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Roland Montagne
responsable
du pôle haut débit
IDATE |
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Roland
Montagne
"Le basculement de l'ADSL vers l'optique est inéluctable"
L'Idate a rendu au ministre de l'Industrie un rapport sur le développement du très haut débit en France : état des lieux du marché français, technologies, coûts d'investissments, délais de rentabilité... le point sur les principaux enseignements de l'étude avec le responsable du pôle haut débit de l'Institut.
(04/05/2006) |
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JDN.
Quels étaient les objectifs de la mission confiée par
le Ministre de l'Industrie à l'Idate ?
Roland Montagne. Le Ministre de l'Industrie a confié
à l'Idate une réflexion sur la situation de la France
en matière de très haut débit (THD). Les objectifs de
la mission étaient donc doubles : d'une part prendre
la mesure, ou non, du retard de la France en termes de
déploiement d'un réseau d'accès à très haut débit, et
d'autres part, envisager les options susceptibles d'être examinées
pour un soutien des pouvoirs publics.
Au vu de l'analyse des marchés
étrangers, la France apparaît-elle donc en retard en matière
de très haut débit ?
La réponse à cette première question nécessite au préalable
un examen objectif du marché français de l'Internet rapide :
celui-ci apparaît comme particulièrement dynamique, avec
plus de 10 millions d'abonnés aujourd'hui. La situation,
positive tant du point de vue du taux de pénétration,
de la concurrence ou de l'innovation de services, est
principalement fondée sur la maîtrise de la technologie
ADSL2+ sur le réseau cuivre du téléphone et sur les obligations
de dégroupage qui l'accompagnent. En 2005, les débits
offerts sur le réseau français, de l'ordre de 20 Mbits/s
en voie descendante, avaient tendance à être supérieurs
à ceux offerts par les opérateurs ADSL sur les autres
marchés européens. Jusqu'à ce début d'année 2006, ce
contexte ne semblait pas susciter des programmes particuliers
d'investissement dans des nouvelles technologies d'accès
THD. Cependant depuis quelques mois, on assiste à la multiplication
d'annonces ou de projets.
Peut-on parler d'un basculement
du haut débit vers le très haut débit, de l'accès cuivre
vers l'optique ?
Non, en tout cas pas à court terme. Tous les projets actuels,
que ce soit les initiatives émanant d'opérateurs privés
tels que Erenis ou CiteFibre, celles des collectivités
locales comme le projet Pau Broadband, ou les annonces
de d'accès des câblo-opérateurs et de l'opérateur historique
France Télécom, sont très ciblés et encore en phase de
test.
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La
demande résidentielles est aujourd'hui
satisfaite par l'ADSL2+." |
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Ces projets répondent-ils à
une demande des consommateurs ?
Non, la demande résidentielle semble aujourd'hui assez
bien satisfaite par l'ADSL2+. Cependant, une première
tendance lourde, qui va s'affirmer dans les cinq ans à
venir, est la croissance continue des besoins de débits
et de symétrie, c'est-à-dire en down comme en upload,
en raison de la généralisation des nouvelles applications
telles que la TV HD, les jeux en réseau, le partage de
fichier vidéo et audio, l'élargissement des offres de
communication et de contenus rich media sur le Web, les
blogs etc. Pris un à un, aucun de ces usages n'exige aujourd'hui
de dépasser les 20 Mbits /s ou de disposer d'un débit
en upload de plus de 1 Mbits/s. Mais cumulés et réalisés
en simultané au sein d'un même foyer, donc à partir d'une
ligne d'accès unique, ils exigent de disposer d'une bande
passante supérieure à 20 Mbits/s pour obtenir un certain
confort d'usage. D'où la première limite, à moyen terme,
de l'ADSL.
Quelles sont les autres limites
de l'ADSL ?
Il faut savoir que toutes les lignes téléphoniques, ne
sont pas aptes à supporter l'ADSL2+ en offrant un débit
permettant d'offrir dans de bonnes conditions le triple
play. Selon nos estimations, cela concerne 50 % des
lignes au niveau national et une sur cinq à Paris. Ces
deux tendances cumulées font que le basculement de l'ADSL
vers l'optique et le THD est inéluctable, à plus ou moins
long terme. C'est pourquoi le lancement de cette réflexion
sur le THD, alors que la situation du marché français
du haut débit est favorable, me semble une excellente
initiative pour ne pas rater le virage du THD quand celui-ci
se présentera.
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Les
technologies radio ont un fort potentiel pour
l'accès très haut débit
." |
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Quelles sont les solutions
techniques existantes pour les offres de THD ?
Sur un plan technique, les options retenues, que ce soit
par les câblo-opérateurs, par les opérateurs téléphoniques
ou les nouveaux entrants, reposent toutes sur des architectures
fibre, soit en Fiber to The Home (FTTH), soit des architectures
hybrides fibre-cuivre (FFTN/VDSL2). Le choix parmi ces
technologies dépend, au-delà des considérations mentionnées,
de nombreux paramètres à commencer par la densité et la
nature de l'habitat, les caractéristiques des infrastructures
du réseau en place, la nature des services projetés, etc.
Quid des autres technologies
comme le Wi-Fi ou le Wimax ?
A l'heure actuelle, les technologies qui utilisent le
spectre des ondes radio comme le Wi-Fi ou le Wimax ne
permettent pas d'atteindre les débits considérés dans
le cadre de cette étude, à savoir un minimum de 20 Mbits/s.
