INTERVIEW 
 
Marie Massis
Responsable
BBDO Factory
Marie Massis
"Sur Internet, la création audiovisuelle tourne essentiellement autour de la comédie et du graphisme"
BBDO a créé en janvier dernier une nouvelle entité baptisée BBDO Factory, dédiée à la production de contenus audiovisuels pour les supports numériques, et notamment à la réalisation de campagnes virales. Ce nouveau département a vocation à devenir une maison de production publicitaire à part entière. Marie Massis, responsable de La Factory, apporte son éclairage sur le monde de la production Web.
(20/03/2006)
 
(article modifié le 20/03/06 à 9h40)
JDN. Quelle est la place de La Factory au sein du groupe BBDO Paris ?
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Marie Massis. La Factory est un nouveau département de BBDO, que je développe depuis mi-décembre et dont je suis pour l'instant l'unique salariée. Je travaille à la fois pour CLM BBDO, l'agence de publicité du groupe, et Proximity BBDO, l'agence de marketing services qui englobe B2L, l'agence interactive de BBDO. Ces entités se partagent certains budgets. Les films peuvent par exemple émaner de CLM ou de Proximity, et le site Internet être conçu par B2L.

Quelle est l'idée sous-jacente à la création de cette nouvelle structure ?
Il s'agit de développer un outil de production plus souple que la production télé classique. La Factory se positionne comme un troisième pôle de production, à côté de la télévision et du print, spécialisé dans les contenus audiovisuels spécifiques pour les supports numériques. Tout est né d'une réflexion commune à CLM et Proximity. Il y avait un vrai besoin, chez Proximity, de dédier une personne à la production de contenus audiovisuels numériques, car jusqu'à présent il n'existait qu'un département d'achat d'art pour le print. Par ailleurs, la production pour les supports numériques est bien spécifique, car nous ne sommes pas sur les mêmes sommes, ni sur les mêmes délais. De plus, bien que les différentes entités de BBDO Paris se soient toujours partagé les budgets, il n'y avait personne pour faire le lien en termes de production audiovisuelle. Parfois, par exemple, nous avons besoin de tourner des contenus dans le cadre de la conception de sites, qui sont aussi utilisés pour de la publicité virale.

Qu'entendez-vous par "supports numériques" ?
L'Internet, bien sûr, mais aussi les mobiles 3G, la vidéo à la demande, la télévision interactive. L'apparition de ces nouveaux supports crée de nouveaux besoins. En ce qui concerne le Web, c'est un média qui touche de plus en plus d'annonceurs, car l'achat d'espace en télévision est aujourd'hui très cher, notamment sur les chaînes hertziennes. Et pour nous, il n'y a pas de petit client. Internet est un support de diffusion beaucoup moins coûteux pour les annonceurs.

Vous avez donc constaté une hausse de la demande en matière de production audiovisuelle pour les contenus numériques ? Quand s'est opéré ce tournant ?
Je pense que le tournant est amorcé, mais que l'explosion n'a pas encore eu lieu en France.

Avec quels clients avez-vous déjà travaillé ?
Pour l'instant, nous avons sorti des films pour France Télécom. Avant mon arrivée, BBDO avait déjà travaillé sur des projets transversaux, comme la campagne pour Ikea "Comment s'échapper d'une cuisine ordinaire", qui a très bien fonctionné.

Pour le mobile, vous n'avez pas encore de clients ?
Pas encore.

Vous êtes la seule salariée de La Factory, pour l'instant. Vous travaillez donc avec un réseau de partenaires ?
Dans un premier temps, nous constituons un réseau de partenaires."
Tout à fait. Dans un premier temps, il s'agit pour nous d'installer le concept auprès des clients. En effet, Internet reste encore pour la plupart d'entre-eux un nouveau média, un nouveau support. Et nous voulons les sensibiliser à tous les nouveaux supports que j'ai cités précédemment. Pour cette première phase, le travail passe par la constitution d'un réseau de partenaires, qui sont des maisons de production de taille moyenne, de plus en plus souvent interrogées sur des budgets Internet, mais aussi de petites sociétés créées récemment et parfois dirigées par des gens très jeunes, qui font essentiellement des films viraux.

