INTERVIEW 
 
Patrick Vuitton
Délégué Général
Patrick Vuitton
Patrick Vuitton
"Le critère financier des licences Wimax est un choix politique regrettable"
Le critère financier dans le cadre de la procédure d'attribution de licences Wimax a pénalisé 9 régions, analyse l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel. Une recette de 125 millions d'euros pour l'Etat qui, en contrepartie, ne semble pas prêt à financer le déploiement du très haut débit, sur lequel la France prend du retard.

(27/07/2006)
 
JDN. Quelle est la réaction de l'Avicca suite à l'attribution des licences Wimax par l'Arcep [Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, lire l'article du 10/07/2006] ?
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Dossier Avica
Collectivités locales et Internet

Patrick Vuitton. Pour la première fois, des collectivités locales sont bénéficiaires de licences d'une technologie d'aménagement du territoire. Il s'agit d'une grande avancée, qui conforte l'implication croissante des collectivités dans les réseaux de communications électroniques ouverts à l'ensemble des opérateurs.
Quel est l'intérêt du Wimax en termes couverture du territoire en haut débit ?

L'Arcep a également attribué des licences à des opérateurs privés centrés sur une offre de gros. L'ensemble de ces affectations pourra ainsi ouvrir le jeu dans les zones rurales, et bientôt dans les zones urbaines pour les applications nomades et la convergence. Néanmoins, pour les plus grandes régions, Ile-de-France et PACA, c'est le critère financier qui a le plus pesé. C'est regrettable.
Réponse

Pourquoi, puisque ces deux régions sont d'ores et déjà particulièrement couvertes en haut débit ?

Cela risque de créer un problème de diversité des offres et de concurrence déloyale dans ces deux régions. Aujourd'hui, à l'heure de la convergence fixe/mobile, la seule possibilité offerte aux opérateurs de fixe est de passer des accords de MVNO avec les trois grands opérateurs mobiles, ce qui reste limité techniquement et commercialement. Or, le Wimax apparaît comme la technologie qui aujourd'hui peut ouvrir le jeu, mais il faut un opérateur de gros. En l'état, les opérateurs alternatifs vont devoir négocier avec des concurrents. Le critère financier apparaît donc comme pénalisant, notamment du point de vue de l'aménagement du territoire.

Quels auraient été les résultats de la procédure pour les licences Wimax si le critère du montant financier n'avait pas été pris en compte ?

En se basant uniquement sur les notes attribuées par l'Arcep, les attributions auraient été différentes pour l'Aquitaine, l'Auvergne, la Bretagne, la Franche-Comté, l'Ile de France, le Limousin, la Picardie, Provence-Alpes-Côtes-d'Azur et Rhône-Alpes. Neuf régions représentant quelque 32 millions d'habitants. Autrement dit, des candidats qui font une offre globalement plus intéressante pour la "contribution au développement territorial" et pour "l'aptitude à favoriser la concurrence" ont été éliminés au profit de candidats moins disant sur ces critères, mais mieux payant. Cette analyse se renforce encore si l'on prend en compte le fait que, si ce critère financier n'avait pas été institué, les candidats auraient encore davantage mis l'accent sur les critères de couverture pour l'emporter. Il s'agit-là d'un choix politique qu'on peut regretter.


Un choix politique ?

Le choix de la méthode d'attribution a certes été proposé par l'Arcep, mais validé par le ministre de l'Industrie. Il existait d'autres choix possibles, comme l'attribution d'une des deux licences selon les critères d'aménagement et de couverture du territoire. Aujourd'hui, l'Etat va recevoir 125 millions d'euros de licences, prélevés sur l'aménagement du territoire. Dans le même temps, le CISI (Comité Interministériel pour la Société de l'Information) du 11 juillet a annoncé un plan de couverture en haut débit pour les zones rurales, financé à hauteur de… 10 millions d'euros. 125 à 10… la répartition est inégale. C'est pourquoi l'Avicca demande au gouvernement que les 125 millions d'euros reçus des licences soient immédiatement affectés au fond de développement du haut débit.

