Juridique
Football : qui détient les droits Internet et 3G du championnat?
 (Mardi 14 octobre 2003)
         

par Jérôme Perlemuter
et Romain Ferla
Avocats à la Cour
Cabinet Salans
Dernier article paru:
Liberté d'expression
contre droit des marques
(23/07/03)

Régulièrement, les clubs professionnels remettent en cause la propriété et le mode de commercialisation des droits d'exploitation du championnat de France de football. La loi du 16 juillet 1984 dispose en effet que les fédérations sportives (la FFF pour le football) sont propriétaires du droit d'exploitation des manifestations sportives, et que les ligues professionnelles (la LFP pour le football) restent en toutes hypothèses chargées de leur commercialisation… et non les clubs.

Les droits télé en sont l'enjeu majeur, leur montant annuel s'élevant pour l'année en cours à 370 millions d'euros, et la clef de répartition entre clubs étant déterminé pour l'heure par la LFP. Mais à la bataille des droits télé s'ajoute aujourd'hui la controverse sur le front des droits Internet et 3G (nouvelle génération de mobile, notamment l'UMTS).

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La FFF explique en effet qu'elle en est propriétaire et que seule la LFP peut les commercialiser. Les clubs, bien entendu, contestent cette position. Pour la LFP, compte tenu du contexte légal, il ne fait pas de doute que les droits Internet et 3G appartiennent à la FFF et non aux clubs. La position de la LFP s'appuie sur la loi de 1984 qui organise les conditions de la vente des droits sur le sport. Ce texte dispose que la vente de ces droits peut être faite à des "services de communication audiovisuelle". Or, pour la LFP, l'Internet et la 3G entrent bien dans le champ de la "communication audiovisuelle".

Il faut dire que la définition légale de l'expression "communication audiovisuelle" est extrêmement large. La Loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication précise que la communication audiovisuelle inclut en effet "toute mise à disposition du public, ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée".

Les juristes s'accordent pour considérer que l'Internet en fait bien partie et qu'on peut également y intégrer la 3G. Dès lors, les droits Internet et 3G du championnat de France appartiennent bien à la FFF qui a tout loisir de les commercialiser par l'intermédiaire de la LFP.

Par ailleurs, en transposant les solutions propres au droit d'auteur, la LFP peut décider de céder les droits relatifs à chaque support (télé, Internet, téléphonie mobile) à un opérateur différent. C'est ainsi que des contrats ont déjà été conclus par les instances du football sur la téléphonies mobile avec TF1 et SFR.

Là où le bât blesse, c'est que ces contrats conclus par la Ligue entrent en conflit avec d'autres accords conclus par les clubs, cette fois avec Orange et ce, dès 2001. Aux termes de ces accords, les clubs cédaient à Orange leurs droits 3G, sous réserve que les premiers retrouvent la pleine propriété de ces droits et donc la possibilité de les céder.

A ce jour, même si la nouvelle Loi Lamour sur le sport prévoit la possibilité pour la Ligue de transférer aux clubs la propriété des droits d'exploitation sur leurs matches, cette possibilité n'a pas encore été mise en œuvre. Et quand bien même le serait-elle, le législateur a pris bien soin de préciser que, dans cette éventualité, c'est la Ligue qui conserverait le monopole de la négociation et de la cession des droits dans leur ensemble.

Un tel système de vente centralisée a des justifications, notamment économiques. La Commission européenne, dont l'une des missions et de réguler la concurrence sur les marchés, vient d'ailleurs de rendre une décision autorisant le système de vente centralisé mis en place par l'UEFA pour la Champions' League. Elle s'apprête en outre à autoriser la vente centralisée des droits sur la Bundesliga allemande.

Cependant, dans ces deux affaires, la Commission a pris bien soin de distinguer d'une part, les droits télévisuels pour lesquels elle autorise, dans certaines limites, la vente groupée par le seul intermédiaire de l'instance organisant la compétition (l'UEFA pour la Champions' League ou la DFB pour la Bundesliga et, d'autre part, les "droits nouveaux" ou "new media rights" (Internet et UMTS essentiellement), pour lesquels la vente groupée par les instances supérieures (sous forme de "package") est autorisée à condition que les clubs conservent en parallèle le droit de céder aux opérateurs intéressés les droits sur les matches auxquels ils participent. Le but recherché par la Commission est d'accroître les possibilités de retransmission et donc le choix pour les consommateurs friands de spectacles sportifs.

Si on suit le raisonnement de la Commission, la FFF et la LFP devraient donc en principe accepter que chaque club cède ses droits Internet et 3G en toute liberté. Mais la France, dans ce domaine, pourrait une nouvelle fois faire exception car le régime de propriété et de cession des droits mis en place par la Loi Lamour paraît échapper dans une large mesure au droit de la concurrence.

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Il semble donc que l'approche purement juridique et globalisante de la FFF et de la LFP qui considèrent les droits Internet et 3G comme des droits de "communication audiovisuelle" au sens large doive, au moins pour l'instant, l'emporter sur l'approche plus économique des autorités de concurrence qui ont tendance à considérer ces droits de nouvelle génération comme formant un nouveau marché devant, autant que possible, être ouvert à la concurrence.

[jperlemuter@salans.com, rferla@salans.com]

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[Rédaction, JDNet]
 
 
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