Régulièrement,
les clubs professionnels remettent en cause la propriété
et le mode de commercialisation des droits d'exploitation
du championnat de France de football. La loi du 16 juillet
1984 dispose en effet que les fédérations sportives
(la FFF pour le football) sont propriétaires du droit
d'exploitation des manifestations sportives, et que
les ligues professionnelles (la LFP pour le football)
restent en toutes hypothèses chargées de leur commercialisation
et non les clubs.
Les droits télé en sont l'enjeu majeur, leur montant
annuel s'élevant pour l'année en cours à 370 millions
d'euros, et la clef de répartition entre clubs étant
déterminé pour l'heure par la LFP. Mais à la bataille
des droits télé s'ajoute aujourd'hui la controverse
sur le front des droits Internet et 3G (nouvelle génération
de mobile, notamment l'UMTS).
La FFF explique en effet qu'elle
en est propriétaire et que seule la LFP peut les commercialiser.
Les clubs, bien entendu, contestent cette position.
Pour la LFP, compte tenu du contexte légal, il ne fait
pas de doute que les droits Internet et 3G appartiennent
à la FFF et non aux clubs. La position de la LFP s'appuie
sur la loi de 1984 qui organise les conditions de la
vente des droits sur le sport. Ce texte dispose que
la vente de ces droits peut être faite à des "services
de communication audiovisuelle". Or, pour la LFP, l'Internet
et la 3G entrent bien dans le champ de la "communication
audiovisuelle".
Il faut dire que la définition
légale de l'expression "communication audiovisuelle"
est extrêmement large. La Loi du 30 septembre 1986 relative
à la liberté de la communication précise que la communication
audiovisuelle inclut en effet "toute mise à disposition
du public, ou de catégories de public, par un procédé
de télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits,
d'images, de sons ou de messages de toute nature qui
n'ont pas le caractère d'une correspondance privée".
Les juristes s'accordent pour
considérer que l'Internet en fait bien partie et qu'on
peut également y intégrer la 3G. Dès lors, les droits
Internet et 3G du championnat de France appartiennent
bien à la FFF qui a tout loisir de les commercialiser
par l'intermédiaire de la LFP.
Par ailleurs, en transposant
les solutions propres au droit d'auteur, la LFP peut
décider de céder les droits relatifs à chaque support
(télé, Internet, téléphonie mobile) à un opérateur différent.
C'est ainsi que des contrats ont déjà été conclus par
les instances du football sur la téléphonies mobile
avec TF1 et SFR.
Là où le bât blesse, c'est
que ces contrats conclus par la Ligue entrent en conflit
avec d'autres accords conclus par les clubs, cette fois
avec Orange et ce, dès 2001. Aux termes de ces accords,
les clubs cédaient à Orange leurs droits 3G, sous réserve
que les premiers retrouvent la pleine propriété de ces
droits et donc la possibilité de les céder.
A ce jour, même si la nouvelle
Loi Lamour sur le sport prévoit la possibilité pour
la Ligue de transférer aux clubs la propriété des droits
d'exploitation sur leurs matches, cette possibilité
n'a pas encore été mise en uvre. Et quand bien même
le serait-elle, le législateur a pris bien soin de préciser
que, dans cette éventualité, c'est la Ligue qui conserverait
le monopole de la négociation et de la cession des droits
dans leur ensemble.
Un tel système de vente centralisée
a des justifications, notamment économiques. La Commission
européenne, dont l'une des missions et de réguler la
concurrence sur les marchés, vient d'ailleurs de rendre
une décision autorisant le système de vente centralisé
mis en place par l'UEFA pour la Champions' League. Elle
s'apprête en outre à autoriser la vente centralisée
des droits sur la Bundesliga allemande.
Cependant, dans ces deux affaires,
la Commission a pris bien soin de distinguer d'une part,
les droits télévisuels pour lesquels elle autorise,
dans certaines limites, la vente groupée par le seul
intermédiaire de l'instance organisant la compétition
(l'UEFA pour la Champions' League ou la DFB pour la
Bundesliga et, d'autre part, les "droits nouveaux" ou
"new media rights" (Internet et UMTS essentiellement),
pour lesquels la vente groupée par les instances supérieures
(sous forme de "package") est autorisée à condition
que les clubs conservent en parallèle le droit de céder
aux opérateurs intéressés les droits sur les matches
auxquels ils participent. Le but recherché par la Commission
est d'accroître les possibilités de retransmission et
donc le choix pour les consommateurs friands de spectacles
sportifs.
Si on suit le raisonnement
de la Commission, la FFF et la LFP devraient donc en
principe accepter que chaque club cède ses droits Internet
et 3G en toute liberté. Mais la France, dans ce domaine,
pourrait une nouvelle fois faire exception car le régime
de propriété et de cession des droits mis en place par
la Loi Lamour paraît échapper dans une large mesure
au droit de la concurrence.
Il semble donc que l'approche
purement juridique et globalisante de la FFF et de la
LFP qui considèrent les droits Internet et 3G comme
des droits de "communication audiovisuelle" au sens
large doive, au moins pour l'instant, l'emporter sur
l'approche plus économique des autorités de concurrence
qui ont tendance à considérer ces droits de nouvelle
génération comme formant un nouveau marché devant, autant
que possible, être ouvert à la concurrence.
[jperlemuter@salans.com,
rferla@salans.com]
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