INTERVIEW 
 
Patrick Kervern
Directeur marketing Europe continentale et Moyen-Orient
Factiva
Patrick Kervern
"La blogosphère rend indispensable la veille informationnelle"
La société Factiva compile et étudie les informations qui circulent sur les entreprises au niveau mondial. Un métier transformé par la montée des blogs et des médias interpersonnels. Son directeur marketing Europe analyse ce mouvement.
(09/12/2005)
 
JDN. Pouvez-vous présenter Factiva en quelques mots ?
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 Factiva
 Patrick Kervern
Dossier Blog
Prestataires Veille
Patrick Kervern. Factiva est une filiale des agences d'information Reuters et Dow Jones. Nous fournissons aux sociétés qui le souhaitent de l'information stratégique, sur ce qui se dit d'elles dans les médias. Nous faisons en quelque sorte de la veille informationnelle. En échange, nous payons des royalties aux médias que nous utilisons, après des accords que l'on passe avec chacun d'entre eux. A partir de 2001, nous nous sommes intéressés à Internet et nous avons commencé à agréger l'information qui y circulait. C'était l'époque des Enron, des Worldcom, et de nombreuses sociétés importantes venaient nous voir et réclamaient une attention accrue envers le Web.

Quel est votre chiffre d'affaires, votre zone d'activité et combien de clients avez-vous ?
Nous sommes présents dans 34 pays et embauchons 800 personnes à travers le monde. Nous réalisons un chiffre d'affaires total de 250 millions de dollars, avec 1,5 million de clients finaux. Nous travaillons notamment pour 84 % des 500 plus grandes sociétés mondiales, classées dans le Fortune 500.

Qu'a changé Internet dans vos activités de veille ?
Cela a d'abord décuplé notre base de données, qui est aujourd'hui de 375 millions d'articles de presse traditionnelle, 3,2 millions de blogs et 11.000 sites Web. Ce qui nous a fait réfléchir à la manière d'organiser l'information. Désormais, les entreprises ne peuvent plus avoir une vision exhaustive des informations qui circulent sur elles sur Internet. La blogosphère rend indispensable la veille informationnelle. Il a donc fallu s'adapter et créer des instruments à la mesure du phénomène. Ainsi, nous proposons des alertes sur des mots-clés, des thèmes, des phrases-clés, qui permettent à l'entreprise de rester informée sur un secteur d'activités, un sujet, ou une société. Nous accordons encore plus d'attention à la manière dont nous rendons compte de l'information à nos clients, en mettant l'accent sur le graphisme. Cela se présente sous forme de tableaux, d'histogrammes qui indiquent à la société sa présence dans les médias, la compare à ses concurrents, etc.

Vous avez sorti récemment une solution centrée sur Internet et qui intègre les informations publiées sur les blogs. Pourquoi ?
C'est une évolution logique d'Internet : une société est désormais citée des millions de fois et ne peut tout contrôler. Encore moins sur un blog, ouvert aux commentaires, plus difficilement repérable, mais extrêmement puissant car les informations y circulent vite. Prenons l'exemple de Sony, qui commercialisait des CD protégés qui installaient un logiciel de gestion des droits numériques. Certains blogueurs ont alors commencé à répandre l'information, certains commentaires étant particulièrement enflammés contre Sony. Dès le lendemain, l'information a été reprise par plusieurs médias en ligne. Face à ces critiques et à ces conséquences négatives pour la société, Sony a reculé et a retiré les CD protégés.

En quoi consiste cette solution ?
Notre solution s'adresse donc avant tout aux dirigeants, aux directeurs de la communication qui, ainsi, peuvent adapter leur message avant qu'un scandale n'explose.

3,2 millions de blogs et 11.000 sites Web agrégés"
N'est-il pas impossible de couvrir tout ce qui se dit sur les blogs, par définition mobiles et changeants ?
C'est certain, on ne peut pas tout contrôler. Mais, si l'on écarte les blogs inactifs ou peu mis à jour, on restreint déjà considérablement la zone d'action. On estime le nombre de blogs à 18 millions dans le monde, mais 60 % d'entre eux sont inactifs. Et, si l'on ne prend en compte que les blogs mis à jour quotidiennement ou au moins de manière hebdomadaire, on descend à quelques centaines de milliers. Notre solution, Factiva Insight Reputation Intelligence, agrège les 3,2 millions de blogs considérés comme les plus influents dans le monde. En plus, nous y ajoutons 11.000 sites Web et une bonne partie des forums.