Le communiqué de lancement précisait que Factory avait ensuite "vocation à devenir une maison de production publicitaire à part entière". Quelle est la stratégie à moyen et long terme ?
Dans un deuxième temps, l'idée est d'aller chercher de jeunes réalisateurs et graphistes qui ne sont pas encore dans le circuit de la publicité, pour avoir un œil nouveau, et de traiter directement avec eux pour préparer la troisième phase, qui consistera à produire des campagnes nous-mêmes sur certains sujets assez simples. Cette recherche me permet également d'effectuer un travail de fonds et de veille, utile pour trouver de nouvelles influences et de nouvelles inspirations.

Est-ce important pour vous d'avoir cet œil neuf car vous trouvez que la création sur Internet manque de… créativité ?
Sur le Web, la création est plus libre qu'en TV."
Sur certains sujets, on est bien content d'avoir des réalisateurs qui connaissent bien les mécanismes. Mais il est aussi bénéfique de rechercher la fraîcheur, surtout dans les nouvelles techniques d'animation, qui peuvent apporter un nouveau souffle à la communication. C'est aussi pour cela que nous voulons faire appel à des réalisateurs graphistes. Car sur Internet, la création audiovisuelle tourne essentiellement autour de deux thèmes : la comédie, et le graphisme. Il y a très peu de films d'image ou très esthétiques. Enfin, tout comme on peut faire appel à des réalisateurs de long métrage pour faire des publicités TV, il est intéressant d'aller chercher des gens qui viennent du graphisme et de l'animation pour réaliser des films pour le Web. Pour répondre de manière générale, je ne pense pas que le Web manque de créativité. D'autant plus que la création est plus libre qu'en télé. Par exemple, elle n'est pas soumise au contrôle du BVP.

Vous parlez des campagnes humoristiques et décalées, c'est vrai qu'elles se multiplient à l'heure actuelle. Regrettez-vous cette tendance ? A trop en faire, ne sacrifie-t-on pas l'originalité ?
Il y a quand même d'autres formes de discours sur Internet, mais c'est vrai que c'est plus rare. Je soulignerais toutefois que l'arrivée de nouveaux formats plus grands, en Quicktime par exemple, devrait permettre de réaliser plus de films d'image. Et puis, même en restant sur des comédies, on a toujours le choix entre différents tons, différentes formes d'humour. En graphisme et en animation, la palette est encore plus large, et on peut en plus se servir de ces graphismes pour habiller les sites.

Le marché des maisons de production Web est assez atomisé."
Dans le cadre de la constitution de votre réseau de maisons de production, vous trouvez beaucoup de sociétés qui travaillent pour le Web ?
Oui, il y en a de plus en plus. Dans ma vie professionnelle, j'ai travaillé avec beaucoup de maisons de production, des grosses et des petites. Ces deux dernières années, j'ai également travaillé en tant que TV producer freelance. Je connais donc bien le marché. Et sur les huit ou dix derniers mois, beaucoup de nouvelles structures se sont montées, qui ont des processus de production allégés. Le secteur est assez atomisé.

On peut donc s'attendre à un phénomène de concentration ? Autant les grands groupes de communication externalisent la production TV, autant il leur serait envisageable d'intégrer de petites structures spécialisées dans la production de contenus pour les médias numériques. Qu'en pensez-vous ?
C'est possible. Il est certain que ce type de process pourrait être intégré, et que l'idée germe au sein des grands réseaux. Mais certains sujets nécessiteront toujours le savoir-faire d'une maison de production.

