JDN.
Qu'attendez-vous de la fête de l'Internet, pendant laquelle
vous êtes très présente ?
Claudie Haigneré.
J'ai le grand honneur de porter l'ensemble de la politique
Internet et nouvelles technologies du gouvernement,
et plus particulièrement d'être la marraine de la fête
de l'Internet. Cette année, elle dure toute une semaine,
et non plus trois jours, car il nous a semblé important,
dans ce rôle de promotion de l'Internet pour tous, d'avoir
du temps pour que tous accèdent à la diversité des contenus
et des usages, notamment ceux qui ne le peuvent pas
ou n'en ont pas le réflexe.
Quels
points forts retenez-vous ?
Je retiendrai trois actions-phare de
la part des pouvoirs publics : les fonctionnaires pourront
se libérer une heure pendant la semaine pour se former
"par compagnonnage" avec des collègues plus chevronnés.
Par ailleurs, un coup d'accélérateur est donné cette
année à l'opération "Internéthon" de l'AFNET, qui permet
de recycler des ordinateurs non utilisés dans les administrations
vers des associations éducatives et d'insertion. Enfin,
nous avons monté un "e-Village" à la Cité des Sciences
et de l'Industrie. Mais je rappelle que la fête de l'Internet
comporte 1.200 opérations dans toutes les régions.
Il
y a eu plusieurs appels au boycott de cette fête. Que
vous inspirent-ils ?
J'ai été confrontée il y a quelques jours
à ces prises de position de la part de certains pionniers
de l'Internet. Je reconnais qu'ils jouent un peu le
rôle de vigiles sur le Web, sur ses règles de fonctionnement,
ses usages. Ils sont très présents dans l'animation
des réseaux. Mais je déplore le fait qu'on propose un
boycott, parce qu'au contraire la fête de l'Internet
peut permettre de démultiplier l'accès.
Le
récent projet de loi numérique a suscité de vifs débats.
Que pensez-vous des décalages qui sont apparus ?
Je voudrais rappeler un élément en particulier
: la communication sur Internet ne saurait être assimilée
à une communication audiovisuelle, sauf bien sûr en
ce qui concerne la diffusion de radio et de télévision.
Je souhaiterais insister sur le fait qu'on doit être
très clair sur le caractère hypersensible des contenus
répréhensibles et manifestement délictueux. (la pédophilie,
l'incitation à la haine raciale, l'apologie de crimes
contre l'humanité). Mais entre un délit comme ceux que
j'ai mentionnés et un délit de contrefaçon, il y a une
différence de nature évidente. C'est le discours politique
que l'on va porter vis à vis de nos concitoyens et,
si besoin est, lors de la seconde lecture de la loi
sur la confiance dans l'économie numérique. Nous serons
obligés d'avoir cette discussion.
Vous
attendiez-vous à un débat aussi sensible ?
On est conscient qu'on doit être d'avantage
à l'écoute de ce qui s'est exprimé et je pense que cette
écoute, vous l'avez au sein du gouvernement. Maintenant,
il faut trouver la bonne façon de formuler les choses.
Quand les règles du jeu ne sont pas bien définies, il
faut parfois les peaufiner.
A
quels autres projets gouvernementaux allez-vous vous
attacher ?
Je suis de près la transposition de la
directive sur les droits d'auteur dans la société de
l'information. C'est un sujet intéressant à plusieurs
titres, en particulier pour le ministre délégué à la
Recherche que je suis, puisqu'il comporte une "exception
pédagogique et de recherche" qui ouvre la voie à la
société de la connaissance pour tous, au rayonnement
international de nos universités et à une meilleure
diffusion de nos travaux de recherche. Des universités
doivent pouvoir proposer leurs cours en ligne, c'est
nécessaire pour leur rayonnement international alors
que la concurrence est toujours plus forte entre universités,
et pour le rayonnement de la culture et du savoir francophones.
Nos auteurs, nos sociétés d'auteurs, nos "industries
culturelles" doivent participer à ce grand dessein,
l'accès à la connaissance universitaire et scientifique
en ligne. C'est un travail d'Encyclopédie numérique
du XXI° siècle, comme celui mené autrefois par les mouvements
encyclopédistes.
Qui
doit superviser l'ensemble Internet ?
Beaucoup de débats et de réflexions doivent
être menées, mais il a sans doute une place pour une
structure consultative de "sages", qui viserait à éclairer
les choix de la puissance publique sur les usages d'Internet.
