JURIDIQUE 
PAR MARIE-EMMANUELLE HAAS
Collectivités territoriales et noms de domaine : vers de nouvelles protections ?
Le cybersquatting touche aussi les noms géographiques. La proposition de loi destinée à les protéger, datant de août dernier, impose de nouvelles règles d'enregistrement en «.fr» et complète les dispositions de l'AFNIC.   (18/10/2005)
 
Avocate au Barreau de Paris
Chargée de cours à l'Université Paris I (Sorbonne)
 
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Le piratage des noms de ville a débuté dès 1997 avec la ville de Saint-Tropez et le nom de domaine "saint-tropez.com". Depuis, des villes telles que Barcelone, Heidelberg, Lucerne, Postdam, Brisbane ont été confrontées à ces pratiques, aussi bien sur des domaines génériques (gTLD) que des domaines géographiques (ccTLD). Ces péripéties illustrent les convoitises sur les noms géographiques qui sont aussi les noms des collectivités territoriales, et expliquent les propositions de lois destinées à les protéger.

Trois propositions de loi depuis 2004
Trois propositions de loi se sont succédées depuis 2004. La première est la proposition n° 1576 du député Christian Ménard, du 29 avril 2004, tendant à protéger le nom des collectivités locales sur Internet. Elle réservait aux collectivités le droit d'enregistrer "gratuitement leurs noms à titre d'adresse Internet en .fr". La seconde est la proposition n° 309 du sénateur Philippe Arnaud, tendant à protéger le nom des collectivités territoriales et les fonctions électives sur Internet, adoptée par le Sénat le 22 juin 2004 et en attente d'examen par l'Assemblée nationale. Elle concerne aussi les noms des assemblées parlementaires.

La troisième est celle relative à la communication des collectivités territoriales, n° 494, enregistrée au Sénat le 3 août 2005. Elle a pour objectif général de "créer un cadre législatif à la communication des collectivités territoriales" en complétant le code général des collectivités territoriales, sans aborder la question du nom des assemblées parlementaires. En matière de protection des noms, elle reprend la proposition n° 309, pour la zone ".fr" : "Sauf autorisation du conseil municipal, le nom d'une commune, seul ou associé à des mots ou abréviations faisant référence aux institutions locales, peut uniquement être enregistré par cette commune comme nom de domaine sur les domaines de premier niveau du système d'adressage par domaines de l'Internet, correspondant au territoire national". Une disposition identique est prévue pour le nom du département ou d'une région, sauf autorisation du conseil régional et, pour le nom d'un groupement de communes, sauf autorisation de l'établissement public de coopération intercommunale.

Un caractère rétroactif
Comme dans le projet de 2004, l'interdiction est rétroactive : lors du renouvellement des noms de domaine actuellement en vigueur, ceux qui ne seront pas au nom d'une collectivité locale ne seront pas renouvelés, à l'exception de ceux enregistrés au nom d'une société "ayant une dénomination sociale identique au nom d'une commune et ayant déposé ce nom en tant que marque avant le 1er janvier 1985". Cette question est délicate car, si la charte de l'AFNIC est évolutive, ses modifications successives ne sont pas rétroactives.

La charte de l'AFNIC comporte déjà des dispositions protégeant les communes, introduites suite à l'ouverture de la zone ".fr" en mai 2004. L'AFNIC n'accepte pas l'enregistrement d'un nom de domaine qui correspond au nom d'une collectivité territoriale, tel que publié par l'INSEE et intégré dans la liste des "termes réservés" qui est la liste du nom des communes, accessible à partir du site de l'AFNIC. La seule exception bénéficie au titulaire d'une marque correspondant à ce même nom et enregistrée avant 1985. Les noms des départements, régions et établissements publics de coopération intercommunale ne font pas partie de ces termes réservés. Si la proposition de loi est adoptée, cela conduira à une nouvelle évolution de la charte.

Une protection de l'image analogue au droit des marques
Au-delà de la zone ".fr" et comme dans le texte de 2004, il est proposé que le choix d'un nom de domaine "par une personne physique ou morale de nationalité française ou ayant son domicile, son siège social ou un établissement en France ne peut porter atteinte au nom, à l'image ou à la renommée d'une commune ou avoir pour objet ou pour effet d'induire une confusion avec son site Internet officiel". Cette disposition bénéficie également au département, à la région et aux groupements de commune. Dès lors que le titulaire justifiera de l'un des critères de rattachement à la France, il sera assujetti à cette disposition, sans considération de la zone de nommage, qu'il s'agisse d'un gTLD ou, pourquoi pas, d'un autre ccTLD que le ".fr". La protection du nom, de la renommée et de l'image de la collectivité territoriale suit la logique du droit des marques qui interdit l'enregistrement d'une marque y portant atteinte (article L 711-4 h du Code de la propriété intellectuelle). La commune de Laguiole a ainsi invoqué cette disposition pour protéger son nom qu'un tiers voulait s'approprier à titre de marque.

En l'absence d'autre disposition légale, certaines décisions ont appliqué le droit commun de la responsabilité civile pour examiner si l'usage du nom de la commune par un tiers était à l'origine d'un risque de confusion préjudiciable à la collectivité, avec pour exemples les affaires Arromanches et Elancourt. La première ne concernait pas Internet, elle opposait la commune d'Arromanches-les-Bains à une association Arromanches et la commune a gagné. La seconde opposait la commune d'Elancourt à l'un de ses administrés qui avait mis en ligne des pages Web hébergées chez un prestataire, sous le titre "El@ncourt, bienvenue à El@ncourt", à une adresse "http://.chez.com/elancourt/index" et la commune n'a pu obtenir gain de cause, en l'absence de risque de confusion. L'enjeu est important pour les collectivités territoriales, pour lesquelles l'enregistrement d'une marque reste un moyen de protection indispensable, associé à une stratégie d'enregistrement des noms de domaine.
 
 

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