Selon vous, en quoi les blogs ont-ils changé la communication des sociétés ?
Au départ, la vie d'une société était simple : dans ses relations extérieures, elle devait délivrer de l'information aux journalistes, aux analystes. Quand elle le souhaitait, elle publiait un communiqué de presse. Désormais, les consommateurs s'expriment sur leurs marques, leurs produits, sans leur demander leur avis. Cela a fortement complexifié la relation, mais c'est aussi un formidable outil de connaissance, de vision sur le marché, sur l'opinion des consommateurs.

Comment réagissent les sociétés en cas d'alerte ?
Cela peut être néfaste pour une entreprise"
Il y a deux sortes de réactions, défensives et offensives. Mais la contre-attaque est rarement la bonne solution. Nous avons l'exemple d'un blogueur qui avait publié la façon d'ouvrir un anti-vol sur son blog. La société qui était en cause l'a attaqué, mais la blogosphère a fortement réagi et l'a défendu. En termes d'images, cela peut être néfaste pour une entreprise. Il vaut mieux éviter également d'avancer masqué, de publier par exemple des commentaires de réaction sans les signer.

Quelle est, dès lors, la meilleure façon d'aborder la "blogosphère" pour une entreprise ?
Dans tous les cas, mieux vaut raisonner en termes d'image, plutôt qu'en termes juridiques. Il faut jouer la transparence. Le meilleur exemple nous a été donné dès 2001. A l'époque, les blogs n'étaient pas encore vraiment développés. Cela se passait le 11 septembre, à New York : un salarié de Starbucks avait refusé de donner de l'eau aux ambulanciers et souhaité la leur vendre. La rumeur s'est vite propagée sur Internet, sur des sites personnels puis sur les sites d'information, jusqu'à se propager aux grands médias du pays. La direction de la société n'a pas tardé à réagir : ils n'ont pas cherché à nier les faits et ont présenté leurs excuses, acceptées alors par les consommateurs. C'est ce qui s'appelle une bonne gestion de crise via Internet.

Les marques de grande consommation sont les plus exposées"
Y a-t-il des secteurs plus concernés que d'autres par la veille informationnelle sur le Web ?
Ce sont, en général, les plus grosses sociétés qui sont les plus exposées. En particulier les sociétés cotées, pour lesquelles chaque information peut avoir des conséquences importantes sur le cours de Bourse. Bien sûr, les marques de grande consommation s'exposent d'autant plus. Ainsi, parmi nos clients, nous avons beaucoup de grandes marques d'alimentaire, de santé, de pharmacie, des sociétés positionnées sur les biens courants.

Quel est l'état du marché de la veille informationnelle, en particulier sur Internet ? Quels sont vos concurrents ?
Le positionnement sur ce marché est compliqué car il s'agit d'un travail de longue haleine pour constituer une base de données solide. En ce qui nous concerne, nous avons passé des accords avec des journaux du monde entier depuis 30 ans. Il s'agit de relations commerciales entretenues au fil du temps par notre équipe de consulting. Pour nous, il s'agit essentiellement, désormais, de raffiner notre offre.

Quelles sont justement les pistes de développement auxquelles vous réfléchissez actuellement ?
Notre souci principal est de toujours étendre notre couverture. Mais aussi d'analyser les résultats que l'on obtient dans notre base de données. Ainsi, notre but est de comparer les informations que l'on recueille dans les médias, sur les sites, et de les corréler ensuite aux chiffres de ventes de nos clients, afin de prouver l'impact des sites, des blogs, des forums de discussion sur la politique commerciale.

Après les sites Web, les forums, les blogs, quelles seront les prochaines sources d'information sur Internet, et celles recensées par vos solutions ?
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Prestataires Veille

Nous devrons sans doute mettre l'accent sur tout ce qui est "social media". Des sites qui parlent des marchands, qui les notent, ont une influence croissante par exemple. Ce sont tous les "consumer medias", produits de manière collaborative. Une autre piste à explorer, ce sont les podcasts, nous réfléchissons à la manière de les intégrer. Nous planchons aussi actuellement sur un système qui intégrerait les fichiers vidéo, les retranscriptions de programmes télévisés. Dans tous les cas, il faut savoir que personne, pour le moment, n'a une vision exhaustive d'Internet.

 
 
Propos recueillis par Nicolas RAULINE, JDN

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