INTERVIEW 
 
Béatrice Tarka
Co-fondatrice et PDG de
Mobissimo
Béatrice Tarka
"Mobissimo a un rôle à jouer dans une offre touristique atomisée"
Lancé aux Etats-Unis en 2004, Mobissimo est un moteur de recherche spécialisé dans les voyages. Il ouvre ses portes dans l'Hexagone à partir du 23 septembre. Retour sur le secteur de l'e-tourisme et sur les ambitions françaises du moteur avec sa co-fondatrice et PDG, Béatrice Tarka.
(22/09/2005)
 
  Le site
Mobissimo.fr
JDN. Qu'est-ce que Mobissimo  ?
Béatrice Tarka. C'est un métamoteur de recherche sur Internet qui permet de faciliter la recherche de voyages et d'obtenir les meilleures offres de prix disponibles. Notre technologie trouve simultanément les sites que les internautes auraient dû rechercher et vérifier manuellement les uns après les autres, et en rajoute beaucoup d'autres auxquels ils n'avaient peut-être pas pensé, en France mais aussi aux Etats-unis et dans le monde entier. En moins d'une minute, Mobissimo met à leur disposition les résultats les plus complets disponibles aujourd'hui sur le Web.

Comment est né le concept ?
Dès 2000, Sveltlozar Nestorov, un ami d'enfance rencontré une première fois en 1987 dans une école de jeunes talents de l'informatique en Sibérie, et moi-même avons cherché un projet industriel exploitant la technologie de l'extraction et de l'indexation de données sur Internet. Car Sveltlozar Nestorov est un ancien élève du groupe de recherche sur les bases de données de l'Université de Stanford où il a eu l'occasion d'y collaborer avec les fondateurs de Junglee, Google et Gigabeat. C'est au cours de ces trajets répétés entre la France et les Etats-Unis que le secteur des voyages m'est apparu comme le secteur où cette technologie avait le plus fort potentiel de croissance. En effet, frustrée par la difficulté de trouver de bonnes offres de voyages sur Internet, j'ai trouvé nécessaire d'améliorer la qualité des recherches sur les prix ainsi que sur la disponibilité des offres. Lucia Carniglia, qui travaillait alors pour Swissair Airlines et qui dirige actuellement une chaîne d'hôtels de luxe à Milan, nous a rejoint sur le projet en 2003 et a apporté son expérience et ses contacts dans le secteur aérien.

Pourquoi avoir choisi de créer la société aux Etats-Unis ? Quels sont les statuts et le capital de Mobissimo ?
Dès le départ, nous voulions faire de Mobissimo un acteur global. Cela passe par une notoriété aux Etats-Unis. En outre, le marché du tourisme en ligne américain est le vaste et le plus mature dans le monde. La société est née en octobre 2003 sous la forme d'une société anonyme. En avril 2004, nous avons levé 1,1 million de dollars auprès de trois fonds d'investissement américains : Cambrian Ventures, Index Ventures et Benhamou Global Ventures.

La technologie de Mobissimo est donc celle des moteurs de recherche ?
Oui, en plus performante. Les moteurs de recherche scannent et indexent les contenus des sites selon une fréquence donnée. La mise à jour des informations n'est donc pas toujours immédiate. Dans le monde du voyage, c'est impensable. Mobissimo indexe des informations sur les prix et les disponibilités de trois type de services,  les vols, les hôtels et la location de voitures, auprès de 130 sites de voyages, 440 compagnies aériennes et 35 sites d'hôtels dans le monde. Et ceci en temps réel.

Deux sources de revenus : la publicité et l'affiliation."
Quel est son modèle économique ?
Les revenus proviennent de deux sources : la publicité, qui représente aujourd'hui 60 % de notre chiffre d'affaires, et notre réseau d'affiliés. Nos partenaires commerciaux ont le choix entre une facturation au clic (CPC) ou à l'acquisition (CPA).

En limitant vos recherches aux sites partenaires, ne réduisez-vous pas l'exhaustivité et la pertinence du champ des réponses ?
Le fait de passer des partenariats ouverts avec les acteurs du tourisme en ligne fait que nous avons créé un climat de confiance dans la marque. Nous collaborons aujourd'hui avec la grande majorité des compagnies aériennes et agences de voyage en ligne. Par ailleurs, cela nous arrive d'effectuer des recherches sur des sites non partenaires, grâce au soutien financier de la publicité.

