INTERVIEW 
 
Alex Türk
Président
CNIL
Alex Türk
"La nouvelle loi informatique et libertés a aggravé notre manque de moyens"
Dans son rapport d'activité 2004, la CNIL réclame plus de moyens pour assurer correctement ses missions, qui ont été élargies par la nouvelle loi informatique et libertés. Alex Türk, son président, s'explique sur les difficultés de la Commission, les avancées obtenues et les chantiers en cours.
(02/06/2005)
 
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Rapport d'activité 2004 de la CNIL
Dans son rapport d'activité 2004, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) réclame plus de moyens pour assurer correctement l'ensemble de ses missions, étendues par la nouvelle loi "informatique et libertés". Elle argumente notamment qu'elle se situe au dernier rang des principaux pays européens en termes d'effectifs, et qu'elle est l'autorité française qui possède le plus faible budget de fonctionnement. Le point sur la situation avec Alex Türk, président de la CNIL.

JDN.
Dans votre dernier rapport d'activité, vous avez demandé plus de moyens humains et financiers au Premier Ministre. Qu'avez-vous obtenu ?
Alex Türk.
Nous avons demandé le doublement sur quatre ans de nos effectifs, qui étaient de 80 personnes en 2004. Le Premier Ministre nous a accordé la création de 40 postes sur la période. En terme de crédits de fonctionnement, nous avons réclamé une augmentation de budget de 134 % sur quatre ans. Nous avons reçu 7,1 millions d'euros pour 2005, contre 6,9 millions un an plus tôt, ce qui est satisfaisant. Le personnel est rassuré. Nous allons notamment pouvoir augmenter la taille de notre équipe chargée des contrôles.

Les contrôles font partie des nouvelles missions confiées à la CNIL, par la nouvelle loi "informatique et libertés" du 6 août 2004…
Oui. Avant la loi, la CNIL faisait un contrôle par mois. Nous avons multiplié les contrôles au deuxième semestre et nous espérons en faire cent cette année. Il en faudrait bien plus mais un contrôle peut déboucher sur des sanctions, ce qui induit des coûts supplémentaires. L'année dernière, nous avons émis entre 25 et 30 sanctions administratives. Dans certains cas, nous avons dû répondre à des procédures d'appel, très coûteuses.

Votre manque de moyens découle-t-il des nouvelles missions que vous devez assumer ?
La loi du 6 août n'a fait qu'accroître un manque de moyens qui existait déjà auparavant. Nous sommes de plus en plus souvent sollicités pour rendre un avis sur des décrets, portant notamment sur le dossier médical partagé, le projet d'administration électronique et la carte d'identité numérique… Et d'autre part, les citoyens sont de plus en plus nombreux à disposer de leur droit d'accès aux fichiers les concernant, tels les fichiers de police. Les demandes ont augmenté de 70 % en 2004. Or, les procédures sont lourdes et doivent être exécutées dans les plus brefs délais. Fournir une réponse tardive peut avoir des conséquences dramatiques, comme nous l'avons malheureusement expérimenté. Un jour, une personne qui postulait pour un emploi dans le domaine de la sécurité nous a contacté pour accéder à un fichier de police sur lequel elle apparaissait par erreur. Nous avons trop tardé à régler son problème, si bien qu'elle n'a pas eu le poste, ce qui est inacceptable.

Le nombre de citoyens deman-dant à exercer leur droit d'accès aux fichiers les concernant a augmenté de 70 % en 2004 ."
La loi du 6 août prévoit également l'animation d'un réseau de correspondants "informatique et libertés " au sein des entreprises. Comment ce chantier avance-t-il ?
Le décret d'application relatif aux correspondants n'est pas encore sorti mais beaucoup d'entreprises s'y préparent déjà. Nous devons mettre en place une cellule capable de répondre en temps réel aux correspondants.

Quels sont les dispositifs que vous êtes parvenus à mettre en place avec les moyens du bord ?
Nous avons lancé notre grande politique de communication. Entre 15 et 20 personnes de la CNIL se déplacent régulièrement en région pour informer le public. Cette équipe rencontre aussi bien des collectivités locales et des établissements scolaires, que des entreprises et des syndicats. La plupart des individus découvre souvent l'existence de leurs droits et des structures à leur disposition pour les assister. Notre action sur le terrain est donc très importante. Mais elle nous conduit à assumer des tâches supplémentaires considérables, les personnes étant nombreuses à se rapprocher de nous.

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Rapport d'activité 2004 de la CNIL
La CNIL a autorisé le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell) à mettre en oeuvre un traitement automatisé de détection des infractions au code de la propriété intellectuelle sur le Net. Envisagez-vous d'étendre cette autorisation aux représentants des industries du disque et du cinéma ?
Ce n'est pas exclu. Ces acteurs nous contactent régulièrement. La CNIL doit certes veiller au respect des libertés individuelles, mais dans le respect des lois. Quoi qu'il en soit, une situation sauvage où chacun fait ce qu'il veut n'est pas viable. Chacun doit conjuguer deux libertés qui s'opposent.
 
 
Propos recueillis par Frédéric QUIN, JDN

PARCOURS
 
 
Alex Türk, 55 ans, est président de la CNIL depuis février 2004. Il rejoint la Commission en 1992 et devient vice-président en 2002.

En 2000, Alex Türk devient président de l'autorité de contröle commune D'Europol. Entre 1995 et 1997, il occupe le même poste au sein de l'autorité de contrôle de Schengen.

Et aussi Alex Türk est conseiller général du canton de Lille-centre depuis 2001 et sénateur du Nord depuis septembre 1992.

   
 
 
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