JURIDIQUE 
PAR MARC D'HAULTFOEUILLE ET EMILIE DE VAUCRESSON
Due diligence des contrats informatiques : les points essentiels à vérifier
Clauses de cession, obligation de résultat, étendue des prestations... Marc d'Hautfoeuille énumère les points essentiels à vérifier en cas d'opération de fusion ou d'acquisition de sociétés informatiques.   (01/02/2006)
 
Marc d'Haultfoeuille est avocat associé, Clifford Chance.
 
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Qu'il s'agisse d'une opération de fusion ou d'acquisition de sociétés entraînant un changement de contrôle, ou qu'il s'agisse d'une opération d'outsourcing, il est conseillé de procéder avant tout accord définitif entre les parties à une "due diligence". Cet audit de la société, de ses comptes, de ses contrats doit permettre d'identifier les engagements pris, les risques associés et par voie de conséquence, d'ajuster le prix proposé et de prendre éventuellement des garanties. En menant une due diligence, l'acquéreur cherche donc à vérifier le passé, le présent mais aussi le futur de la société cible, et notamment à identifier les futures sources de revenus (ou de pertes) et les obligations qu'il s'engagerait à reprendre. Certaines matières nécessitent une revue plus particulière, compte tenu des risques opérationnels, contractuels ou réglementaires pouvant exister : tel est le cas du domaine informatique pour lequel certains points essentiels sont à vérifier. En voici quelques exemples.

Clauses de cession et de changement de contrôle
Quels que soient les contrats, l'auditeur devra rechercher l'existence ou non d'une clause de changement de contrôle et/ou d'une clause de cession. De très nombreux contrats prévoient ce type de clauses, interdisant en général à l'une des parties toute cession ou transfert de tout ou partie des contrats à un tiers, sauf à en informer préalablement et par écrit l'autre partie, voire à obtenir de son cocontractant une autorisation écrite et préalable.

Lorsque le changement de contrôle est mentionné dans le contrat, ce dernier ne précise pas systématiquement ce qui doit être entendu par "changement de contrôle". En l'absence de définition, la notion de contrôle pourra être interprétée conformément à l'article L. 233-3 du Code de commerce.

Par ailleurs, en l'absence de disposition contractuelle concernant la cession du contrat et, dans l'hypothèse où il n'existe aucune disposition légale, la Cour de cassation, notamment par un arrêt du 7 janvier 1992, a admis que le contrat, même conclu intuitu personae, puisse être transmis, sous réserve du consentement de l'autre partie. Il faudra donc veiller à ce que les cocontractants de la société auditée soient dûment informés ou que leurs consentements soient recueillis, si nécessaire, préalablement à la mise en oeuvre de l'opération.

Obligations de résultat et limitation de responsabilité
L'acquéreur devra également vérifier la nature et le contenu des obligations souscrites. En effet, s'il reprend les obligations d'un prestataire informatique, il peut être soumis à une obligation de résultat, et la seule inexécution de ses obligations, comme le non-respect des délais de livraison et des coûts, suffit à engager sa responsabilité, s'il ne peut pas apporter la preuve d'une cause étrangère. Parallèlement, l'acquéreur devra contrôler si le contrat prévoit des pénalités de retard, si certains dommages ont été exclus du périmètre contractuel et si la responsabilité du prestataire a été limitée ou non.

Etendue des prestations
Le périmètre et la nature des prestations doivent aussi être vérifiés lors de l'audit. Ainsi, les engagements diffèrent selon qu'il s'agit d'une fourniture d'équipements informatiques, de prestations de consulting, de maintenance ou encore de formation du personnel. A titre d'exemple, en cas de reprise ou de livraison de matériels, il convient de vérifier si un transfert de propriété a été réalisé ou prévu ou si un contrat de location ou de crédit-bail a été mis en place.

Durée des engagements
L'acquéreur, qui reprend à sa charge les obligations d'un fournisseur, devra s'intéresser à la durée des engagements, c'est-à-dire s'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat à durée déterminée, avec ou non un renouvellement tacite ou exprès.

Il est également nécessaire de rester vigilant sur la durée de toute garantie accordée. Ainsi, par exemple, un prestataire informatique a pu s'engager, au titre de la garantie, à livrer des mises à jour ou des pièces détachées de rechange pendant une durée de dix ans à compter de la livraison ou faire évoluer le progiciel concédé pendant une durée minimum de cinq ans. L'acquéreur pourra-t-il reprendre ce type d'engagements ?

Restrictions à l'activité
L'acquéreur doit aussi porter une attention toute particulière aux clauses de non-concurrence ou d'exclusivité qui conduisent à une restriction de l'activité. En présence de telles clauses, il est alors nécessaire de vérifier que l'acquéreur n'est pas un concurrent (au sens donné par le contrat) ou s'il n'a pas déjà conclu des contrats qui pourraient remettre en cause cet engagement d'exclusivité. A défaut, le client de la société cible pourrait être autorisé à résilier son contrat.

Licence de progiciel
L'acquéreur devra s'assurer que la licence concédée à la société cible peut lui être transférée et vérifier que les droits ainsi concédés lui permettront d'utiliser le progiciel (y incluant sa documentation) conformément à ses besoins.

Devront ainsi être vérifiés dans le contrat de licence, le territoire de la licence, le nombre d'utilisateurs ou de systèmes autorisés, les droits concédés (droit de reproduction, de traduction, etc.) ainsi que la durée. A défaut de connaître le périmètre exact de la licence concédée, l'acquéreur risque d'être poursuivi pour contrefaçon du progiciel dès lors qu'il n'aura pas été expressément autorisé par l'auteur pour l'usage qu'il en fait.

Développements spécifiques
En ce qui concerne les développements spécifiques (réalisés par le prestataire informatique pour un client, ou par ses propres équipes ou par un sous-traitant), il faut s'interroger sur la titularité des droits sur ces développements.

Une clause de cession a-t-elle été prévue ? Est-elle valable, conformément à l'article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle ? A-t-elle pris effet ? Le prestataire dispose-t-il d'un droit d'utilisation malgré la cession consentie ? Les éléments cédés ont-ils été remis ? En cas de développements en interne, la société cible dispose-t-elle de tous les droits ou certains salariés pourraient-ils en revendiquer ? A ce titre, rappelons que, sauf dispositions contraires dans le contrat de travail des salariés, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par les salariés dans l'exercice de leurs fonctions sont dévolus à l'employeur (article L. 113-9 du Code de la propriété intellectuelle).

Bien entendu, ces points à vérifier sont une base pour un audit des contrats informatiques, laquelle devra être personnalisée et adaptée à la configuration de l'opération, ainsi qu'aux besoins de l'acquéreur. Il est évident que toute opération transnationale d'acquisition complexifiera les questions et problématiques juridiques.

 
 

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