Quel bilan tirez-vous après un an d'activité aux Etats-Unis ?
Ce marché est en pleine expansion outre-Atlantique, grâce à la maturité des internautes qui ont de plus en plus le réflexe de rechercher le meilleur prix, aux comportements de voyages des américains qui privilégient les courts séjours sur des destination intérieures, et à une forte médiatisation des métamoteurs de recherche, suite notamment à la prise de participation d'AOL dans Kayak et au rachat de FareChase par Yahoo. Selon la société d'étude d'audience Hitwise, la part de marché des visites sur les moteurs de recherche de voyages dans la catégorie tourisme en ligne a progressé de 304 % entre octobre 2004 et avril 2005. Le nombre de visites sur Mobissimo a crû de 350 % sur la période. Aujourd'hui, nous enregistrons une moyenne de 500.000 recherches par mois, soit 7 millions de pages vues. Plus de 35 % de nos utilisateurs reviennent plus d'une fois sur le site.

Qui sont les utilisateurs de Mobissimo ?
Nous enregistrons deux types d'audience : les 18-35 ans, à la recherche des meilleurs prix sur les offres de voyages, et les 35-55 ans, qui apprécient la simplicité d'utilisation de l'interface de recherche Mobissimo. Les utilisateurs du site proviennent de plus de 200 pays différents.

Êtes-vous rentable ?
Mobissimo est rentable depuis le 1er juin 2005. Pour 2006, nous prévoyons une croissance de 700 % de notre chiffre d'affaires.

Quels sont vos principaux concurrents aux Etats-Unis ?
Nous sommes quatre principaux acteurs sur le secteur avec Kayak.com, SideStep et FareChase.

Vous ne citez pas les agences de voyages. Pourtant, celles-ci semblent voir d'un mauvais œil l'émergence des moteurs de recherche de voyages qui détournent une partie de leur trafic vers les sites des compagnies aériennes et des hôtels. Argumentant que leurs services ne se limitent pas au seul prix, certaines agences de voyages refusent de laisser les moteurs de recherche indexer leurs pages. Est-ce un problème ?
Ce problème a effectivement existé mais cela ne concerne pas Mobissimo. En effet, de par notre modèle économique, nous ne nous positionnons pas en concurrence frontale avec les agences de voyages mais comme partenaires commerciaux. Mobissimo est un lien entre l'internaute et l'agence de voyages en ligne, ou le site de la compagnie aérienne. Nous n'établissons pas de relation commerciale directe avec le consommateur. Seul Expedia aujourdhui refuse que ses pages soient indexées. Nous ne passons pas outre ce choix et tentons plutôt d'établir un partenariat avec eux.

Les compagnies aériennes et les hôteliers veulent reprendre le pouvoir sur le Net."
Pourquoi avoir choisi la France comme premier marché d'implantation à l'international ? Le marché du tourisme en ligne semble pourtant s'être fortement consolidé au cours de cette année, avec les rachats de Karavel-Promovacances et de Vivacances par Opodo, et celui de Lastminute par Sabre.
La France, c'est d'abord une histoire de cœur. Au-delà, un marché qui peut apparaître comme consolidé d'un point de vue franco-français, nous semble d'un point de vue américain au contraire très fragmenté. Il existe sans conteste un mouvement de consolidation au niveau des agences de voyages. Mais, d'une part, toutes ces agences réunies ne peuvent prétendre à la part de marché des trois premiers acteurs américain réunis, Expedia, Orbitz et Travelocity, qui est de plus de 40 %, et d'autre part, les acteurs plus spécialisés telles que les compagnies aériennes ou les chaînes d'hôtels aspirent aujourd'hui à reprendre le pouvoir sur Internet. Pour accroître leur audience et leur part de marché, ils conservent l'exclusivité de certaines promotions et tarifs spéciaux sur leur site. En outre, contrairement aux Etats-Unis, où le secteur hôtelier est également très consolidé autour de grands groupes, il existe en France une multitude d'hôteliers franchisés ou de sites touristiques indépendants sur des destinations de niche qui souhaitent se passer des frais de référencement dans les GDS. Or Mobissimo, de par ses accords commerciaux et sa technolgie d'indexation et d'extraction de données, est en mesure de restituer l'ensemble de ces offres à l'internaute.

