Avocat à la Cour et au barreau de New York |
|
|
|
Les acteurs des industries du cinéma et du disque,
mais aussi tous les fans des logiciels de peer-to-peer
attendaient impatiemment la décision de la Cour Suprême
des Etats-Unis, MGM contre Grokster.
Après avoir fait tomber Napster et son système d'échange centralisé, après s'en être pris aux utilisateurs accros d'échanges, les majors ont décidé de poursuivre les sociétés éditrices des logiciels de P2P décentralisés Grokster et Morpheus.
L'historique des faits
L'aventure judiciaire avait plutôt mal commencé pour les majors, leurs arguments n'ayant pas prévalu en première instance ni devant la Cour d'Appel fédérale pour le 9ème Circuit.
La société Grokster était sortie victorieuse en se fondant sur la décision Sony rendue par la Cour Suprême vingt ans plus tôt au sujet du magnétoscope Betamax.
Par cette décision, la Cour Suprême avait jugé que le fabriquant ou le distributeur d'un produit permettant tant des utilisations légales que contrefaisantes (la reproduction de certaines uvres télévisuelles était considérée comme contrefaisante, l'exception de copie privée étant inconnue en tant que telle aux Etats-Unis) ne pouvait voir sa responsabilité engagée de ce seul fait.
C'est en appliquant cette décision que la Cour d'Appel avait considéré que les éditeurs des logiciels Grokster et Morpheus ne pouvaient être responsables des utilisations contrefaisantes de leurs utilisateurs, ces logiciels étant susceptibles d'une utilisation légale substantielle (par exemple, la mise à dispositions de fichiers effectuée par certains ayants droit à des fins promotionnelles, l'échanges d'uvres tombées dans le domaine public, etc.).
Grokster finalement responsable ?
La Cour Suprême a néanmoins cassé la décision de la Cour d'Appel en décidant que la société Grokster pouvait être tenue responsable du fait des échanges de fichiers aux contenus protégés effectués par les utilisateurs du logiciel éponyme. Ainsi, la plus haute juridiction américaine a-t-elle estimé que tout fabriquant ou distributeur d'un produit ou logiciel incitant ses utilisateurs à violer le copyright sera considéré responsable en raison des contrefaçons commises par ces derniers.
L'affaire est aujourd'hui renvoyée en première instance
pour qu'il soit décidé si la société Grokster a effectivement
incité ses utilisateurs à contrefaire des uvres protégées
et par conséquent être déclarée responsable, ce qui
entraînerait certainement sa condamnation à des dommage
et intérêts colossaux.
Un des principaux aspects de cette décision réside dans le fait que, contrairement aux demandes des ayants droit, la Cour Suprême a refusé de modifier sa décision Sony simplement en raison de l'existence de la technologie peer-to-peer. Celle-ci est abordée avec neutralité et la Cour se refuse à la déclarer illicite en elle-même.
C'est bien les agissements, en particulier les incitations à contrefaire des fichiers, que la Cour condamne.
Rappelons que la décision Sony avait permis le développement de nombreuses innovations technologiques à double emploi, comme le graveur de cédérom qui peut être utilisé tant pour copier ses photographies personnelles que pour reproduire un logiciel protégé.
La Cour se veut donc rassurante : sa décision Sony et sa règle du double emploi demeure inchangée, afin de ne pas freiner les futurs développements technologiques ; seules les sociétés encourageant activement la contrefaçon seront tenus responsables des agissements de leurs utilisateurs.
La définition de l'incitation reste floue
Cependant, la décision Grokster est imprécise dans sa définition de l'incitation. La ligne séparant la création et la promotion d'un produit avec l'incitation à la contrefaçon est floue.
Les acteurs de l'industrie technologique américaine ont immédiatement réagi à cette décision craignant que cette imprécision ne soit à l'origine de longs procès aux coûts trop élevés pour leur budget.
En effet, ceux-ci ne veulent pas risquer de développer et promouvoir une technologie qui pourrait être invendable et entraîner leur condamnation.
Dans le doute de ce qui sera reconnu comme légal ou
non, les sociétés innovantes préféreront alors allouer
leur capital vers des inventions aux risques juridiques
faibles. Quitte à passer à côté de l'iPod de demain
|