5 (Lire l'article du JDN). Nous attendons la réponse de l'ART dans ce sens. Il est clair que nous envisageons une baisse des tarifs, en particulier pour notre offre 512 Kb/s. Mais je n'en sais pas plus.

La part de marché ADSL de Wanadoo s'effrite en France. Partagez-vous ce point de vue ?
Globalement, nous grignotons des parts de marché entre le bas débit et le haut débit. Nous montons parce que nous attirons de nouveaux internautes qui viennent directement sur l'ADSL et parce que le bas débit résiste bien. Sur le haut débit, nous baissons en termes d'acquisition, mais c'est un phénomène naturel lorsque l'on démarre avec une part de marché de 90%. En l'état actuel, nous estimons que notre part de marché ADSL se situe aux alentours de 60%. Nous pouvons compter sur notre marque qui est bien perçue et sur le potentiel d'innovation de France Télécom.

Comment analysez-vous le marché des FAI actuellement ?
Au niveau européen, sans surprise, T-Online est leader et Wanadoo occupe la deuxième position. La France compte encore une douzaine d'acteurs FAI. Actuellement, trois principaux acteurs "low costs" font une percée en termes d'acquisition de clients haut débit : 9 Télécom, Free et Télé 2. Telecom Italia vient d'arriver sur le marché français avec une nouvelle approche en termes d'offres. Ce sont ces acteurs que nous observons avec le plus d'attention. A terme, la concentration du marché des FAI est inéluctable.

Comment mesurez-vous le churn (le phénomène de perte d'abonnés) chez Wanadoo ?
Il y a en effet du churn. C'est un élément sensible et je ne peux pas tout révéler. Pour l'acquisition haut débit chez Wanadoo, nous réalisons un tiers en montée en gamme sur notre base clients (du bas débit vers le haut débit), un tiers de nouveaux accédants à l'Internet haut débit et un tiers proviennent de la concurrence. C'est intéressant de constater que deux tiers des internautes haut débit étaient déjà des internautes.

Un an après l'introduction d'offres dites haut débit à 128 Kb/s, quel bilan faîtes-vous ?
Nous ne communiquons pas précisément la segmentation 128 Kb/s, 512 Kb/s et 1.024 Kb/s. Mais je pense qu'une offre 128 K est très intéressante pour attirer de nouveaux internautes et les sensibiliser au haut débit. L'internet devient un marché très grand public. En conséquence, les segmentations vont être de plus en plus nombreuses. Nous allons pousser des offres dans les deux extrêmes du haut débit (moindre débit, très haut débit).

Dans le cadre de cette segmentation des offres, envisagez-vous de proposer des offres aux internautes haut débit qui consomment beaucoup de bande passante ?
C'est une des nombreuses pistes de réflexion que nous étudions en termes d'innovation marketing, mais rien n'a été décidé pour l'instant.

Pour 2004, la bataille ne tournera pas autour du 1.024 Kb/s ?
Je pense que l'offre 512 Kb/s restera centrale. On ne peut pas gâcher toute la valeur du réseau et disparaître. Il est normal que des concurrents émergents tentent des offres décalées dans l'Internet à très haut débit.

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Selon vous, l'offre 10 mégabits pour 30 euros de Pau Pyrénées entre dans cette dernière catégorie ?
Je suis très réservé sur l'usage de financement public pour développer une certaine concurrence. Je préfèrerais que l'on concentre les aides pour encourager les Français à se connecter à l'Internet. Le nombre d'internautes en France reste encore trop faible par rapport à d'autres pays européens.Il subsiste des freins psychologiques importants à lever autour de l'usage du PC.

La vente de packs Wi-Fi, ça marche bien ?
Wanadoo France a vendu 15.000 packs depuis le lancement de cette offre en mai. Nos filiales dans nos pays européens (Pays-Bas, Espagne et Royaume-Uni) ont déjà lancé ou sont sur le point de le faire. La commercialisation des offres couplées Wanadoo-Orange dans le domaine du Wi-Fi a également commencé. Les internautes Wanadoo peuvent désormais se connecter dans tous les hotspots Orange. Il subsiste quelques améliorations techniques à apporter. Par exemple, on observe des blocages en cas de passage par un routeur et de partage d'adresses IP entre systèmes communicants. Nous travaillons sur ces points avec France Télécom R&D. Ils seront résolus d'ici le début de l'année prochaine.