A combien s'élève le ticket d'entrée sur le marché français ?
Le ticket d'entrée est faible puisque nous possédons la technologie. Par ailleurs, notre budget marketing est très réduit. Nous achetons très peu de liens promotionnels sur les moteurs de recherche d'informations, d'une part pour ne pas concurrencer directement les agences de voyages, et d'autre part parce que les moteurs de recherche sont utiles pour l'acquisitions de clients mais pas pour construire une notoriété. C'est pourquoi nous privilégions les partenariats.

Quels partenariats annoncez-vous en France ?
Je ne peux encore révéler aucun nom mais nous sommes en passe d'établir des partenariats avec des grands portails d'information, des sites de photo, des sites communautaires ou des blogs. Côté affiliation, nous travaillons d'ores et déjà avec Air France, Opodo, Go Voyages, eBookers, Ryan Air, ou encore Easyjet. Et bientôt le groupe Lastminute.

Nous visons 300.000 recherches par mois en France"
Et Expedia, ou Voyages-sncf.com ?
Comme je le disais, Expedia se montre méfiant envers les métamoteurs de recherche de voyages. Nous ne souhaitons pas entrer en conflit avec eux donc nous ne scannons pas aujourd'hui leurs pages de contenu. Néanmoins, nous espérons établir très prochainement un partenariat avec eux. Voyages-sncf pourrait suivre dans la foulée.

Quels sont vos principaux concurrents identifiés sur le marché français ?
Easyvols, mais son champ de recherche se limite à huit sites, et Kelkoo-Yahoo. Nous estimons que l'offre Mobissimo est beaucoup plus compréhensive et facile d'utilisation, et surtout plus étendue. Nous testons actuellement aux Etats-Unis un nouvel outil, MobiCombo, qui permet de combiner plusieurs compagnies aériennes, traditionnelles ou low cost, pour une destination. Cette fonctionnalité devrait être introduite sur le site français avant la fin de l'année.

A combien chiffrez-vous vos ambitions ?
Nous espérons rapidement devenir leader sur le secteur en France. Nous espérons arriver à 300.000 recherches uniques par mois d'ici la fin 2006.

  Le site
Mobissimo.fr
Avez-vous d'autres projets d'internationalisation ? Quelle stratégie de croissance privilégiez-vous ?
En Europe, nous estimons que les marchés les plus mûrs pour une offre comme Mobissimo sont l'Allemagne, l'Espagne, la Grande-Bretagne et l'Italie. Mais aucun plan n'est encore fixé. Nous attendons avec impatience les premiers résultats sur la France. L'Asie, et notamment la Chine, est également un marché prioritaire. Nous privilégions a priori une stratégie de croissance organique. Il est en effet plus facile d'ouvrir des sites, et moins coûteux, que d'acquérir des sociétés. Toutefois, en vue d'un scénario d'extension rapide, nous n'excluons pas d'utiliser le cash flow positif de la société, voire même, de réaliser une deuxième levée de fonds, pour acquérir des acteurs spécialisés sur des marchés nationaux.
 
 
Propos recueillis par Emilie LEVEQUE, JDN

PARCOURS
 
 
Béatrice Tarka, française d'origine polonaise, vit aujourd'hui aux Etats-Unis. Elle a co-fondé Mobissimo en 2003 avec Sveltlozar Nestorov et Lucia Carniglia.

Elle bénéficie d'une expérience de quatre ans dans l'industrie du voyage et de six ans dans les produits de consommation. Avant Mobissimo, Béatrice Tarka était co-fondatrice et PDG d'Axall Media (logiciels de divertissement, de voyages et de produits éducatifs). Elle a aussi co-fondé France Portage, un fournisseur de base de données pour la distribution de la presse, acquis par la suite par France Télécom.

Et aussi Béatrice Tarka est titulaire d'une maîtrise en « Affaires Internationales » de l'Université Américaine de Paris, ainsi que d'un MBA de l'Université de Boston (Etats-Unis).

   
 
 
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