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Jean-Rémi Gratadour
Chargé de mission
Club-Sénat / Irepp |
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Jean-Rémi Gratadour
"L'e-commerce est un laboratoire pour la logistique moderne"
Gestion des stocks en flux tendus, traçabilité, rapidité de livraison sont autant de nouveaux défis que le commerce électronique doit relever au quotidien. Jean-Rémi Gratadour, auteur d'un rapport sur l'e-logistique commandé par le Club Sénat et l'Irepp (Institut de recherches et prospective postales), revient sur les transformations en cours et les améliorations à apporter.
(02/02/2005) |
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JDN.
Pourquoi ce rapport sur la logistique du commerce électronique
? Qui en est l'initiateur ?
Jean-Rémi Gratadour. Ce rapport a été
initié par le Club.senat.fr dans le cadre de ses
travaux de réflexion et, plus particulièrement,
par le groupe de travail 'logistique' présidé
par le sénateur Alex Türk, également
président de la CNIL. En fait, il poursuit trois
objectifs : déterminer si le commerce électronique,
qui se développe aujourd'hui rapidement, correspond
à une nouvelle forme de distribution, si oui quelle
est-elle, et quels sont les principaux obstacles à
son déploiement. Le but de cette démarche
étant, in fine, de sensibiliser le législateur
à cette problématique et d'aboutir à
une recommandation qui puisse rapidement être suivie
des faits, ne serait-ce qu'auprès de la Poste.
Et quelles sont vos principales
conclusions ?
Grâce à l'audition d'une quinzaine d'e-commerçants,
nous en sommes venus à la conclusion que non seulement
ce secteur en plein développement avait contribué
à redynamiser la vente à distance en lui
ouvrant un canal supplémentaire, mais également
que l'on assistait à une hybridation des canaux
de distribution. Le commerce électronique n'est
plus conçu par les e-marchands comme un canal de
vente spécifique. Au contraire, il est de plus
en plus souvent articulé avec les autres formes
de distribution, que ce soit la vente à distance
ou encore un réseau de magasins. Ce qui n'est pas
sans poser un certain nombre de problèmes, notamment
en termes de cohérence commerciale entre les différents
canaux de distribution. Cela pousse les marchands à
des réorganisations commerciales et logistiques.
Quelle est la
nature de ces réorganisations logistiques ?
Elles touchent essentiellement la logistique en amont,
c'est-à-dire la relation avec les fournisseurs,
la manutention de chaque étape depuis la réception
des produits jusqu'à leur expédition, en
passant par la préparation de commande, ainsi que
la bonne gestion des stocks. Si Internet ne bouleverse
pas ces fondamentaux, il a introduit de nouveaux paramètres.
Le premier d'entre eux est la vitesse. Il est tellement
facile et rapide d'acheter en ligne que les internautes
s'attendent à recevoir tout aussi rapidement leurs
colis. Or le temps de livraison dépend fréquement
des délais fournisseurs.
Pour rémédier à ce problème
et respecter leur promesse en matière de livraison,
certains e-commerçants ont mis en place des stocks
tampon. D'autres utilisent certains de leurs magasins
pour faire du picking et réduire ainsi le temps
de préparation. Ce qui induit forcément
une nouvelle organisation logistique et des arbitrages
entre les différents canaux de distribution pour
que l'ensemble soit perenne et cohérent. Enfin,
pour une meilleure gestion des flux, certains e-commerçants
tentent de convaincre leurs fournisseurs d'interfacer
leur système logistique avec les leurs.
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La
modernisation des systèmes logistiques
n'est pas facile à faire accepter aux
transporteurs." |
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Parallèlement, Internet induit de nouvelles attentes
de la part des internautes, comme le suivi de commande.
Ce qui pousse les e-commerçants à mettre
en place des technologies de tracking des colis, chez
eux mais aussi chez les transporteurs, ce qui n'est pas
toujours facile à faire accepter. En fait, d'une
manière générale, le commerce électronique
est aujourd'hui le laboratoire du commerce moderne. C'est
particulièrement vrai de la logistique, car l'e-commerce
pousse en quelque sorte la modernisation de ce secteur.
Quel est le rôle de la
LCEN dans cette réorganisation ?
La Loi pour la confiance dans l'économie numérique
fait du e-commerçant, et plus généralement
du vendeur à distance, l'interlocuteur unique du
consommateur. Elle devrait donc encore renforcer le contrat
moral qui engage l'e-commerçant avec son client,
et contribuer ainsi à améliorer encore l'efficacité
de la logistique du commerce électronique.
Quels sont aujourd'hui les
principaux points noirs de cette logistique pour les e-commerçants
?
Les auditions que nous avons menées auprès
d'un panel d'e-commerçants nous ont permis d'identifier
trois grandes familles d'obstacles. La première
difficulté concerne la normalisation des échanges
de données avec l'ensemble des fournisseurs. A
cela vient s'ajouter les incidents de livraison, tels
que les retards ou les échecs de livraison, la
détérioration des objets, la non conformité
des produits, ou encore les vols et les pertes. Outre
leur nombre, ces incidents sont également problématiques
car il n'est pas toujours facile d'identifier leur nature
et leurs causes et de trouver une solution rapide au problème.
Enfin, les e-commerçants déplorent également
la complexité administrative et fiscale en matière
de TVA et de formalités douanières.
Quelles pourraient-être
les solutions à ces difficultés ?
Nous proposons de créer un dispositif de concertation
permettant à l'ensemble de la profession de rencontrer
les acteurs logistiques, et plus particulièrement
la Poste, afin de travailler, dans un premier temps, à
l'amélioration de la livraison. L'objectif étant,
in fine, de réduire par exemple les taux de mise
en instance des colis dans un bureau de poste, d'améliorer
la traçabilité du colis, de simplifier les
procédures en cas de perte ou de vol, de diminuer
le délai d'enquête postale, et d'aboutir
à la mise en place d'un "contrat type"
entre les logisticiens et les e-commerçants. |
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Propos recueillis par Anne-Laure BERANGER, JDN |
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PARCOURS
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Jean-Rémi Gratadour, 33 ans, est titulaire d'un DEA de philosophie complété par une formation supérieur en économie.
1996 : éditeur, producteur multimédia chez Hachette, en charge des CD rom ludo-éducatifs.
1998 : il rejoint l'Institut de Recherches et prospective postales (IREPP) en tant que chargé de mission.
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