Pourquoi est-il impératif qu'une collectivité locale détienne une licence alors que son exploitation sera vraisemblablement confiée in fine à un consortium privé sous forme de délégation de service public ?

Les réseaux ouverts d'initiative publique sont le moteur du dégroupage.

Prenons l'exemple concret des licences Wimax : les opérateurs privés attributaires se sont engagés auprès de l'Arcep à couvrir un certain pourcentage du territoire régional, sans distinction à l'intérieur des départements ou des zones mal desservies. Et si l'opérateur ne respecte pas ses engagements, comme ce fut déjà le cas en 2000, l'Arcep se contente de lui retirer sa licence et de la remettre en jeu. Selon cette hypothèse, une région peut perdre un voire deux ans dans l'aménagement de son territoire. Inversement, si la collectivité détient la licence, elle choisit un maître d'œuvre pour le réseau qui s'engage sur des plans de couverture, des tarifs, avec un régime de sanctions en cas de non respect de ces obligations.

Deux ans après le vote de la LCEN, et le nouveau statut d'opérateur des collectivités locales [lire l'article du 06/12/2004], quel bilan pouvez-vous établir des réseaux d'inie publique ?

La dynamique se poursuit, avec toujours plus de nouvelles collectivités engagées dans une démarche de réseau ouvert d'Initiative publique, ou des extensions de capillarité de réseaux existants. En juillet 2006, l'Avicca recense 32 réseaux de grande envergure (région, département ou syndicat mixte) et 48 réseaux d'agglomérations. Une quinzaine est effectivement en exploitation. L'impact le plus visible de ces réseaux est l'extension du dégroupage puisque en 2005 et 2006, la moitié des nouveaux sites dégroupés en France l'a été dans le cadre des projets de réseaux d'initiative publique.

La France prend du retard sur le très haut débit.


L'Avicca, l'AMF (Association des maires de France), l'ADF (Association des Départements de France) et l'ARF (Association des Régions de France) ont fait une réponse commune à la consultation du ministère délégué à l'Industrie sur le développement du très haut débit en France (THD). La France est-elle à la hauteur, selon vous, des défis du THD ?

La France est un très bon élève au niveau européen sur le haut débit - et encore, le taux de pénétration des accès large bande sur la population internaute est à pondérer selon le faible taux d'équipement en informatique des Français. La mécanique de mutation entre le bas débit et le haut débit est aujourd'hui rodée, grâce aux investissements des opérateurs privés et des collectivités locales. Mais aujourd'hui la frontière se déplace vers le très haut débit. Et là, la France n'est pas armée.

L'investissement dans un réseau THD de taille nationale est estimé à 40 milliards d'euros. Or ni les collectivités publiques - à l'exception de deux départements, l'Ile-de-France et les Hauts de Seine, les plus riches de France -, ni les opérateurs fixe n'ont les moyens d'un tel investissement. L'Etat a sur ce point un rôle essentiel à jouer en termes de péréquation territoriale. Or aucun plan de financement n'a encore été annoncé, le débat politique n'a pas encore eu lieu, ni du côté du ministre de l'Industrie, ni de celui du ministre délégué à l'Aménagement du territoire. La France est en train de prendre du retard sur le très haut débit.



 
 
Propos recueillis par Rédaction JDN & JDN Solutions

PARCOURS
 
 
Patrick Vuitton est délégué général de l'Avicca depuis juin 2000. Il a été auparavant directeur d'une société d'économie mixte (câble et télévision locale), et ingénieur en chef dans les collectivités.

L'Avicca regroupe 55 villes, 25 communautés urbaines ou d'agglomérations, 18 syndicats de communes, 13 conseils généraux, et 5 structures régionales, représentant 31,5 millions d'habitants sur 65 départements différents.

   
 
 
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