Entre France Télécom et le groupe TF1, comment Wanadoo va-t-il participer au projet TPS-L qui débute en décembre ?
Nous avons signé un accord de co-branding et de co-marketing avec TPS. Nous avons déjà des accords avec TF1, notamment à travers le déploiement de déclinaisons Internet de jeux télévisés comme Qui veut gagner des millions. Nous mettons également en avant le service vidéo haut débit du programme Star Academy et la chaîne LCI en live streaming.

Que représente le marché des services additionnels pour Wanadoo ?
Nous avons deux grands lignes de services payants qui marchent bien : les jeux sous toutes ses formes et les services pour les mobiles (logos, sonneries..). D'ici fin 2004, les services additionnels devraient représenter environ 10% du CA de Wanadoo.

Jusqu'où comptez-vous pousser le développement de services interpersonnels Internet haut débit sur Wanadoo ?
Nous percevons ce développement comme un continuum que l'on pourrait comparer à un système intégré de poupées russes qui comprend l'e-mail asynchrone, le Messager, Wanadoo Audio et Visio. Nous devons définir les services de bases inclus dans l'accès et des services complémentaires qui seront proposés aux clients.

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Comment comptez-vous concurrencer MSN Messenger avec votre propre déclinaison de messagerie instantanée Wanadoo ?
Il faut d'abord asseoir notre crédibilité dans ce domaine et il y a encore de la place sur ce marché. Nous allons d'abord travailler autour des différents supports : Internet, téléphones mobiles et fixes pour les rendre interopérables. Mais nous pouvons également engager des partenariats avec T-Online ou Tiscali afin de rendre ces solutions de messagerie instantanée compatibles. Nous sommes l'un des groupes fournisseurs d'accès Internet leader en Europe : nous savons comme négocier avec d'autres opérateurs européens et établir des liens de facturation avec nos clients.

Après la cession de Wanadoo Edition en octobre, comment vous repositionnez-vous sur les jeux vidéo en réseau ?
Wanadoo Edition faisait du off-line. Aujourd'hui, nous nous concentrons sur le développement des jeux online. Nous avons signé avec des grands acteurs pour les consoles de jeux comme Xbox et PlayStation 2 dans le cadre de la commercialisation de nos pack haut débit. Par ailleurs, nous développons des jeux massivement multi-joueurs comme Dark Age of Camelot (140.000 exemplaires du jeu vendus), pour lequel nous venons de sortir une extension gratuite (Foundations). L'année dernière, nous avions signé un accord avec l'éditeur de jeux vidéo Nevrax pour développer Ryzom en jeu massivement multi-joueurs, mais ce projet a été suspendu à la suite de bêta-tests insatisfaisants.

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Dans les usages haut débit, vous évoquez peu le recours aux services peer-to-peer de musique, qui sont pourtant très populaires. Quelle est la position de Wanadoo sur le sujet ?
Il n'y a aucune ambiguité sur le discours. Nous sommes favorables à un système légal de vente de musique. Nous avons mis en ligne un service Music Club dans ce sens avec le distributeur de musique en ligne OD2. Le développement des logiciels peer to peer nous intéresse mais nous condamnons le piratage musical par leurs intermédiaires. Mais nous ne tenons pas à surveiller la communication privée de nos utilisateurs. C'est un domaine qui doit être règlementé dans un cadre clair de pouvoir de justice.

 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Jean-Claude Delmas, 55 ans, est diplômé de l'Ecole supérieure des télécommunications. Il rejoint France Télécom dès les années 70 et n'a pas quitté le groupe de télécommunication depuis. Entre 1990 et 1992, il a occupé les fonctions de délégué TVHD pour le Groupe France Télécom et responsable des affaires satellites au sein du service des télécommunications de l'image. Dans la période 1992-1999, il prend la direction régionale France Télécom de Melun puis celle de Saint-Quentin-En-Yvelines. Toujours en 99, il prend les fonctions de directeur régional Val d'Oise-Yvelines après une réorganisation liée à la fusion des directions de Cergy et Saint-Quentin-en-Yvelines. En avril 2003, Jean-Claude Delmas a pris les fonction de directeur de Wanadoo France (Lire l'article du JDN du 24/04/03).

   
 
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