Consultant NTIC
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Le 15 novembre 2005, le tribunal de Bayonne a relaxé un utilisateur du célèbre logiciel de peer-to-peer "Kazaa" pour le chef d'inculpation de recel.
Nous savions déjà, au travers des décisions de Rodez, de Meaux, du Havre, de Toulon et de l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, que le téléchargement d'uvres de l'esprit sur les réseaux peer-to-peer pouvait bénéficier, comme au Canada, de l'exception pour copie privée. Mais nous ne savions pas encore, en droit français, si l'infraction de recel pouvait ou non faire obstacle à l'exception pour copie privée dans les cas où l'uvre téléchargée a pour origine une mise à disposition illicite.
Le Peer to Peer n'est pas du recel
Rappelons que, aux termes de l'article L. 321-1 du Code pénal "le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un délit. Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou d'un délit."
A cette question, le tribunal de Bayonne répond par la négative. Nulle infraction de recel pour notre internaute, un cuisinier basque de 42 ans. En répondant ainsi à ce nouveau chef d'inculpation, qui apparaît pour la première fois dans ce genre d'affaires, et en réaffirmant qu'il n'y a pas atteinte au droit de reproduction, le tribunal de Bayonne contredit les conclusions auxquelles semblent arriver les membres de la commission du
CSPLA [NDLR : Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique rataché au Ministère de la culture] en charge de ce délicat sujet.
Ces conclusions sont ainsi formulées : "S'il ne résulte aucune certitude des débats de la Commission, faute de consensus, il convient cependant de noter qu'une très grande majorité des membres rejette l'analyse en copie privée." Mais il n'appartient pas à une commission composée en majeure partie d'ayants droit de se substituer au juge pour statuer sur l'espace de liberté qui doit être réservé aux internautes.
Une ammende forfaitaire de 700 euros
Revenons à notre jugement. Le tribunal de Bayonne ne s'est pas borné à relaxer notre amateur de musique. Il l'a quand même condamné pour la "mise à disposition du public" non autorisée de 2.474 fichiers musicaux, confirmant en cela plusieurs décisions antérieures.
Le prévenu n'est toutefois contraint de verser à la SCPP, partie civile dans l'affaire, qu'une simple indemnisation forfaitaire de 700 euros.
Le principe d'une somme forfaitaire ne s'était, lui non plus, encore jamais vu dans ce genre d'affaires. Les dommages et intérêts versés à l'industrie musicale sont traditionnellement calculés en fonction du nombre de fichiers téléchargés.
Cette décision réaffirme le caractère absurde des poursuites judiciaires menées contre les accros du peer-to-peer. C'est contre leur clientèle que se battent actuellement les majors. Gageons que les multinationales ressentiront les effets négatifs de cette stratégie judiciaire ces prochaines années.
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