INTERVIEW
 
Président
Europ@web-Zebank
Philippe Jaffré

Nommé en octobre 2000 président du directoire de Zebank, la banque en ligne détenue à 80% par le Groupe Arnault et à 20% par Dexia, Philippe Jaffré semble être devenu l'homme de la "providence" concernant les investissements Internet du patron de LVMH. En décembre dernier, c'est lui qui a repris les rênes d'Europ@web, la holding financière Internet de Bernard Arnault auparavant pilotée par Chahram Becharat.
Quinze jours avant cette nomination, Suez était entré à hauteur de 30%, le Groupe Arnault s'engageant à injecter 300 millions d'euros dans le consortium UMTS Suez-Telefonica. Mais après avoir entre-temps renoncé à une licence UMTS, Suez a revu en mai dernier sa participation dans Europ@web à la baisse, à hauteur de 18%.
Dans le même temps, les premiers arbitrages de Philippe Jaffré parmi les 46 participations détenues par Europ@web se dévoilent progressivement. Net4Students a ainsi fermé ses portes, tandis qu'Ukibi et Marketo étaient partiellement cédées à Vivendi Universal. Le début d'un long processus. 26 juin 2001

 
          

 

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JDNet. Zebank a été lancée en février dernier. Quel bilan tirez-vous après ces quatre premiers mois d'activité ?
Philippe Jaffré. Je crois que l'on peut parler d'un succès commercial et technique. Au 30 juin, nous allons atteindre 17.000 clients inscrits pour 35.000 comptes ouverts, le tout avec un encours moyen de 4.000 euros par client. Nous sommes donc en ligne pour atteindre notre objectif de 60.000 clients inscrits sur la première année d'exercice. En ce moment, nous ouvrons quotidiennement 800 comptes pour 400 nouveaux clients par jour.

Comment se caractérise aujourd'hui la clientèle de Zebank ?

A ce jour, les deux tiers de nos clients sont dans la tranche d'âge des 25-49 ans. 44% sont des cadres et 22% des étudiants. Nous sommes donc sur une cible très dynamique et plutôt urbaine. Un autre paramètre est également assez remarquable : 17% des clients de Zebank n'utilisent ni le mail ni le Web et s'appuient donc entièrement sur le téléphone.

Quel est l'objectif de rentabilité pour Zebank ?
Nous restons sur la même projection, c'est-à-dire 260.000 clients inscrits à l'horizon 2004. Avec nos 17.000 clients actuels, nous sommes sur le bon rythme.

Pour atteindre cet objectif, Zebank va-t-elle continuer à multiplier les opérations marketing, à l'image des partenariats Amazon, Telemarket et bientôt Shell ?
En terme de communication, nous avons atteint notre premier objectif : faire de Zebank une marque établie. Maintenant, il s'agit de montrer les différents avantages de Zebank en proposant des offres très variables et renouvelées régulièrement. Il faut être inventif dans le marketing. Pour cette raison, nous avons décidé d'être aussi bien présents dans les universités que dans les stations services. Nous croyons également beaucoup dans le bouche à oreille. 10% de nos clients arrivent ainsi grâce à notre opération de parrainage.

Certaines banques traditionnelles soulignent régulièrement que le modèle 100% Internet n'est économiquement pas viable en raison des coûts marketing et des taux proposés. Que cela vous inspire-t-il ?
C'est une réaction assez humaine, le fameux "cela ne marchera jamais". Ces mêmes banques expliquaient il y a un an que techniquement, une banque en ligne était impossible à mettre en place. Elles se sont trompées. Puis, il y a six mois, elles expliquaient que les banques en ligne n'auraient jamais de clients. Elles se sont encore trompées. Maintenant, elles s'attaquent à la rentabilité...

Quels rapports entretenez-vous avec Dexia, qui dispose de 20% du capital de Zebank ?
Les rapports sont extrêmement bons. Dexia a apporté beaucoup d'expertise pour la mise en place de Zebank. C'est aussi un partenaire très fort qui crédibilise notre offre à la fois vis à vis de la clientèle, du monde bancaire et des autorités de tutelle. Dans le même temps, cette participation permet à Dexia d'avoir un oeil sur les développements Internet dans le monde bancaire.

Parmi les concurrents de Zebank, ING et Bipop ont relevé leur taux ces derniers mois. Allez-vous surenchérir ?
Le taux de 5,10% garanti que nous proposons nous permet de gagner de l'argent. Nous ne voulons pas entrer dans une compétition effrénée pour mettre au point une simple offensive marketing. Mais il y a un autre aspect à prendre en compte : ce qui est scandaleux aujourd'hui, ce n'est pas le fait que les banques en ligne proposent des taux supérieurs à 5% mais que les Livrets A soient rémunérés à 3,5%.