Le Forum des Droits sur l'Internet a commencé à jouer
un rôle en ce sens et pourrait trouver sa place dans
un tel dispositif.
Vous
envisagez une nouvelle structure ou une adaptation du
Forum actuel?
Je crois qu'il faut réfléchir. Le Forum
des droits sur l'Internet a déjà un rôle bien structuré,
mais il faut voir maintenant comment il peut s'intégrer
dans une structure qui serait effectivement placée au-dessus.
Vous
êtes ministre des Nouvelles technologies mais on vous
a finalement moins entendue que d'autres ministres dans
ce domaine. Quel bilan tirez-vous des premiers mois
de l'action gouvernementale ?
Plusieurs actions ont déjà été menées.
Dès notre arrivée, nous avons souhaité prolonger
l'impulsion qui avait été donnée. En ce qui concerne
le premier élément du discours du Premier ministre sur
le plan Reso 2007, l'accès à l'Internet, je retiens
la baisse des tarifs des forfaits Adsl, qui a donné
une formidable accélération au nombre d'abonnés. On
s'est fixé un objectif ambitieux avec 10 millions d'abonnés
à haut débit à l'horizon 2007. La baisse de l'Adsl a
permis de donner l'impulsion puisque nous sommes actuellement
le deuxième pays européen dans la connexion haut débit.
Je retiens aussi la libéralisation du Wi-fi, que ce
soit via les hot-spots ou plus largement en matière
d'aménagement du territoire. Un volet du Ciadt de décembre
2002 a été consacré à ce dernier, avec à la fois des
fonds pour les technologies alternatives et des modifications
au niveau réglementaire, en particulier la possibilité
pour les collectivités locales de devenir des opérateurs
en cas de carence. Un autre aspect, plus européen, est
que la commission européenne a fait connaître son accord
pour qu'au niveau français puissent être utilisés les
fonds Feder aux fins de faciliter le déploiement des
réseaux haut-débit des collectivités locales. .
Et
quelles priorités vous fixez-vous dans les prochains
mois?Où souhaiteriez-vous imprimer votre marque
?
Très clairement, apporter une impulsion
à la promotion des usages. Je ressens très profondément
qu'il faut élargir la connaissance, la diffusion. Au
sein du comité interministériel pour la société de l'information,
le Cisi, j'aimerais pouvoir amener des mesures concrètes
pour améliorer cette liaison avec le grand public.
Vous
voulez humaniser les nouvelles technologies ?
Je veux favoriser le partage et la diffusion
des connaissances et des savoirs. La fête de l'Internet
révèle s'il en était besoin les usages multiples dans
les domaines de la santé, de l'assistance aux handicapés,
en matière de culture, d'éducation. Il faut que chacun
se sente bien avec l'Internet, que ce soit un lien complémentaire
à d'autres liens, que l'intenaute ait confiance dans
cet outil et qu'il sache l'utiliser.
Concrètement,
qu'allez-vous faire ?
Beaucoup de travail interministériel,
j'allais dire bi-ministériel, en tandem. Aujourd'hui
j'étais avec Chistian Jacob pour Internet et famille.
Le thème Internet et handicap est riche et tout ce qu'apportent
les nouvelles technologies aux handicapés est vraiment
remarquable. Il y a beaucoup de choses à faire avec
l'Education nationale dans les écoles, dans l'enseignement
supérieur, avec le monde de la culture, dans le télétravail.
Et, pourquoi pas, aborder la spécificité de la femme
dans son utilisation de l'internet. Il y a donc de multiples
domaines que j'aimerais pouvoir porter, faire connaître.
Ce sera ma mission principale.
Qu'est-ce
que vous aimez et n'aimez pas dans l'Internet ?
Je l'aime de plus en plus, au fur et
à mesure où je le découvre en étant à ce ministère en
charge des nouvelles technologies. Comprendre comment
ça marche, quels sont les problèmes des acteurs, des
hébergeurs, être à l'écoute de ceux qui l'utilisent
et de ceux qui le font. A travers ces connaissances
supplémentaires, j'ai trouvé plus d'attrait à
l'Internet. Tout en sachant que la notion de civilité
sur le Net est indispensable à une bonne appropriation
des usages. Et c'est une valeur que j'aimerais vraiment
faire passer.
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