Mais elles recèlent un fort potentiel, notamment en vues
des évolutions des normes et des solutions de technologies
sans fil à très hautes fréquences. A l'horizon 2010-2012,
elles pourraient devenir des alternatives très intéressantes
sur certaines zones spécifiques, en particulier les zones
rurales.
Quel est le coût de déploiement
d'une architecture en fibre optique ?
Dans son rapport, l'Idate a élaboré un modèle afin de
paramétrer les principales variables de coûts et de recettes
liées au déploiement d'un réseau FTTH. Ce modèle repose
sur l'hypothèse d'un seul opérateur qui intervient sur
une zone donnée et déploie intégralement son réseau en
s'appuyant notamment sur ses propres travaux de génie
civil. Dans cette configuration, le coût de déploiement
d'un réseau sur la période 2006-2015, couvrant à terme
40 % de la population, serait de l'ordre de10,5 à
11,3 milliards d'euros. Par abonné effectif, les coûts
sont de près de 2.000 euros.
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Le
génie civil représente 80 %
des coûts de déploiement d'un
réseau fibre." |
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A quoi est due l'énorme différence
avec le coût par abonné ADSL (quelques centaines d'euros) ?
Même si on constate des progrès constants dans la performance,
la normalisation, et la baisse des coûts des composants
des systèmes optiques, il est certain que ces différentes
solutions tout fibre, ou même fibre cuivre, représentent
un investissement nettement supérieur à celui engagé pour
installer des DSLAM dans les centraux sur la boucle cuivre
du réseau téléphonie de France Télécom. La différence
tient à l'investissement dans l'infrastructure passive
(génie civil, câbles et pose, équipements passifs) dont
le poids dans la configuration de base représente près
de 80 % des coûts de déploiement. C'est pourquoi
l'une de nos principales recommandations pour les pouvoirs
publics concerne le génie civil.
Pouvez-vous résumer ces recommandations ?
La première urgence est d'abaisser les barrières à l'entrée
pour développer la concurrence. A cet égard, les politiques
publiques et le régulateur peuvent agir efficacement dans
deux domaines : d'une part minimiser le poids du
génie civil, via notamment la mutualisation des infrastructures
ou encore la consolidation plus systématique des données
issues des différents concessionnaires et gestionnaires
de réseaux au niveau des collectivités locales ;
d'autre part assurer une meilleure gestion des fréquences
en réallouant les ressources spectrales laissées libres
par le passage de la télévision au numérique aux technologies
radio.
Selon vous, qui, des opérateurs
télécoms, de l'opérateur historique ou des câblo-opérateurs,
est l'acteur le mieux placé dans la course au très haut
débit ?
A ce stade, la porte est ouverte pour différents types
de déploiements. Face à l'opérateur historique, les opérateurs
privés ont un modèle économique qui tient la route sur
des zones urbaines très fortement peuplées s'ils s'appuient,
comme c'est le cas aujourd'hui, sur les infrastructures
de génie civil existantes (par exemple les égoûts ou les
réseaux électriques), ou s'ils ont accès via une offre
de revente de gros au réseau de l'opérateur historique.
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Le
câble a une vraie carte à jouer
sur le très haut débit." |
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Quant aux câblo-opérateurs, ils ont réllement une carte
à jouer sur le terrain du THD, car ils disposent d'une infrastructure
relativement évolutive et que le génie civil n'est plus
à faire. En France, les réseaux câblés couvrent aujourd'hui
plus de 8 millions de foyers sur Paris et sa région, ainsi
que sur les plus grandes villes du pays. La fusion imminente
des deux principaux acteurs, UPC-Noos et Numericable,
leur permettraient d'engager des investissements massifs
dans la mise à jour de leur infrastructure afin d'offrir
des accès à 30, voire à 100 Mbits/s.
Faut-il réguler les infrastructures
nouvelles à très haut débit ?
La procédure de review qui est en cours au niveau
européen pour évaluer les conditions d'application et
d'évolution du cadre réglementaire va probablement se
pencher sur cette question. L'Idate se contentera de rappeler
que les obligations actuelles du règlement européen sur
le dégroupage, reprises dans le cadre de 2002, s'appliquent
aux opérateurs téléphoniques historiques pour assurer
l'accès à la boucle locale de cuivre et ne concernent
à ce titre que les technologies DSL.
L'absence de régulation ex ante de l'accès à une
infrastructure nouvelle déployée par un opérateur puissant
pourrait toutefois exiger que le marché de référence pour
les services envisagés soit distinct de celui de l'Internet
rapide. En effet, pour être identifié comme un marché
distinct, il faut que l'opérateur fasse la preuve de la
non "substituabilité" de son offre THD avec celle des
opérateurs d'accès haut débit, à savoir les offres triple
play. C'est pourquoi la notion de marché émergent, qui
est reconnue dans la législation européenne, pourrait
trouver là matière à s'appliquer.
Le rapport était soumis à une
consultation publique jusqu'au 31 mai. Quelle suite le
ministère de l'Industrie entend-il donner à ce rapport ?
Le ministre ne s'est pas encore exprimé à ce sujet, mais
a d'ores et déjà proposé de promouvoir la construction
de logements multimédia afin d'anticiper l'augmentation
de la demande en débit dans les foyers et d'en tester
les usages. Ce qui est une très bonne chose, car il est
important de continuer à mener, donc de financer, des
tests grandeur nature d'accès en fibre et autres technologies
alternatives afin de ne pas rater le virage du THD quand
celui-ci se présentera. |
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Propos recueillis par Emilie LEVEQUE, JDN |
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