En décembre dernier, vous avez également repris la présidence d'Europ@web. Quel vision portez-vous sur son portefeuille ?
Le portefeuille d'Europ@web est très riche. Il y a des sociétés plus ou moins matures, certaines étant encore en cours de développement. Pour elles, cela reste parfois très difficile de se construire, de savoir gérer à la fois les ressources humaines, l'administratif et le commercial. Surtout dans une période où les financements sont plus délicats à obtenir. Cela implique donc des arbitrages.

Et selon quels principes ?
Il y a tout d'abord des modèles qui démontrent leur limite, soit parce que les coûts de production sont trop importants, soit parce le modèle même n'est pas viable. Je pense notamment aux places de marché ou aux activités entièrement dépendantes des ressources publicitaires. Aujourd'hui, l'Internet se structure et ne peut supporter que des projets à la rentabilité certaine.

A quel horizon fixez-vous cette rentabilité pour les participations Europ@web ?
Au maximum sur un horizon de deux à trois ans.

Souhaitez-vous privilégier les investissements technologiques au sein du portefeuille ?
Le plus important reste la viabilité du modèle et le fait de se placer dans un investissement dans la durée. Dans cette logique, les contenus et les services peuvent également trouver une véritable valeur ajoutée.

La qualité des managers est souvent montrée du doigt parmi la première génération de start-up. Dressez-vous le même constat ?
Je respecte énormément les chefs d'entreprises, ceux qui ont été capables de créer des sociétés. Ces créateurs ont souvent affronté des milliers de problèmes à la fois avec un véritable dynamisme. C'est une expérience très enrichissante mais dans laquelle il n'est pas toujours facile de savoir manager.

En mars, vous avez cédé certaines participations à Vivendi Universal. Comment se sont déroulées les négociations ?
Elles se sont très bien déroulées. Ce sont des participations qui intéressaient Vivendi Universal pour ses propres activités multimédia et pour certaines perspectives d'intégration. Financièrement, ces cessions ont été extrêmement rentables pour Europ@web.

Comment fonctionne le tandem Europ@web-Suez ?
Suez dispose aujourd'hui de 18% du capital d'Europ@web suite à l'abandon de la licence UMTS. Y retourneront-ils ? Je ne le sais pas, mais cette participation leur permet en tout cas d'avoir une veille dans les technologies et le contenu.

Votre prédécesseur, Chahram Becharat, indiquait en mars 2000 dans une interview au JDNet qu'Europ@web était conçu comme un "groupe industriel". Est-ce votre point de vue ?
J'ai un léger doute sur ce modèle industriel. Il aurait fallu plus de cohérence dans le portefeuille et un contrôle très majoritaire sur l'ensemble des participations pour arriver à cette notion de groupe industriel. Je pense plutôt qu'Europ@web était plus proche de la notion d'incubateur.

Quelles sont vos relations avec Bernard Arnault ?
Nous nous voyons tous les quinze jours pour faire le point. Bernard Arnault est toujours très présent et très attentif sur Europ@web.

Avec votre expérience, quel regard portez-vous sur la Nouvelle économie ?
C'est un sentiment très positif, une expérience très enrichissante. Mais je ne suis pas de ceux qui, à chaque évolution ou révolution technologique, se laissent entraîner par un engouement débordant avec pour seule optique de faire de l'argent facile. Internet a d'abord été victime des spéculateurs. C'est un mécanisme assez classique quand un marché apparaît. Maintenant, nous sommes dans une période de restructuration avec de véritables projets.

En novembre dernier, vous avez lancé à titre personnel Stock-Option.fr, un site dédié au conseil et à la gestion des stock-options. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Le site fonctionne très bien et a réussi à toucher sa cible. Nous enregistrons environ 800 visiteurs par jour. Le service d'intermédiation, qui permet aux internautes d'entrer en contact avec des banques pointues sur la gestion des stock-options, est également très apprécié.

 
Propos recueillis par Ludovic Desautez

PARCOURS
 
Philippe Jaffré est le Président-directeur général de la filiale commune Europatweb-Suez Lyonnaise des Eaux depuis décembre 2000. Il est également Président du Conseil de Surveillance de Zebank depuis octobre 2000. Auparavant, d'août 1993 à octobre 1999, il était PDG d'Elf-Aquitaine jusqu'à son rapprochement avec TotalFina. De 1988 à août 1993, il était directeur général du Crédit Agricole, et, de 1978 à 1988, haut fonctionnaire à la direction du Trésor du ministère de l'Economie et des finances et conseiller du ministre pour la politique monétaire et financière et les privatisations (de 1986-1988). Philippe Jaffré est ancien élève de l'ENA, de l'IEP Paris et de la faculté de droit de Paris. Il a publié un ouvrage en 1994 : "Monnaie et politique monétaire" (Editions Economica).

   
 
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