Quelles sont les principales différences entre les process de production TV et les process de production Internet ?
En théorie, les scripts sont moins compliqués, les équipes sont plus légères (on a besoin de moins d'éclairage, les temps d'installation sont réduits), le processus de post-production est lui aussi plus léger… Les exigences sont moins pointues, on rentre moins dans le détail (notamment sur des postes comme le stylisme), et parce qu'on est souvent dans le registre de la comédie. Toutefois, nous ne sommes plus à l'ère des films Web réalisés en plan fixe et en DV. Aujourd'hui, les films sont plus construits et plus complexes qu'avant. On utilise plusieurs décors, on attache de l'importance aux castings des comédiens, on tourne en DVCAM (un format numérique professionnel, Ndlr). Il reste néanmoins des éléments communs aux tournages pour le Web et pour la télévision, comme la durée de préparation du film qui concerne les repérages et le casting. Ce qui est important, c'est qu'il y a une "éducation" à faire auprès des clients annonceurs : ils doivent désapprendre les habitudes des films TV. Pour le Web, par exemple, on ne refait pas 36 fois une prise.

Et en ce qui concerne les délais ?
Pour la pré-production, cela ne change pas trop. Pour le tournage, on peut réaliser plusieurs petits films en une journée. Mais il faut savoir être malin.

Les campagnes de publicité sur Internet sont d'ailleurs souvent composées de plusieurs films. Combien, en moyenne, pour une campagne virale ?
Je dirais que trois est un minimum. Après, cela peut être plus si on réalise une saga ou une série.

Les budgets démarrent autour de 45.000 euros."
Quel est le ticket d'entrée pour la réalisation d'une campagne vidéo en ligne ?
Grosso modo, les budgets démarrent autour de 40.000 à 45.000 euros pour une campagne finalisée, c'est-à-dire le produit fini. Cela peut monter jusqu'à 100.000 euros, pour deux jours de tournage et la réalisation de deux ou trois films, mais il s'agit alors d'un "gros" budget. Attention, produit fini ne signifie pas qu'on peut exporter le film sur tous les supports. Pour passer un film tourné pour le Web en télévision, par exemple, il y a un surcoût en termes de finalisation mais aussi de droits.

Qu'est-ce qui fait un film viral réussi ?
Je répondrai plutôt : qu'est ce qu'une campagne virale réussie ? Car les films sont partie intégrante d'un dispositif global, et le contenu du site doit lui aussi être suffisamment fort pour accrocher l'internaute. De son côté, le film doit être percutant pour attirer l'attention de l'internaute, lui donner envie d'aller sur le site, voire de le faire circuler. C'est cela que l'annonceur attend : la répétition accroît la mémorisation.

Quelle est la bonne durée pour un film publicitaire en ligne ?
Il ne faut pas que ce soit trop long. En comédie, il y a des blagues immédiates, d'autres qui demandent un peu plus de suspense… Sur des séries, un format d'une minute convient bien. Sur un film unique, 40 secondes c'est déjà long. En moyenne, un format de 30 secondes est largement suffisant.

Quels films publicitaires vous ont marqué ces derniers temps sur Internet ?
Une série de films pour 3M/Post it, il y a quelques années, mettant en scène un coach sur plusieurs épisodes. Plus récemment, la campagne Ikea pour les cuisines. La SNCF sort aussi régulièrement de bonnes campagnes, notamment les films iTGV et la récente campagne Skiezfrais.com, dans laquelle l'ensemble du dispositif est très intéressant. Pour l'étranger, la campagne pour la Mini.
 
 
Propos recueillis par Raphaële KARAYAN, JDN

PARCOURS
 
 
Marie Massis, 36 ans, débute sa carrière dans la publicité en 1998. De 1998 à 2003, elle occupe successivement trois fonctions au sein de l'agence de publicité Leagas Delaney Paris : d'abord coordinatrice entre l'agence de Paris et l'agence de Londres, puis productrice print et enfin responsable du service TV prod de l'agence.

En 2004, elle entame une période freelance en temps que TV producer, et a travaillé notamment chez Boy Meets Girl sur des productions de films pour AOL. Elle effectue un passage en maison de production avant de rejoindre BBDO pour créer La Factory en décembre 2005.

   
 
 
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